22 mars 2021

L'Heure des Comptes

Alors que la France semble devoir pour la troisième fois faire face à une importante poussée contagieuse liée au funeste COVID-19, il est sans doute encore un peu trop tôt pour tirer des enseignements définitifs de cette interminable épidémie.
Pourtant la sortie de crise n’est peut-être plus si lointaine lorsqu’on voit la situation s’éclaircir et l’horizon se dégager dans les pays ayant précocement misé sur la vaccination. Par comparaison, la stratégie française, quoique bienveillante, reste hélas quelque peu erratique. Depuis le début de la pandémie, il s’avère que nous sommes toujours en retard à chaque rendez-vous. Même si l’on peut faire preuve d’indulgence pour nos dirigeants qui n’ont pas une tâche aisée, on est sidéré d’entendre leur auto-satisfaction, lorsqu’ils vantent leur politique qui selon eux aurait mieux permis que dans nombre d’autres pays d’éviter les pics dramatiques de contamination. Dimanche soir encore, on pouvait entendre Thierry Breton, “monsieur vaccin pour l’Europe”, prétendre avec une intrépidité indécente, que notre continent était en tête s’agissant de la production vaccinale, et assurer que tout se passait pour le mieux en matière de logistique. Il alla jusqu’à affirmer que tant de doses allaient arriver prochainement, qu’on pouvait balayer avec dédain l’hypothèse d’un recours au vaccin Sputnik V que les Russes peinent paraît-il à fabriquer, proposant même avec un culot d’acier l’aide de nos usines de production !

Si l’heure n’est pas encore au bilan, la Cour des Comptes quant à elle en est à celle des rapports. Comme à l’accoutumé, ils ne sont guère flatteurs pour nos Pouvoirs Publics. Spectacle toujours cocasse que cette institution payée par l'État nous donne, en “épinglant” régulièrement les lacunes et erreurs de ce dernier, sans qu’aucune conséquence pratique n’en soit jamais tirée !
Récemment les censeurs de la rue Cambon s’en sont donné à cœur joie pour critiquer l’organisation du système de santé.
En octobre dernier, on avait eu droit à un réquisitoire au vitriol concernant les réformes Bachelot, Touraine, Véran & Co qui avaient institué les Groupements Hospitaliers de Territoires (GHT), plusieurs fois évoqués depuis des années avec rage et désespoir au fil de ce blog (la santé enfin soviétisée, Diplodocus and Co, l’Etat voit tout, L’Hôpital au bord du gouffre…).
Pour faire simple, ce texte concluait à l’échec sur à peu près tous les volets de cette réforme. Les GHT, véritables monstres administratifs regroupant de manière autoritaire les établissements de santé publics d’un même territoire de santé (entité géographique créée pour la circonstance...), n’ont pas permis l’amélioration promise de la qualité des soins. Ils ont en revanche provoqué un accroissement des coûts et des dépenses de santé et compliqué considérablement leur gouvernance, ajoutant des tonnes de bureaucratie, multipliant à l’infini les instances plus ou moins décisionnelles et rendant inintelligible la gestion sur le terrain. C’est donc un fiasco monumental auquel on assiste, dont l’issue était comme souvent, prévisible. Pour y remédier en revanche, rien de rien à l’horizon. Dont acte...

Plus récemment, le rapport annuel de la même Cour des Comptes pointait sévèrement l’impréparation de la machine étatique face à la crise du coronavirus. Comment faire autrement après que chacun a vu les retards à agir, l’impossibilité de produire un vaccin, l’inertie et les errements qui ont entaché la stratégie française à chaque étape de la progression du virus ?
Le fait le plus frappant, souligné par ce constat, est sans doute l’incapacité des services de réanimation à faire face à un afflux exceptionnel de patients. Sans être méchant, on pourrait dire que tout a été fait par les kyrielles de ministres qui se sont succédé rue de Ségur depuis des décennies pour en arriver là. Diminution arbitraire du nombre de lits, sectorisation et cloisonnement absurde des unités, normalisation délirante des ratios de personnels, tout s’est conjugué pour empêcher l’augmentation rapide des capacités de réanimation en cas de nécessité. C’est un vrai scandale organisé par l’État et ses succursales de tutelle, les Agences Régionales de Santé (ARS), auquel ont hélas collaboré avec candeur nombre de médecins. Ravis de jouer au Monopoly territorial institué par l’Administration, ils ont pris plaisir, au vu de critères arbitraires, à fermer des services ou contraindre l’activité de leurs confrères pour mieux la quadriller et la centraliser.
Aujourd’hui, on entend qu’on a trop fermé de lits dans les hôpitaux, qu’on a trop réduit le nombre de médecins, qu’on a cherché la rentabilité au détriment de la qualité. Il n’y a rien de plus faux. Partout dans le monde on a procédé à des ajustements similaires, rendus logiques par  l’allègement de beaucoup de prises en charge. Le problème de la France est qu’elle n’a pas su développer des alternatives, notamment mettre sur pied des services à géométrie variable, déléguer certains actes au personnel para-médical et réduire enfin les dépenses administratives.
Résultat,  notre système est asphyxié par les réglementations, et croule sous les normes. Les capacités des services de réanimation étant rendues inextensibles en cas d’afflux, on bricole en les faisant déborder vers des unités inadaptées, tant pour leurs locaux que pour leur matériel et leur personnel. Surveillance Continue, Soins Intensifs, Déchoquage, ou même Salles de Surveillance Post-Interventionnelle, et pour finir, transferts inter-hospitaliers dispendieux, tout est mis à contribution à la va comme je te pousse.
Facteur aggravant, la crise n'a pas déclenché d'actions correctives. Depuis un an, aucune mesure pratique n’a été envisagée pour revenir sur ce mécano archaïque. Malgré quatre réformes, depuis le début de l’ère Macron, aucune vraie réorganisation du système de santé n’a été proposée, aucun allègement de la technostructure n’a été pensé. On s’est borné à quelques augmentations de salaires, qui n’ont pas calmé le malaise général des soignants. La soviétisation de la santé semble arrivée à un point de non retour et plus personne ne sait ou n’ose quoi entreprendre. Beaucoup de personnels lassés continuent de déserter l’hôpital public dont les difficultés pourraient donc encore s’accroître prochainement.

Ces tout derniers jours encore, les recommandations vaccinales contradictoires, le confinement sans confinement, les attestations sans attestation, l’inaptitude à empêcher les rassemblement monstres, sources évidentes de foyers de contagion, et cerise sur le gâteau, le comportement irresponsable de la ministre de la culture, anciennement ministre de la santé, démontrent de manière désespérante l’insistance des pouvoirs publics, à préférer subir les évènements plutôt que les anticiper ...

1 commentaire:

c'est Jeff ici a dit…

Not quite as bad here in the US. There really isn't a lot of red tape for ordinary care. The Covid vaccines are progressing well. I got my vaccine 2 weeks after it was available to my age group without much effort.

Pierre-Henri: I hope you are well. I just sent you an email.