Lors de cette session des “Visiteurs du Soir” (10/09/23), animée par Frédéric Taddéï, le second débat avait pour objet le thème du transhumanisme.
Dire précisément de quoi il s’agit serait difficile tant le concept est sujet à interprétations. On se situe en effet dans une sorte de nébuleuse portant l’idée que le progrès technique aboutira tôt ou tard à une transformation radicale de l’être humain. Selon les plus enthousiastes zélateurs de cette théorie, l’Homme deviendra plus intelligent, plus puissant, résistant à quasi toutes les maladies, et à terme, il pourra peut-être accéder à l’immortalité.
Pour en débattre, le premier protagoniste était Michel Onfray, philosophe bien connu, très médiatique et surtout très prolixe en ouvrages célébrant une vision athée, quelque peu nietzschéenne du monde, fermement ancrée dans un socialisme utopique, de type proudhonien. Le second, Laurent Alexandre, fut chirurgien, cofondateur du site web Doctissimo, auteur de nombreux ouvrages consacrés à l’avenir des sciences et des biotechnologies, également habitué des plateaux télévisés et tout aussi engagé politiquement, mais quant à lui, dans une sorte de libéralisme de centre gauche, néo-macroniste, selon ses propres déclarations.
Le point de départ de la discussion se fondait sur un objectif en apparence partagé : celui d'améliorer les perspectives d’avenir pour l'Humanité. La visée est on ne peut plus louable, mais il ne fallut pas attendre bien longtemps pour comprendre que les voies préconisées pour y parvenir étaient largement divergentes.
Laurent Alexandre propose une voie résolument optimiste, et se fait le démiurge d’une nouvelle humanité. Selon ses dires, “l’Homme 1.0 est mort, vive l’Homme 2.0”! Emporté par la passion, il lui arrive même d'appeler ce dernier Homo Deus.
Les progrès rapides en biologie, en génétique, en intelligence artificielle (IA), en nanotechnologies, l’incitent en effet à penser que l'être humain est en passe d’être transfiguré. Tout ce qui semblait relever de la Nature sera selon lui revisité par la technique. Ainsi “le bébé à la carte” deviendra la règle eugéniique, et la grossesse et l’accouchement ne seront bientôt plus qu’un souvenir, grâce à l’avènement de l’utérus artificiel. Ce dispositif permettra d’optimiser la gestation, et de doter le foetus d’extraordinaires capacités physiques et intellectuelles. La famille réunie autour de la machine, trônant dans le salon durant 9 mois, pourra même suivre le bon développement du futur enfant...
Dans ce monde idéal, il n'y aura peut-être même plus besoin de travailler. Un revenu universel sera versé aux oisifs et tous les désirs pourront être satisfaits sans délai par l'Intelligence Artificielle, omniprésente.
Dire précisément de quoi il s’agit serait difficile tant le concept est sujet à interprétations. On se situe en effet dans une sorte de nébuleuse portant l’idée que le progrès technique aboutira tôt ou tard à une transformation radicale de l’être humain. Selon les plus enthousiastes zélateurs de cette théorie, l’Homme deviendra plus intelligent, plus puissant, résistant à quasi toutes les maladies, et à terme, il pourra peut-être accéder à l’immortalité.
Pour en débattre, le premier protagoniste était Michel Onfray, philosophe bien connu, très médiatique et surtout très prolixe en ouvrages célébrant une vision athée, quelque peu nietzschéenne du monde, fermement ancrée dans un socialisme utopique, de type proudhonien. Le second, Laurent Alexandre, fut chirurgien, cofondateur du site web Doctissimo, auteur de nombreux ouvrages consacrés à l’avenir des sciences et des biotechnologies, également habitué des plateaux télévisés et tout aussi engagé politiquement, mais quant à lui, dans une sorte de libéralisme de centre gauche, néo-macroniste, selon ses propres déclarations.
Le point de départ de la discussion se fondait sur un objectif en apparence partagé : celui d'améliorer les perspectives d’avenir pour l'Humanité. La visée est on ne peut plus louable, mais il ne fallut pas attendre bien longtemps pour comprendre que les voies préconisées pour y parvenir étaient largement divergentes.
Laurent Alexandre propose une voie résolument optimiste, et se fait le démiurge d’une nouvelle humanité. Selon ses dires, “l’Homme 1.0 est mort, vive l’Homme 2.0”! Emporté par la passion, il lui arrive même d'appeler ce dernier Homo Deus.
