08 mars 2013

A quand, la fonte des illusions ?

Les lecteurs de ce blog connaissent mon aversion pour le socialisme, et d'une manière générale, pour l'idéologie dite « de gauche ». C'est bien simple, à mes yeux, il s'agit au plan conceptuel, de la plus grande supercherie de tous les temps, et au plan pratique de la pire calamité dont les hommes aient eu à souffrir ! Rien moins...

Cela ne m'empêche pas d'avoir une certaine fascination pour les gens qui en défendent les thèses. Sans doute un peu par esprit de contradiction. Il est tellement stimulant de débattre avec des personnes d'avis contraire au sien...

Sans doute également par souci de roder ma conception du monde à l'épreuve de leurs théories. Sans doute enfin, parce que voir des gens que j'estime, et dont je suis certain de la probité, s'enferrer, par pur principe, dans cette voie si étroitement délimitée, relève pour moi d'un grand mystère.

« Je suis de gauche, c'est dans mes fibres » me rétorque-t-on souvent lorsque j'exprime mon incompréhension angoissée... Je ne parviens à me satisfaire de cette réponse. C'est une vraie souffrance et une source continue de désarroi. Comment peut-on accepter en toute conscience, de mettre ainsi en berne sa liberté, et s'assujettir à ce point à une idéologie ? N'y a-t-il donc rien à faire pour faire sortir ces gens de ce tunnel intellectuel, pour détourner leurs yeux de cet horizon irréfragable ?
Mais après tout, peut-être me trompé-je moi aussi, qui juge tout à l'aune du principe de liberté. Cet état d'esprit n'est-il pas paradoxalement, assimilable à un enfermement comparable ? M'empêche-t-il de voir certaines réalités ?
« Ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle » professait Descartes...

En lisant récemment une interview donnée par Jean-Claude Michéa sur le très intéressant site pédagogique Bios Politikos, puis en écoutant récemment sur France Culture (6/3/13), le philosophe, réputé incarner « une autre gauche », j'avoue avoir été un peu émoustillé... et une fois encore plutôt déçu.

Il est difficile au demeurant, de mettre en cause l'honnêteté intellectuelle de Jean-Claude Michéa, dont l'humilité est la marque des vrais philosophes. Au surplus, enseigner la philosophie pour des étudiants qui seront tout sauf des philosophes, voilà un challenge plus que méritant !
Mais certains de ses propos peuvent toutefois susciter la controverse, car ils font du libéralisme et du capitalisme une critique quelque peu biaisée... Au surplus, ils témoignent, quoiqu'il s'en défende, d'une vision socialiste pas vraiment émancipée du dogme.

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Passons sur le dilemme classique proposant de « vivre ma liberté sans nuire à autrui » que M. Michéa illustre en évoquant l'opposition frontale entre les conceptions de Lady Gaga et celles des Musulmans indonésiens sur le mariage gay. La première, étant évidemment frénétiquement « pour », les seconds, fanatiquement « contre ». Il aurait pu trouver plus pertinent car ici se font face, d'un côté l'inconsistance versatile et niaise du showbiz, et de l'autre l'intolérance religieuse, tout ça pour juger d'un texte où l'on cherche à déconstruire par la loi ce que la loi avait érigé en repère social, et ce, par pur dévoiement « progressiste » pseudo « égalitariste ». Ubu serait ravi...

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Plus sérieusement, on peut reprocher à M. Michéa une certaine propension à assimiler le libéralisme au capitalisme marchand, tel que les marxistes l'entendaient. Cela lui fait dire des contre-vérités flagrantes, où malheureusement, l'idéologie affleure, bien davantage que le bon sens.

Un libéral peut s'interroger lorsqu'il lit par exemple, que « le défaut du libéralisme, est cette volonté de privatiser les valeurs morales et la philosophie comme on privatise l’eau, l’électricité ou l’école » ? Ne serait-ce pas a contrario son mérite, que de s'opposer au socialisme qui prétend lui, les régenter de manière étatisée, collective, irresponsable ?

Plus grave, lorsque M. Michéa affirme qu'il va falloir « choisir entre le marché ou le peuple », ou lorsqu'il s'écrie « qu'il est clair que le développement du libéralisme rend de moins en moins acceptable pour les élites l’intervention du peuple », il fait tout simplement fausse route.
La pluie de bienfaits du capitalisme a tellement bénéficié au peuple, qu'on pourrait désormais affirmer que les deux ont partie liée, en dépit de ce qu'on cherche à faire croire, et qu'il n'y a pas de marché sans peuple et réciproquement...

