20 novembre 2009

Drôle de bilan (2)

SARKOZY, ULTRA-LIBERAL ?

Nicolas Sarkozy est rituellement taxé d'ultra-libéral. Non seulement cette critique est inopportune, mais elle relève le plus souvent de la mauvaise foi.
Que fait-il donc de si libéral ? Certes il tente de contenir un peu la pression fiscale énorme qui pèse sur le pays, mais pour le reste, on le voit surtout pratiquer le bon vieux culte du centralisme étatique si en vogue chez nous depuis Louis XIV.
Pour s'attaquer à la Crise, c'est on ne peut plus clair : il utilise en la circonstance des recettes beaucoup plus proches de celles de la social-démocratie que des théories de Hayek, Mises ou Friedman.

La vérité est que sur une voie étroite, le Président cherche à l'évidence à naviguer sans casse entre les écueils de l'actualité, avec la hantise d'une crise sociale de grande ampleur. De ce point de vue, prétendre comme on l'entend si fréquemment, qu'il a des dogmes apparaît particulièrement exagéré. Il montre tous les jours qu'il est capable d'adapter sa politique aux faits. Cela ne contribue d'ailleurs pas peu à altérer la lisibilité de sa stratégie.
S'agissant par exemple du "paquet fiscal", qu'on agite comme un épouvantail, mais qui figurait dans le programme sur lequel il fut élu, il s'agit d'un ensemble de mesures loin d'être destinées uniquement aux "plus riches". Détaxer un peu le travail par le biais des heures supplémentaires, réduire les droits de succession, et protéger les contribuables contre l'appétit illimité du fisc semblent des mesures de salubrité publique, même si le recours par l'Etat à un "bouclier", destiné à protéger ses victimes de sa propre avidité, peut paraître surréaliste (il faut rappeler cependant, que l'inventeur du concept fut Dominique de Villepin). En réalité, pour les classes les plus aisées, Nicolas Sarkozy s'est contenté de pondérer quelque peu l'ISF tout en le compliquant encore un peu plus, alors que tous les autres pays l'ont purement et simplement supprimé...
La diminution de la TVA sur les restaurants, qui était une promesse électorale, relève du simple bon sens et avait été réclamée à corps et à cris par nombre de gens peu suspects d'être liés à je ne sais quel lobby ultra-libéral.
La suppression de la taxe professionnelle se heurte quant à elle à un vrai tir de barrage des élus locaux, y compris au sein de l'UMP. Pourtant chacun sait l'impact désastreux de cette ponction sur le chiffre d'affaires des entreprises, qui freine leur dynamisme et leurs investissements, tandis qu'elle encourage le gaspillage au niveau des Collectivités Territoriales. Un récent reportage du magazine télévisé Capital (15/11/09) objectivait clairement les excès, et les redondances qui caractérisent la gestion prodigue de ces assemblées. Dans un des derniers numéros du Point, on rappelait que La France avec son fameux mille-feuilles géographico-administratif entretient plus de 6000 conseillers régionaux et généraux aux fonctions mal définies, et recrute plus de 36.000 nouveaux fonctionnaires par an ! Enfin, chacun peut constater la surenchère parfois délirante à laquelle se livrent villes et villages en matière de voirie ou d'installations socio-culturelles dont l'utilité paraît le plus souvent, rien moins qu'évidente.
Les Collectivités Territoriales ont hérité certes de quelques tâches autrefois dévolues au Gouvernement mais, outre l'accroissement parfois sidérant de la fiscalité locale, les dotations de l'Etat sont elles-mêmes en augmentation constante : plus de 51% entre 2004 et 2008 pour les régions, et plus 12,3% pour les départements.
La simplification proposée est susceptible d'améliorer le fonctionnement de cette formidable machine, tout en produisant de substantielles économies. Mais s'il faut "compenser" la disparition de la taxe professionnelle, comme certains le réclament, une bonne partie de l'effet escompté s'envolera, et il faudra trouver d'autres cochons de payeurs pour éponger cette gabegie.

Au plan de la stratégie générale, notamment vis à vis de la Crise financière, Nicolas Sarkozy insiste depuis plusieurs mois sur le rôle bienfaiteur de l'Etat et la nécessité de renforcer les régulations. La logique voudrait sur ce point, qu'il trouve au moins un début d'approbation du côté des Socio-Démocrates et un certain désaccord de la part des Libéraux dignes de ce nom. Paradoxalement, il semble que cela soit quasi l'inverse !
Pour un Libéral, rien ne prouve que la crise soit l'effet d'un manque de régulations. Vu leur nombre ahurissant, en croissance perpétuelle, on serait tenté d'affirmer le contraire, tout en déplorant qu'elles sont de toute manière à l'évidence fort mal faites, et cela, même aux Etats-Unis. Comment se fait-il notamment que les organismes mis en place à grands frais pour contrôler les marchés (SEC, COB..) aient été bernés si longtemps par Madoff and Co ?
Quant au rôle bénéfique de l'Etat, il est permis d'en douter lorsqu'on mesure sans a priori l'ampleur vertigineuse des déficits de tous les budgets dont il a la charge en France. Il est d'ailleurs cocasse de constater que ceux-là mêmes qui attribuent l'essentiel de la Crise à l'excès de crédit et à l'endettement incontrôlé, encouragent résolument l'Etat à s'engager toujours plus loin sur cette pente scabreuse. Soulignons enfin que si la plupart des systèmes sous responsabilité étatique sont profondément déficitaires, leur fonctionnement n'a rien de modèles. Justice, Education, Recherche, Protection Sociale, Prisons et même Hôpitaux, le malaise est partout, depuis maintenant des années, en dépit (ou à cause) de la folie réformatrice qui les ensevelit chaque années sous de nouvelles lois et réglementations.

En réalité, un certain nombre de mesures proposées par le Gouvernement actuel pourraient être susceptibles d'apporter une bouffée d'air frais (au moins pour un Libéral), mais elles sont noyées dans des schémas législatifs très complexes, et souvent pondérées pour faire bonne mesure par des contre-feux « socialement corrects ». Leur impact s'en trouve ainsi émoussé avant même leur application. Au point qu'on se demande parfois si elles ont bien été entérinées...
On évalue mal pour l'heure, l'incidence pratique de prétendues ruptures, qu'on agite comme des chiffons rouges :
-Service minimum dans la réforme de la Fonction Publique,
-Ouverture des commerces le dimanche dans celle du Code du Travail
-Suppression de la carte scolaire et autonomie des Universités dans celle de l'Enseignement
-Simplification du système ANPE/ASSEDIC au sein du Pôle Emploi
-Suppression du juge d'Instruction dans la réforme de la Justice
-Taxe carbone dans la politique fiscale et le nébuleux Grenelle de l'environnement
-Rôle accru du Parlement dans la réforme de la Constitution
-Suppression de la publicité sur la TV d'Etat, dans le cadre de la modernisation de l'audio-visuel...

Sont-ce les balises d'une vraie révolution, ou bien des leurres dispersés dans un océan sans vrai horizon ?
D'une manière générale les projets de lois de l'ère Sarkozy peinent à s'extraire de la logique bureaucratique qui prévaut dans l'Administration française. Plusieurs « paquets » législatifs restent d'une grande opacité et font la part belle à la centralisation et à la tutelle de l'Etat-Providence si honnies par les Libéraux, notamment d'inspiration jeffersonienne ou tocquevillienne. Il en est ainsi de la loi HADOPI qui met en place une sorte de soviet mou censé réguler les téléchargements sur l'internet. Et plus encore de la loi HPST en matière de santé publique qui transforme les Agences Régionales de l'Hospitalisation du funeste Plan Juppé, en Agences Régionales de Santé, mastodontes administratifs encore plus pléthoriques, tout en pérennisant le règne des calamiteux plans quinquennaux (Schémas Régionaux d'Organisation Sanitaire) !

Au total, du point de vue libéral, la présidence de Nicolas Sarkozy se révèle à ce jour assez largement à côté de la plaque. A mesure que le temps passe, elle paraît même s'inscrire de plus en plus dans le médiocre conformisme socialisant auquel nous ont habitué ses prédécesseurs. Rien de bien significatif en matière fiscale, impuissance face au poids démesuré des Services Publics, conservatisme en matière d'organisation de la protection sociale, pérennisation du centralisme bureaucratique, généralisation du principe de précaution...
En matière d'identité nationale enfin, dernier "débat" à la mode, l'alternative reste envers et contre tout désespérante, n'offrant en pratique au pays que le nationalisme borné d'une part, ou la dissolution dans le communautarisme de l'autre...