Les progrès rapides en biologie, en génétique, en intelligence artificielle (IA), en nanotechnologies, l’incitent en effet à penser que l'être humain est en passe d’être transfiguré. Tout ce qui semblait relever de la Nature sera selon lui revisité par la technique. Ainsi “le bébé à la carte” deviendra la règle eugéniique, et la grossesse et l’accouchement ne seront bientôt plus qu’un souvenir, grâce à l’avènement de l’utérus artificiel. Ce dispositif permettra d’optimiser la gestation, et de doter le foetus d’extraordinaires capacités physiques et intellectuelles. La famille réunie autour de la machine, trônant dans le salon durant 9 mois, pourra même suivre le bon développement du futur enfant...
Dans ce monde idéal, il n'y aura peut-être même plus besoin de travailler. Un revenu universel sera versé aux oisifs et tous les désirs pourront être satisfaits sans délai par l'Intelligence Artificielle, omniprésente.
Inutile de dire que cette description horrifia Onfray, qui y voit la concrétisation maléfique du fameux "Meilleur Des Mondes". Lui à l'opposé, reste envers et contre tout attaché à un monde fondé sur le respect des traditions. Il veut l'avènement d'un modèle de société libre et joyeuse, ouverte aux délices de l'épicurisme, tout en garantissant la protection des citoyens contre toute emprise excessive du Pouvoir, des Médias, des Commerçants, des Religions, de la Mondialisation, et in fine de la Technique et de l'Informatique.
Taddei qui se trouvait pris entre le marteau et l'enclume tenta quelques incursions visant à rapprocher les deux paradigmes mais rien n'y fit. Bioconservatisme contre transhumanisme, c'est de toute manière irréconciliable, et dans les deux cas, extravagant. On pouvait supposer d'ailleurs, que l'animateur ne penchait n'y d'un côté ni de l'autre tant les paradoxes et les contradictions étaient légions, quelque soit l'option considérée.
Le scientifique exalté se veut le chantre d’une nouvelle humanité assujettie à la technique, sans aspiration spirituelle autre que “de tuer la mort”, et dont la foi et la morale se réduisent à un fumeux “théo-logiciel”. Une perspective d’évolution entièrement consacrée à la réalisation narcissique d'un idéal de perfection, plein de vanité, donc de vide. Par un étrange oxymore, le culte de l'individu le plus exacerbé s'inscrit dans une vision holistique de la société au sein de laquelle les citoyens valent à peine mieux que des fourmis au comportement programmé.
Il imagine avec un sérieux confondant qu’on pourra rendre les gens plus intelligents par la magie de la biotechnologie, en leur greffant des puces dans la cervelle ! Comme si l'intelligence pouvait être aussi simple, comme si la machine, aussi perfectionnée soit-elle, pouvait être qualifiée d'intelligente, et comme si elle excluait totalement par nature la bêtise ! Dans un beau geste altruiste, il voudrait que ces progrès profitent à tout le monde, prioritairement aux gens défavorisés par la nature, et qu'ils soient remboursée par la Sécurité Sociale ! Une telle naïveté ruine la crédibilité qu'on serait tenté d'accorder à ce modèle caricatural.
Mais on n’est pas plus convaincu par son interlocuteur Michel Onfray, proposant une version amendée du rêve ancestral de société juste et égalitaire.
Le philosophe, aussi brillant qu’idéaliste, qui se veut novateur, ne fait rien d’autre que recycler de vieilles lunes révolutionnaires d'inspiration collectiviste, toujours désastreuses lorsqu’elles furent mises en œuvre par le passé. Oubliant ces expériences malheureuses, et alors qu’il se prétend libertaire, il en vient à considérer le libéralisme, incarné selon lui par son interlocuteur, comme aussi néfaste que le communisme ! Il s'oppose de toutes ses forces à “la réification du monde” mais reste envers et contre tout fidèle au socialisme, fondé quelque soit la version mise en œuvre, sur une vision matérialiste et athée qui symbolise le mieux cette réification.
Au bout du compte, à l'issue de la confrontation, l'envie qui se faisait jour était de renvoyer dos à dos les deux conceptions, car décidément, l'une mélange science et scientisme, l'autre continue de confondre philosophie et utopie …
8 commentaires:
Dénaturation et absence de limite sont en effet deux des mamelles du Libéralisme...
Nous avons déjà changé de civilisation (je parle là de la technologique, pas celle ethnique à venir) vu le nombre de zombies les yeux sans cesse rivés sur l'écran de leur smartphone greffé sur leur main... Cela fait un peu peur.
Par contre, la fin du travail, je suis preneur mais je ne la verrai sans doute pas de mon vivant. Ou alors trop tard, quand je serai déjà à la retraite (dans une vingtaine d'années, en pronostiquant un énième allongement de la durée de cotisation et de l'âge légal). Mais je doute que le Capital et le Système acceptent sans broncher de nous laisser en liberté et il y aura toujours des choses à faire...
Onfray, c'est un peu l'auberge espagnole, il y a à boire et à manger... Son espace politique me semble restreint puisque de toutes façons, s'il se lance, il ne s'alliera sans doute jamais avec d'autres souverainistes (car marqués "à droite voire plus" : NDA, Philippot, Asselineau) et encore moins avec le RN.
Et quel avenir pour l'homme "blanc, white, blancos" ? Contre toute logique, les zones du monde prospères (Europe, pour l'Amérique du Nord, je ne sais pas) ne font plus beaucoup d'enfants, au contraire de l'Asie et de l'Afrique... A terme, il en restera peut-être quelques réserves en Islande et en Sibérie...
Anecdote n'ayant rien à voir avec le sujet abordé mais... Vendredi, en rentrant du bureau, dans la promiscuité des transports en commun marseillais, un vieil homme avec canne, d'origine maghrébine et visiblement éméché (ou avec un "pète au casque") partit dans une tirade à prendre paradoxalement très au sérieux selon moi. Quelque chose du style : "Nous, on n'est pas raciste comme les colonialistes français qui ont écrasé l'Algérie, nos pères, nos mères. (...) Mais vous verrez, dans 10 ans, l'Algérie sera comme les Emirats Arabes Unis. Et elle écrasera la France.". Me vint aussitôt en mémoire la "une" d'il y a quelques mois du "Point" (pour une fois que je suis d'accord avec cette feuille de chou libérale...) : "Colonisation : l'héritage maudit (Islam, immigration, repentance...)"
Bref, tout cela n'est pas jojo (sans compter le reste), n'est-ce pas ?
François
(Suite) De "centre-gauche", Alexandre ? Je me demande d'ailleurs ce qui distingue un homme de "centre-gauche" d'autres de "centre-droit" ou de "centre-centre"... Enfin, en France, c'est ainsi, on gouverne au centre. Et en phagocytant le PS et l'ex-UMP (qui ne sont plus désormais que des coquilles vides aux mains de seconds voire troisièmes couteaux) puis en plaçant un "épouvantail" à chacune des deux extrémités du spectre politique (ce qui enferme les classes populaires dans des impasses électorales), le "bloc bourgeois" s'est assuré une victoire quasi-perpétuelle. A moins que les gens finissent par comprendre ce petit manège savamment huilé...
François
Hélas, François, votre aversion du libéralisme vous pousse à voir son empreinte maléfique partout et à lui attribuer par principe tous les maux de la terre.
Pourquoi donc serait-il synonyme de dénaturation ? Bien sûr, tout concept peut être l'objet de dénaturation et le libéralisme en a beaucoup souffert, souvent par méconnaissance. Je vous invite à lire ou relire les grands penseurs du libéralisme pour vous en faire une idée non dénaturée...
Le libéralisme ne signifie pas non plus l'absence de limite. C'est une idée répandue mais inexacte, qui le fait confondre avec l'anarchie, la loi de la jungle, le chaos, le bordel etc... La liberté a besoin de s'appuyer sur la responsabilité pour s'exprimer pleinement. Celle-ci suppose des limites et des lois, simples et appliquées, pour les faire respecter. Évidemment, point trop n'en faut toutefois, sous peine d'asphyxier toute liberté et toute initiative... C'est toute la difficulté.
S'agissant enfin des opinions politiques de Michel Onfray et de Laurent Alexandre, je n'ai fait que relater leurs propres déclarations. Ni l'un ni l'autre n'est très libéral me semble-t-il...
Bonsoir Pierre-Henri... Et vous, je crains que vous ne confondiez la théorie, peut-être alléchante, du "tableau noir" avec la réalité de notre monde... Car ôtez-moi d'un doute, nous évoluons quand même bien dans des "démocraties libérales", nous autres de l'Occident ? Enfin, nous sommes quand même plus proches du libéralisme que de tout autre système (y'en a-t-il eu beaucoup, d'ailleurs ?), il me semble.
Et qui fixe les nécessaires limites ? Nous n'en avons peut-être (sûrement, même) pas tous la même notion. Par exemple, je considère que le dimanche doit être un jour non travaillé pour tous (hors bien entendu certains services publics et lieux œuvrant dans le domaine du loisir - restaurants, cinémas... -), où chacun peut se retrouver dans les activités familiales, culturelles, sportives, etc.... Or ce n'est généralement pas le cas des libéraux qui considèrent que l'on devrait avoir le droit de travailler quand bon nous (ou plutôt nos employeurs) semble.
