30 janvier 2014

Décidément, le Socialisme, ça ne marche pas...

"Le Socialisme, ça ne marche pas". Certains se souviennent peut-être de cette phrase émanant de la bouche de l’ancien président de la république Valéry Giscard d’Estaing.
Dite sans doute au moment de l’élection de 1981, force est de reconnaître qu'elle n’a pas vraiment convaincu les Français de l’époque !
Il faut dire que le septennat qui s’achevait n’était guère enthousiasmant. Commencé sous le vibrant pavillon de la "société libérale avancée", il tourna vite en eau de boudin à force de vouloir "gouverner la France au centre".
Résultat on vit surtout se pérenniser le dirigisme étatique, et la prolifération des impôts, contrebalancés par quelques réformes sociales à teneur "progressiste".
Hormis la disparition de l'incroyable ministère de l'information, l'étatisme régnait, c'est un fait. Quand on songe qu’il fallut attendre 1978 pour voir enfin la libération du prix du pain ! S’agissant de la fiscalité, c'est peu dire qu'elle fut alourdie. Ce fut un festival tous azimuts, sur les revenus, sur le pétrole,
et pour finir, sur la consommation, avec l’extension du domaine de la TVA…
En définitive cette politique s'accompagna d'une baisse de la croissance, tandis que les dépenses publiques s'accroissaient, et qu'apparaissaient les déficits et l'endettement publics. Le chômage quant à lui fut multipli
é par 2, touchant près de 1.5 millions de personnes en 1981. 
Il faut naturellement préciser que François Mitterrand, élu lui, carrément sur le thème des recettes socialistes, fit mieux encore, puisqu’il doubla à nouveau le nombre de demandeurs d'emplois en moins de 3 ans, tout en donnant libre cours aux dépenses, provoquant  par là même une hausse exponentielle de la dette…

A peine 2 ans après l’élection de François Hollande l’échec de ce type de stratégie est à nouveau patent. Lui qui se vantait il y a quelques mois encore d’être un “président socialiste” collectionne les bides et les fiascos.
L’échec de sa politique est avant tout économique : ni inversion de la courbe du chômage, ni même stabilisation comme il tente encore de le faire croire (+ 5,7% en un an et 10.000 demandeurs d’emplois supplémentaires, rien que pour décembre !), ni réduction du déficit budgétaire, qui caracole largement au dessus des critères de Maastricht, à plus de 4%, ni réduction de l’endettement colossal du pays qui approche les 100% du PIB. Le tout, malgré un feu roulant de nouveaux impôts, taxes et prélèvements obligatoires !
Le "redressement productif", bien loin de ses mirobolants objectifs, en est réduit à sauver quelques emplois de la débâcle infernale des plans sociaux qui se succèdent depuis quelques mois.
S'agissant de la croissance, il continue de l'appeler de ses voeux stériles, imaginant sans doute qu'elle puisse tomber du ciel comme la pluie (il est vrai que pour la venue de cette dernière, il semble avoir un certain talent...).  Hélas la progression du PIB reste dans notre pays anémique, une des plus basses des grands pays d’Europe, et pour cause : tout est fait pour bloquer son redémarrage... 

Or non seulement François Hollande ne peut plus invoquer la responsabilité de ses prédécesseurs, mais il n'a plus d'argument portant sur la crise internationale, la France se singularisant désormais par ses mauvais résultats ! Il en porte donc désormais seul tout le poids...

L’échec est également flagrant au plan sociétal : la promulgation forcenée d’une flopée de lois égalitaires à la noix, d’annonces contradictoires ou calamiteuses en matière de justice et de sécurité, ont aggravé la fameuse “fracture sociale” évoquée autrefois par Jacques Chirac. La délinquance flambe (17% d'augmentation en un an, rien que pour les cambriolages de résidences secondaires). On assiste parallèlement à une montée vertigineuse de l'intolérance, et de l'anti-sémitisme. La manifestation controversée du 22 janvier “Jour de colère” illustre la cristallisation spontanée des multiples mécontentements populaires que sa politique est en train de provoquer.
Confronté à cette montée des périls, le gouvernement essaie de masquer son impuissance par une surenchère de projets de lois insanes, et manifeste un autoritarisme déplacé, qui rogne de plus en plus la liberté d’expression.
Dans ce tourbillon désolant, l’éducation, livrée à la tutelle d’un doctrinaire de la révolution, qui se croit toujours en 1789, est en train de s'abîmer dans la médiocrité générale. La dégringolade de la France dans toutes les comparaisons internationales s'accélère, au point que le déclin semble de plus en plus irréversible. Puisqu'il n'est plus question d'enseignement, on s'écharpe à coups de succédanés idéologiques. Une phrase stupide d'une élue PS, aux relents formolés de marxisme-léninisme, affirmant que "les enfants n'appartiennent pas à leurs parents" déclenche une tempête médiatique, et on  gonfle les parents et leur progéniture avec une ubuesque "théorie du genre" encore appelée "ABCD de l'égalité", prônant l'uniformisation générale des individus...

