Le 21 juillet 1969 j'avais 15 ans. Je sortais de l'enfance tandis que notre civilisation occidentale arrivait peut-être à son apogée. Dans mon esprit c'était un tumulte confus de sentiments.
Un an plus tôt c'était mai 68 en France. J’ai vécu ça comme une tempête molle. Avec dans la tête une certaine ivresse de liberté sans doute mais surtout beaucoup d’écœurement et déjà de désillusions. L’autorité des maîtres était bafouée. D’un jour à l’autre on pouvait tout dire et presque tout faire. Au lycée, nous faisions en toute impunité des sitting pour narguer le Proviseur et je me souviens que mon prof de maths venait “travailler” en sandales, chemise à fleurs et chapeau de paille…
A Paris on s’y croyait. Les mao, les trotsko et tous les écervelés du socialisme manifestaient bruyamment leur croyance en un monde meilleur en glorifiant, benêts qu’ils étaient, les immondes tyrans qui torturaient leur peuple derrière le sinistre rideau de fer. François Mitterrand, toujours à l'affût de l'occasion d'accomplir enfin "son" destin national révélait avec emphase et solennité lors d'un meeting grotesque au stade Charlety qu'il était prêt à prendre le pouvoir. Illusion vite dissipée...
J’avais une conscience aiguë des contradictions régnant dans le pays, un profond dégoût pour ce que j‘ai toujours considéré comme un coupable aveuglement des intellectuels dits "de gauche".
J'étais en revanche envoûté par la quête du bonheur et de la liberté qu’exprimaient outre atlantique et en Angleterre les beatniks et les hippies mais je refusais d’y voir quelque connotation politique qui soit. La musique et la littérature étaient les ferments de cette émancipation. Après le Jazz et le Blues, c'était le Rock et la Pop Music.
Les Beatles chantaient Revolution et les Rolling Stones Street Fighting Man mais c’était un jeu sans conséquence ni prétention intellectuelle ou militante. Il y avait même une conscience aiguë du désastre dans les paroles signées Lennon/McCartney: "When you talk about destruction, Don't you know that you can count me out.../... When you want money for people with minds that hate, All I can tell you is : brother you have to Wait.../... If you go carrying pictures of chairman Mao, You ain't going to make it with anyone anyhow…/... You better free you mind instead..." Quant aux Stones, ils faisaient appel à la dérision pour ramener à de saines proportions la colère des révolutionnaires embourgeoisés qui crachaient dans la soupe capitaliste dont ils se gavaient sans vergogne : "Well now, what can a poor boy do, Except to sing for a rock n' roll band ?"
Mai 68 fut une piètre mascarade dont ne sont restés en définitive que les slogans futiles, les caprices d’enfants gâtés, et de pernicieuses vapeurs contaminant jusqu'à ce jour la société, notamment le débat politique, l’éducation, l’entreprise....
Pendant ces années d’insouciance et d’euphorie, l'Amérique dans la droite ligne de ses Pères Fondateurs, travaillait toujours à la recherche de nouvelles frontières. L’espace cosmique était devenu son terrain de jeu et de conquêtes. Elle entendait bien y montrer sa suprématie et y porter l'étendard étoilé du monde libre.
La saga Apollo fut une merveilleuse aventure en même temps qu’un hymne fabuleusement poétique au progrès technique. Elle commença par un drame, coûtant la vie à 3 hommes, lors d'essais préliminaires au sol. Mais après beaucoup d'efforts, le fameux cliché du “clair de terre” envoyé par les astronautes d’Apollo 8 révélait une beauté indicible. Encore aujourd’hui je le regarde avec émotion. Il dit tant de chose de notre soif d'aventure, de notre attirance pour l'inconnu, et de l'univers qui nous entoure…
Lorsque s'élevait la fusée Saturn V, dans un feu impressionnant de réacteurs, c'était toute l'humanité qui se dressait orgueilleusement vers le ciel. L’Homme triomphait en quelque sorte de la nature. La pesanteur était vaincue ! A l’instar des mots fameux de Neil Armstrong, après des millénaires de tâtonnements à petits pas, la science faisait des bonds de géants.
D’un côté le Flower Power, son romantisme échevelé, ses rêves d’amour, de musique et de paix. De l’autre ces aventuriers de l’espace, auréolés des rayons solaires qui rebondissaient joyeusement sur le désert lunaire dans leurs magnifiques scaphandres blancs. Quelle époque !
On en oubliait que plus de la moitié de l’Humanité se morfondait dans le cauchemar socialiste ou sous la férule de dictateurs odieux. On en oubliait, quand on ne les méprisait pas, les soldats de la liberté embourbés dans les miasmes du Vietnam pour tenter de donner sa chance au modèle de société ouverte; Celui-là même auquel nous devions tant de prospérité et que tant d’idiots doctrinaires irresponsables vouent opiniâtrement aux gémonies.
1969 fut une année extatique. La conquête de la Lune fut son éblouissant paroxysme technique, le festival de Woodstock son point d'orgue dionysiaque (ainsi que le fabuleux et ultime album des Beatles, Abbey Road)...
