Comment diable le système de santé français, autrefois presque unanimement présenté comme étant le “meilleur du monde”, est-il devenu ce “grand corps malade” que tout le monde déplore, malgré l’abondance de lois, de réformes, de moyens et d’ordonnances en tous genres dont il a fait l’objet ?
Force est de constater qu’en dépit des fabuleux progrès techniques dont les soins ont bénéficié, il est à bout de souffle à force d’avoir été trop administré.
En médecine, on a coutume d’appeler gasps les dernières inspirations inconscientes et vaines d’un mourant semblant chercher désespérément l’air.
Les récentes mesures proposées par l’Etat s’apparentent à ces râles agoniques. Techniquement on pourrait parler de pis-aller ou encore d’expédient. Les anciens auraient parlé de “cautère sur jambe de bois”.
L’objectif n’est pas de rappeler les innombrables réformes ni les tombereaux d’argent public déversés depuis des décennies. Il est simplement d'observer que malgré ses échecs répétés, la même politique perdure envers et contre tout.
Le constat a été fait maintes fois par le passé, mais plus la potion se montre inefficace, plus on augmente sa dose.
Hélas, il semble qu'il soit très difficile de freiner la bureaucratie qui crée sans cesse de nouveaux besoins à financer, et se fonde sur des principes intangibles déconnectés de la réalité.
Il n'est donc question ici que du dernier projet de loi en date, déjà validé en première lecture par l’Assemblée nationale, destiné à réguler l’installation des jeunes médecins. C’était à peu près la dernière liberté qui restait aux praticiens, quasi totalement assujettis au monstre tentaculaire de la Sécurité Sociale.
Pour lutter contre la désertification croissante des campagnes et des territoires devenus invivables, le législateur est en passe d’accorder une nouvelle mission aux Agences Régionales de Santé (ARS). Il s'agit de contraindre les jeunes médecins à poser leur plaque dans les régions sinistrées en les empêchant administrativement de le faire dans celles mieux dotées, généralement plus attrayantes. En bref, dans les endroits jugés suffisamment pourvus, il faudra attendre le départ d’un confrère et obtenir l’autorisation de l’agence avant de s’installer. On imagine sans peine la course à l’échalote que cela va engendrer et tous les stratagèmes de contournement dont devront user les impétrants pour tenter de s’établir coûte que coûte là où ils le souhaitent.
Non contents d’avoir provoqué si ce n’est organisé cette désertification par une centralisation insensée des services publics, et l’accumulation de normes ubuesques, les Pouvoirs Publics vont donc mettre en place une nouvelle usine planificatrice digne des soviets.
Le spectre du calamiteux NHS britannique n'a jamais été aussi présent, avec son lot de conséquences fâcheuses : files d'attente, pénuries, démotivation, piston et passe-droit en tout genre.
On ne saurait mieux parler de ce texte de loi “transpartisan”, proposé par le député socialiste Guillaume Garot, que ne l'a fait François Arnault*, président du Conseil National de l'ordre des médecins (CNOM) :
“Nous devons à l’obstination déraisonnable d’un député le vote d’une loi de coercition enlevant la liberté d’installation aux médecins. Une nouvelle fois, des députés, enfermés dans leur certitude que le désastre démographique de 95 % du territoire français est imputable aux seuls médecins qui refusent de s’installer dans les zones sous-denses, ont trouvé une majorité pour contraindre les médecins. Ce sont donc les ARS qui vont répartir la pénurie. Contraindre qui à aller où ? Dans les villes où il n’y a plus de médecins, dans les campagnes où les services publics ont déjà tous fermé leurs portes. Des parlementaires vont porter la responsabilité de la catastrophe qui s’annonce. Les jeunes confrères vont fuir cet exercice territorial auprès des patients, déjà difficile à choisir, pour rejoindre les postes hospitaliers et autres activités qui ne seront pas régulées comme, par exemple, la médecine esthétique ! Quel coup de maître, monsieur le député !”
* bulletin mensuel du CNOM Avril 2025
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