Aussi, considérer la croissance comme un « simple accroissement de capital », comme il le fait régulièrement, apparaît un tantinet réducteur. A l'évidence, c'est de richesses qu'il s'agit avant tout. Et en régime capitaliste, lorsque les richesses s'accroissent, tout le monde en profite, même si certains plus que d'autres. Dans cette optique, l'endettement, qu'il a tendance a fustiger, n'est donc pas tant « un moteur » pour la spéculation, qu'un outil. Il permet sans être immensément riche, d'acquérir des biens, avant d'en avoir les moyens, ce qui ne saurait a priori déplaire à un vrai ami du peuple. Chacun ou presque, a pu en faire l'expérience au moins une fois dans sa vie. Il s'agit d'une chance, à n'en pas douter, sous réserve de ne pas en abuser bien sûr...
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Souvent évoquée par les médias, et à ranger dans les lubies de la théorie du complot, « l'obsolescence programmée » des produits manufacturés, est reprise par M. Michéa comme un dévoiement du commerce libre, un procédé éhon des fabricants, destiné à doper la consommation. C'est pourtant un mythe qui attend toujours confirmation, même si la camelote a indéniablement tendance à proliférer dans les rayons des supermarchés. L'explication la plus simple quoique très prosaïque et pas très politiquement correcte, est qu'on ne peut vouloir acheter aux prix les plus bas, et dans le même temps exiger une qualité à toute épreuve...

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Pour terminer, qu'il soit permis enfin de douter du bien fondé de cette affirmation trop connue prétendant que « les comportements altruistes restent massivement plus répandus dans les quartiers populaires que dans les quartiers résidentiels ». Le moins que l'on puisse dire est que M. Michéa, comme beaucoup de gens de gauche, prend un peu ses désirs pour des réalités, et en l'occurrence, fait preuve dune certaine dose de subjectivité.

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Au total, la conception défendue par M. Michéa, est certes éloignée de celle des sycophantes Hollande, Mitterrand ou Mélenchon, mais elle l'est encore plus du libéralisme. Elle reste surtout ancrée dans le socialisme, dont il n'a hélas pas éliminé nombre d'archaïsmes. Sa réaction au récent décès d'Hugo Chavez en témoigne une fois encore : « En Amérique Latine, contrairement à la gauche occidentale, les différentes gauches ont su conserver un rapport minimal avec la vieille tradition socialiste, dans laquelle la notion de patrie joue un rôle central. »

On peut retenir toutefois comme positive, sa reconnaissance de l'universalité des valeurs marchandes : « C’est le marché qui va réunir des gens que tout divise par ailleurs ». Peut-être dans sa bouche s'agissait-il d'ironie, à moins que finalement, il rejoigne de manière inattendue Montesquieu, ce grand défenseur du commerce, dans lequel il voyait un vecteur de paix et de prospérité ?

Une autre gauche est-elle toutefois possible ? Décidément, je ne le crois pas...

2 commentaires:

c'est Jeff ici a dit…

I have thought about the same problem, why the left can possibly still believe their ideas after so much failure, death, and destruction wrought by leftist governments and the evidence of the prosperity capitalism has brought to the world. Far more people have been lifted from poverty by capitalism than by charity or socialism. Yet, I believe that most engaged people want the same thing: a good society. Each of us has a filter that alters the way we see the world. In my opinion, a simple statement can illuminate what I believe are the Left and Right filters. The Left cares about poor people, the Right cares that there are poor people. The Left feels good pointing out individuals who benefit from their ideas, conveniently ignoring the larger ill effects. The Right feels good pointing out societies that benefit from their ideas and continuing to include more and more people. It is clear to you and me which system is likely to produce the best results but logic will never overcome the Leftists desire to feel good regardless of the long term results. Until the Right assumes a moral stance, pointing out the immorality of the wreckage produced by Leftist ideas and the moral imperative to correct then, the Left will continue to win politically. The uneducated voter will go with the Left every time because it takes no thought to do so.

Pierre-Henri Thoreux a dit…

Thank you so much Jeff for your opinion, full of common sense, with which I fully agree, as usual...