François
C'est bien là que le bât blesse. Notre démocratie n'a de libéral que le nom que certains lui donnent, sans savoir trop de quoi il s'agit, et de manière généralement péjorative, tant on leur a appris qu'il s'agissait d'une calamité (aussi triste que cela soit, peu de gens osent encore se dire partisans du libéralisme de nos jours).
Nous sommes en réalité tout près de l'Etat-Providence que Tocqueville voyait comme le risque majeur d'évolution pour les citoyens d'un régime démocratique. Autrement dit, l'avènement "d'un pouvoir immense et tutélaire qui se charge seul d'assurer leurs jouissances et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs facilités et leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leur héritage "
Une des plus belles réflexions définissant l'idée de libéralisme vient de Tocqueville: "Le premier souci d'un bon gouvernement devrait être d'apprendre au Peuple à se passer de lui" . C'est précisément tout le contraire auquel on assiste de nos jours.
Schumpeter auquel vous faisiez allusion il y a peu, estimait que le risque majeur des sociétés démocratiques libérales était de verser peu à peu dans le socialisme. Il ne croyait pas que le capitalisme démocratique serait tué par des révolutions brutales mais plutôt asphyxié progressivement sous le poids de la bureaucratie et du plomb des pseudo acquis sociaux...
Certes, nous sommes encore relativement libres, mais les contraintes qui nous assaillent deviennent de plus en plus nombreuses, et l’État s'occupe de tout ou presque. Le peuple quand à lui est en passe d'être converti : il attend désormais tout de lui. La Liberté et la responsabilité qui sont les vraies mamelles du libéralisme sont en voie de dessèchement !
Le travail du dimanche est un bon exemple. Sauf pour satisfaire quelque considération religieuse, pourquoi réglementer, sachant que, comme vous le dites, nombre de professions doivent assurer une continuité de service 7j/7, et souvent même la nuit (j'en sais quelque chose). Pourquoi empêcher ceux qui le souhaitent, pour des raisons diverses, de travailler le dimanche, et pourquoi priver les personnes qui le désirent, de la possibilité de faire leurs achats durant leur jour de repos ?
L'essentiel est de pouvoir bénéficier de vacances et de temps de repos. Les syndicats, s'ils étaient moins politisés et plus attentifs au sort de leurs adhérents, sont là pour négocier des conditions de travail satisfaisantes avec les employeurs, qui ne sont pas tous des imbéciles bornés et cupides.
A force de vouloir tout réglementer, le code du travail est devenu un bazar inextricable. Les lois sont de plus en plus nombreuses et tarabiscotées, quand elles ne sont pas contradictoires entre elles. Il faut des savants pour les élaborer, des experts pour les décrypter, et des armées de contrôleurs pour tenter de vérifier leur application. Que d'énergie dépensée en vain, puisque beaucoup de gens se croient toujours plus exploités !
Je ne sais pas vous mais personnellement, je ne connais personne qui souhaite travailler le dimanche. Quant aux courses (ne serions-nous que des consommateurs ?), il y a déjà à la sortie du travail en semaine (les superettes sont partout) et le samedi. Passer son dimanche dans des magasins alors qu'il y a déjà 6 jours par semaine pour ça, quelle tristesse...
"Syndicats politisés" n'a aucun sens. Si des lois néfastes pour les salariés sont mises en place (venant majoritairement - mais pas que, hélas - de la droite), il est logique que les syndicats s'y opposent. Ou alors il faut aussi qualifier Alliance de "syndicat politisé". Le ferez-vous ?
Vous en connaissez au moins un ! Je n'ai jamais eu de problème avec le travail du dimanche, ni avec celui de nuit, que j'ai exercé durant plusieurs décennies. Heureusement d'ailleurs car sinon il aurait fallu changer de métier...
S'agissant des syndicats, lorsqu'on voit leurs représentants avoir ouvertement partie liée avec des formations politiques (CGT-PCF, CFDT-PS), on peut dire qu'ils sont politisés. Comment affirmer dès lors qu'ils puissent rester impartiaux lorsque ces partis arrivent au pouvoir ?
Il y a aussi des syndicats de droite : Alliance ou l'UNI chez les étudiants. Et les syndicats n'ont jamais hésité à manifester contre un gouvernement "de gauche" (loi Travail, notamment).
Et bien bravo à vous mais la vie familiale en prend un sacré coup, inévitablement. Si vous l'avez bien vécu, c'est l'essentiel.
Bon dimanche
François
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