Pour magnifier cette épopée, je ne saurais mieux le faire qu’en évoquant l’étincelant poème de José-Maria de Heredia que j’aime à me réciter lorsque je ressens quelque découragement:
Un an plus tôt c'était mai 68 en France. J’ai vécu ça comme une tempête molle. Avec dans la tête une certaine ivresse de liberté sans doute mais surtout beaucoup d’écœurement et déjà de désillusions. L’autorité des maîtres était bafouée. D’un jour à l’autre on pouvait tout dire et presque tout faire. Au lycée, nous faisions en toute impunité des sitting pour narguer le Proviseur et je me souviens que mon prof de maths venait “travailler” en sandales, chemise à fleurs et chapeau de paille…
A Paris on s’y croyait. Les mao, les trotsko et tous les écervelés du socialisme manifestaient bruyamment leur croyance en un monde meilleur en glorifiant, benêts qu’ils étaient, les immondes tyrans qui torturaient leur peuple derrière le sinistre rideau de fer. François Mitterrand, toujours à l'affût de l'occasion d'accomplir enfin "son" destin national révélait avec emphase et solennité lors d'un meeting grotesque au stade Charlety qu'il était prêt à prendre le pouvoir. Illusion vite dissipée...
J’avais une conscience aiguë des contradictions régnant dans le pays, un profond dégoût pour ce que j‘ai toujours considéré comme un coupable aveuglement des intellectuels dits "de gauche".
J'étais en revanche envoûté par la quête du bonheur et de la liberté qu’exprimaient outre atlantique et en Angleterre les beatniks et les hippies mais je refusais d’y voir quelque connotation politique qui soit. La musique et la littérature étaient les ferments de cette émancipation. Après le Jazz et le Blues, c'était le Rock et la Pop Music.
Les Beatles chantaient Revolution et les Rolling Stones Street Fighting Man mais c’était un jeu sans conséquence ni prétention intellectuelle ou militante. Il y avait même une conscience aiguë du désastre dans les paroles signées Lennon/McCartney: "When you talk about destruction, Don't you know that you can count me out.../... When you want money for people with minds that hate, All I can tell you is : brother you have to Wait.../... If you go carrying pictures of chairman Mao, You ain't going to make it with anyone anyhow…/... You better free you mind instead..." Quant aux Stones, ils faisaient appel à la dérision pour ramener à de saines proportions la colère des révolutionnaires embourgeoisés qui crachaient dans la soupe capitaliste dont ils se gavaient sans vergogne : "Well now, what can a poor boy do, Except to sing for a rock n' roll band ?"
Mai 68 fut une piètre mascarade dont ne sont restés en définitive que les slogans futiles, les caprices d’enfants gâtés, et de pernicieuses vapeurs contaminant jusqu'à ce jour la société, notamment le débat politique, l’éducation, l’entreprise....
Pendant ces années d’insouciance et d’euphorie, l'Amérique dans la droite ligne de ses Pères Fondateurs, travaillait toujours à la recherche de nouvelles frontières. L’espace cosmique était devenu son terrain de jeu et de conquêtes. Elle entendait bien y montrer sa suprématie et y porter l'étendard étoilé du monde libre.
La saga Apollo fut une merveilleuse aventure en même temps qu’un hymne fabuleusement poétique au progrès technique. Elle commença par un drame, coûtant la vie à 3 hommes, lors d'essais préliminaires au sol. Mais après beaucoup d'efforts, le fameux cliché du “clair de terre” envoyé par les astronautes d’Apollo 8 révélait une beauté indicible. Encore aujourd’hui je le regarde avec émotion. Il dit tant de chose de notre soif d'aventure, de notre attirance pour l'inconnu, et de l'univers qui nous entoure…
Lorsque s'élevait la fusée Saturn V, dans un feu impressionnant de réacteurs, c'était toute l'humanité qui se dressait orgueilleusement vers le ciel. L’Homme triomphait en quelque sorte de la nature. La pesanteur était vaincue ! A l’instar des mots fameux de Neil Armstrong, après des millénaires de tâtonnements à petits pas, la science faisait des bonds de géants.
D’un côté le Flower Power, son romantisme échevelé, ses rêves d’amour, de musique et de paix. De l’autre ces aventuriers de l’espace, auréolés des rayons solaires qui rebondissaient joyeusement sur le désert lunaire dans leurs magnifiques scaphandres blancs. Quelle époque !
On en oubliait que plus de la moitié de l’Humanité se morfondait dans le cauchemar socialiste ou sous la férule de dictateurs odieux. On en oubliait, quand on ne les méprisait pas, les soldats de la liberté embourbés dans les miasmes du Vietnam pour tenter de donner sa chance au modèle de société ouverte; Celui-là même auquel nous devions tant de prospérité et que tant d’idiots doctrinaires irresponsables vouent opiniâtrement aux gémonies.
1969 fut une année extatique. La conquête de la Lune fut son éblouissant paroxysme technique, le festival de Woodstock son point d'orgue dionysiaque (ainsi que le fabuleux et ultime album des Beatles, Abbey Road)...
Pour magnifier cette épopée, je ne saurais mieux le faire qu’en évoquant l’étincelant poème de José-Maria de Heredia que j’aime à me réciter lorsque je ressens quelque découragement:
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;
Où, penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles...
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;
Où, penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles...