Si les différents aspects du diagnostic sévère établi par le maire de Cannes sont pertinents, et partagés par un nombre croissant de gens, il s’agit de savoir s’il est possible de passer enfin des paroles à une refondation concrète de la société. Pour ce faire, il faudrait redonner aux Français le goût de la liberté et de la responsabilité, ce qui n’est pas une mince affaire. Mais le plus gros problème est de définir un vrai projet de gouvernement et surtout de préciser sur quelle plateforme politique il pourrait s’établir.
David Lisnard annonce une suite programmatique à ce premier recueil, mais dès à présent, deux réserves majeures peuvent être faites.
La première porte sur la faiblesse de l’assise politique actuelle de celui qui est à ce jour maire de Cannes et président de l’Association des Maires de France (AMF). Ce n’est certes pas rien, d’autant qu’il fut réélu brillamment à la tête de sa ville en 2020, mais il semble peu probable que le micro parti Nouvelle Énergie pour la France, fondé par lui en 2014, soit en mesure de peser suffisamment à lui tout seul pour proposer une vraie alternative nationale.
S'il s'agit de garder l'étiquette de son parti d’origine Les Républicains, comment imposer les vues libérales audacieuses qu’il expose hardiment, au quarteron de politiciens ego-centrés retranchés dans la dernière casemate d'un Gaullisme usé jusqu'à la corde ? Comment convaincre ces gens biberonnés au lait de l’Etat-Providence d'adopter une vraie ligne libérale, de casser les codes périmés de la politique à la papa et d'ouvrir la voie à une vaste union, s’écartant sans vergogne des idéaux funestes d'une gauche ringarde, et dépassant les cloisonnements égotiques ?
A gauche, et même au centre, il n'y a bien sûr aucun espoir de rallier les foules, tant les parti pris idéologiques semblent ancrés dans les esprits. Mais à droite, les perspectives semblent tout aussi bouchées puisque M. Lisnard répète à qui veut l’entendre qu’il n’a rien à partager avec le Rassemblement National dont il qualifie le projet de “socialiste sur le plan économique, étatiste et interventionniste”. Hélas, à ne vouloir autour de soi que des gens parfaitement alignés sur toutes les problématiques, on ne peut que rester très loin d’une vaste union à l’instar de celle qu’a réussi à mettre sur pied Giorgia Meloni en Italie..
Second reproche, M. Lisnard rappelle avec vigueur son attachement aux principes cardinaux de la Vème république, dont il loue la stabilité et dont il exclut seulement la réforme du quinquennat. Mais si cette constitution a pour elle une certaine longévité, c’est oublier quand même qu’elle nous a mené au marasme actuel. Même du temps béni du septennat, elle a permis des cohabitations douteuses et n’a pas empêché l’ostracisation systématique d'un parti politique, lequel n’a cessé de grossir jusqu'à fausser gravement le jeu démocratique.
Contrairement à l’opinion de l’auteur, dans ce contexte, l'élection du président de la république au suffrage universel est loin d'être la panacée. On a vu à plusieurs reprises qu’à cause du funeste barrage prétendu républicain, les dés étaient pipés, avec pour triste résultat le triomphe en trompe l’œil en 2002 du candidat Chirac, pourtant très impopulaire, avec 82% des voix. Les succès faciles d’Emmanuel Macron en 2017 et en 2022 relèvent du même vice de forme.
Contrairement à l’opinion de l’auteur, dans ce contexte, l'élection du président de la république au suffrage universel est loin d'être la panacée. On a vu à plusieurs reprises qu’à cause du funeste barrage prétendu républicain, les dés étaient pipés, avec pour triste résultat le triomphe en trompe l’œil en 2002 du candidat Chirac, pourtant très impopulaire, avec 82% des voix. Les succès faciles d’Emmanuel Macron en 2017 et en 2022 relèvent du même vice de forme.
Si pour le maire de Cannes, le quinquennat est une mauvaise réforme, n’est-ce pas parce qu'elle n'a pas été associée à la révision de la durée du mandat des députés ?
Facteur aggravant dans le régime actuel, l’équilibre des pouvoirs reste des plus incertains en dépit d’assemblées pléthoriques (577 député et 348 sénateurs vs 435 et 100 pour les Etats-Unis). Le rôle du Sénat est symbolique et on peut déplorer, comme M. Lisnard le fait d'ailleurs, une centralisation excessive des prises de décisions, l’absence de toute responsabilité et de toute remise en cause de la justice et le pouvoir excessif du Conseil constitutionnel, du conseil d'Etat et de nombre d’instances qui n’ont d’indépendantes que le nom.
En définitive, la voix de David Lisnard apporte incontestablement un peu d’air frais dans le débat politique vicié qui asphyxie peu à peu les esprits. Elle est porteuse d’une vraie espérance car elle exprime une détermination claire, courageuse, saine, aux accents empreints de sincérité. Il y a malheureusement loin de la coupe aux lèvres et d’ici que cette bonne volonté se transforme en véritable rénovation du pays, beaucoup d’eau saumâtre risque encore de s’écouler sous les ponts vermoulus de notre pauvre république…
David Lisnard. Ainsi va la France. Edition de l’Observatoire / Humensis. Paris 2025.
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