Spectacle grandiose qui nous fut offert ces dernières semaines à l’occasion du vote de la loi dite “Immigration”. Rarement le désastre républicain fut plus éclatant, plus allégorique de la faillite progressive des valeurs et des repères sur lesquels se fonde notre société.
Sondage après sondage, les Français disent leur lassitude face au chaos migratoire qui submerge le pays. Une majorité écrasante de citoyens réclament des mesures pragmatiques de régulation et de limitation de ce flot dévastateur et anarchique. Pourtant les élus de la république, murés dans leur tour d'ivoire, semblent incurablement sourds à ces exhortations.
Ancrés sur des principes théoriques de plus en plus illusoires, et dévorés par une antipathie irrationnelle pour ce qu’il est convenu d’appeler l’extrême-droite, ils sacrifient le réel au virtuel.
Ainsi, après la tragi-comédie d’une motion de rejet du texte de la réforme avant même son examen, puis le ballet de la Commission Paritaire Mixte, supposée remanier le projet pour trouver une majorité de parlementaires favorables, le vote a fini par entériner triomphalement une loi dont quasi personne n’a compris le sens et encore moins la portée, tant elle se perd en circonlocutions destinées à marier les contraires.
Hormis les vieux soudards irréductibles d’une gauche de plus en plus réactionnaire à défaut de révolution, tout le monde crie victoire.
M. Darmanin ministre de l’Intérieur qui portait le projet se félicite que ce “texte fort” soit passé “sans les voix du Rassemblement National”. Outre la stupidité d’une telle remarque très peu démocratique, il s’avère qu’elle est fausse. Sur les 535 votes exprimés, on compte 349 voix pour et 186 contre. La majorité étant de 268 voix, on peut affirmer que le texte ne serait pas passé si les 88 députés du Rassemblement National (RN) s’y étaient opposés. Au surplus, M. Darmanin fait peu de cas des 59 élus de la “majorité présidentielle” sur 251 qui n’ont pas approuvé le texte en votant contre ou en s’abstenant…
Le PR affiche sa satisfaction d'avoir fait plier le gouvernement qui s'est vu contraint d'accepter beaucoup d'aménagements législatifs pour espérer faire passer le projet sans recourir au fameux 49.3.
Le RN quant à lui a opté pour une tactique radicale mais non dénuée de revirement. Initialement opposé au texte, il s'y est rallié sans nuance malgré les insuffisances qu'il dénonçait il y a quelques jours encore (notamment la régularisation d'un certain nombre d'immigrés et le maintien de la ruineuse AME). A-t-il songé à l'adage qui veut que le mieux est l'ennemi du bien, a-t-il voulu éviter une crise plus profonde ou bien a-t-il cherché à humilier le parti présidentiel en volant hypocritement à son secours ? Dans ce cas, il faut reconnaître que c'est réussi...
La pantalonnade ne s’arrête pas là. Le soir même du vote on apprenait que le Président de la République, adepte de la stratégie du avance-et-recule, avait l’intention de saisir le Conseil Constitutionnel dans l'espoir qu’il rejette les amendements imposés par le Parti Républicain (PR).
Dans le même temps, madame Borne, premier ministre, ajoutait son grain de sel en clamant qu’elle était “profondément humaniste” et que ce texte “respectait ces valeurs” mais qu’il contenait “quelques mesures non constitutionnelles”. Comprenne qui pourra…
Enfin, pour que tout cela ressemble à un vrai bal de faux c…, on eut droit à une belle chorégraphie de fausses démissions de six ministres “tendance gauche macroniste” hostiles au durcissement du texte, puis de trois, et en fin de compte, du seul Aurélien Rousseau. Celui-ci se livra à un superbe numéro de mangeur de chapeau en annonçant urbi et orbi sa défection, sans aller toutefois jusqu’à en avertir le chef de l’Etat ni la "cheffe" du gouvernement qui qualifia ce beau coup d’épée dans l’eau de “non évènement”, ajoutant qu’il faut “arrêter de commenter ce qui n’existe pas”...
Pendant ce temps, on apprenait sur le front de la santé publique dont il était le ministre, que la pénurie de médicaments ne cesse de s'aggraver et que plus de 6700 lits ont été supprimés dans les hôpitaux en 2022 malgré les promesses du gouvernement ! Pour finir, Aurélien, ministre de la santé, dont le bilan se limite à l’interdiction de fumer sur les plages, démissionne. Ouf !
2 commentaires:
Le dessin de Kroll (de "crolle", boucle de cheveu) est bien choisi pour illustrer votre article. Il représente des politiciens belges, mais leurs homologues français ne semblent pas très différents.
Merci de cette precision ! Je dois dire que je suis tombé un peu par hasard sur ce dessin de Kroll que je ne connaissais pas. Il convient à beaucoup de pays et de situations par les temps qui courent...
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