De timides espérances persistent quand même, fondées sur un discours qui reste volontariste même s'il a été édulcoré, et quelques principes d'action dénués de tabou.
Le plus étonnant demeure la nature et la violence de la plupart des critiques dont le Président est la cible. Même si chacun a sa vérité, les outrances qui s'adressent à sa personne et à sa politique sont vraiment indignes de gens se réclamant de la démocratie.
Car enfin, quoiqu'on en dise il n'a pas démérité de cette dernière, et ne peut être considéré à l'évidence, ni comme ultra-libéral, ni comme dictatorial, ni comme aucun des qualificatifs insultants et contradictoires dont on le gratifie à longueur de jours...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Re-bonjour,
Intéressant billet où je suis à nouveau en désaccord, je vais tacher d'être bref. Effectivement, la crise financière a empêché M. Sarkozy de mener une politique plus libérale encore. Il est d'ailleurs cocasse (si j'ose dire) de constater que le "modèle social français" tant décrié par la majorité actuelle, a servi à justifier la meilleure résistance de notre pays face à la crise, en comparaison avec nos voisins européens.
Omniprésence des services publics dites-vous ? Ils sont en recul constant, saccagés. Au prétexte de "déficits" dûs sans doute à une mauvaise gestion mais aussi à un manque cruel de moyens. C'est le serpent qui se mord la queue. Si nous sommes en déficit, pourquoi se priver volontairement de ressources (bouclier fiscal, exonérations diverses...) ? Taxe professionnelle : les entreprises ne devraient jamais rien payer, alors qu'elles profitent elles aussi d'infrastructures et des services publics ? Baisse de la TVA, aides aux entreprises : pour quels résultats sur l'emploi, les prix, les salaires ?
Quand aux "outrances" qu'on ferait au président, n'est-ce pas lui qui a commencé ? J'admets volontiers que "dictateur" est sans doute excessif mais tout de même, on n'a jamais vu autant de cynisme, d'entorses à la République. Il donne une bien piêtre image de la fonction présidentielle (mais je dois être une de ces "vieilles cocottes républicaines" que vous villipendiez). Les libertés publiques sont en recul en France depuis quelques années. Dernier exemple en date avec "l'affaire" Raoult/Ndiaye.... Si cela c'était passé dans le sens inverse, on aurait entendu crier à la chasse aux sorcières, à l'atteinte à la liberté d'expression, voire au "goulag socialiste".... Bref !
Merci de m'avoir permis de m'exprimer et bon courage malgré tout.
Cordialement

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Je vous remercie de vos interventions, même si elles s'inscrivent à l'opposé des miennes.
Permettez-moi d'y réagir encore, au moins sur quelques points.
Sur l'Irak : peut-être les armes de destruction massives relevaient-elles du mensonge, mais rappelez vous que le premier à l'avoir proféré est Saddam lui-même qui se vantait de les posséder et d'avoir l'intention de s'en servir ! Dire qu'il n'était pas une menace, c'est faire fi des millions de morts de la guerre qu'il avait déclarée à l'Iran, de l'invasion du Koweit, du gazage massif des Kurdes, et de son projet de Grand Irak incluant toute la péninsule arabique...
Le rôle de gendarmes du monde des USA est une réalité. Et franchement, je préfère que cela soit eux. Faites le compte de leurs interventions pendant le XXè siècle. Elles n'ont certes pas toutes été très heureuses, ni toutes couronnées de succès, mais il est difficile de nier que grâce à elles, nombre de peuples ont pu recouvrer la liberté, dont la France. Je suis reconnaissant à l'Amérique pour ça, tout simplement. Cela dit, ils ne peuvent être partout où ça va mal, et il serait souhaitable qu'ils n'assument pas ce rôle seuls (encore faudrait-il accepter de les suivre sans trop barguigner...).

Sur les USA encore, je dois dire que l'hostilité vis à vis de cette nation et l'anti-libéralisme qui sévissent en France sont toujours pour moi un sujet d'étonnement (et de tristesse). Nous avons vécu des aventures communes extrêmement fortes du temps de La Fayette, De Grasse et Rochambeau, puis en 1918 et encore en 1944. En matière de libéralisme, la France compte dans son patrimoine culturel quelques uns des meilleurs penseurs qui soient (Montaigne, Voltaire, Diderot, Montesquieu, Tocqueville, Chateaubriand...) et des économistes parmi les plus brillants (Quesnay, Say, Bastiat...). Je ne comprends pas pourquoi ils sont si méprisés et si mal compris.
J'ai du libéralisme la conception la plus simple qui soit, qui peut se résumer à l'amour de la Liberté. J'essaie de défendre cette idée contre vents et marées. Incontestablement les lois et les réglementations brident cette liberté (Montaigne s'en plaignait déjà...). Il en faut certes, mais peu nombreuses et bien appliquées. A mes yeux, plus une nation est civilisée moins elle a besoin de ces contraintes, car les citoyens devenus responsables, sont capables de se gouverner eux-mêmes (un peu comme les enfants devenus adultes, quittent le giron parental). L'Amérique est le pays le plus avancé sur ce chemin selon moi, (même si de très gros progrès restent encore à faire sans nul doute).

Voilà, je suis comme vous l'avez constaté bien loin d'être un défenseur enthousiaste de Nicolas Sarkozy, mais pour des raisons très différentes des vôtres. Je n'ai jusqu'à présent en tout cas, aucune crainte quant à la liberté d'expression en France. De toute manière, il faut être logique, s'il y avait une vraie menace, cela reviendrait à accuser le président d'être anti-libéral, et non pas l'inverse...
Nicolas Sarkozy a fait preuve d'un certain franc parler auquel nous n'étions pas habitués, mais il affronte depuis le début de son mandat une fronde revancharde assez incroyable et ridicule. Trouvez-vous vraiment constructives les insultes du style "va te faire enc..." ou bien "touche moi pas tu me salis...". S'agissant enfin de l'expression "France monstrueuse" commise par Marie N'diaye, elle ne vaut guère mieux. N'est pas Victor Hugo qui veut...
Bien à vous.