Echec en matière de politique internationale enfin, car il faut bien constater l’absence de stature du chef de l’Etat, qu’on traite au mieux avec indifférence, et au pire dont on se gausse d’un bout à l’autre de la planète.
Ses interventions militaires relèvent de l’aventure. On ne sait pas grand chose de ce qui se passe vraiment au Mali, tandis qu'en Centrafrique, les violences se déchainent sous les yeux des quelques malheureux soldats envoyés là bas, sans but précis et sans appui significatif de la communauté internationale.

A côté de ce bilan piteux, on a droit à toutes sortes d’échos peu ragoûtants concernant l’entourage de membres éminents du gouvernement, et se rapportant à des faits de favoritisme voire de sordide délinquance. Pour des gens qui se répandent en leçons de vertu, au nom de leur chère doctrine socialiste, ça fait un peu désordre ! Quant au Président lui-même, on ne peut pas vraiment dire qu’il donne par sa vie sentimentale, le contre exemple de son incurie politique, puisqu'il étale au grand jour frivolité, désinvolture et muflerie !
Pourtant, avec son air envers et contre tout jovial, il continue imperturbablement de palabrer. Il annonce, à la stupéfaction largement feinte de ses coreligionnaires, qu’il n’est désormais plus vraiment socialiste, mais social-démocrate, tout en reconnaissant avec un large sourire, que ses promesses n'étaient que du flan. A quand l’aveu d’échec de son orientation politique ? Ça donnerait tout son sens à la citation giscardienne prise dans son intégralité : “Le socialisme, ça ne marche pas, mais seuls les socialistes peuvent le prouver…”

23 janvier 2014

Lueurs libérales

Dans la désespérante médiocrité du débat politique en France, qui végète dans les poncifs, les raccourcis caricaturaux, et les tabous idéologiques les plus archaïques, les amoureux de la démocratie et de la liberté guettent avec patience toute nouveauté susceptible de poindre à l’horizon.


C’est peu dire que l’espoir est ténu, tant l’esprit français semble à mille lieues du libéralisme. Première valeur du fameux triptyque républicain, et essentielle, puisque toutes les autres lui sont conditionnées, la Liberté ne semble pas passionner grand monde.
Pire, la France dont nombre de penseurs ont pourtant porté très haut au plan conceptuel les idées libérales, n'a pour ainsi dire jamais bénéficié de leur application pratique. Elles furent parfois instillées à doses homéopathiques et à certains moments même un peu plus, pour sauver de la ruine les théories socialisantes. Mais personne n'osa s'en réclamer clairement.

Il faut remonter à Turgot pour trouver un homme d'Etat épris de libéralisme. Celui-ci, qui aurait sans doute évité à la France bien des mésaventures, a malheureusement été très largement incompris par ses contemporains, au point que Louis XVI dut le révoquer en 1776, ironie de l'histoire, au moment précis où la Liberté trouvait sa terre d’élection en Amérique !
Depuis, en France, quasi personne n'a repris le flambeau… On connut des révolutions, des coups d'état, des empires, des retours de royauté, et une ribambelle de républiques, mais de régime libéral, point...


De nos jours, Alain Madelin tenta bien de faire renaître de ses cendres ces idées progressistes dans toute l’acception du terme. Hélas, il se heurta à un mur d’intolérance et de sectarisme. Il se retira de la vie politique, laissant en déshérence son parti “Démocratie Libérale”, après avoir essuyé un revers électoral cuisant lors de l’élection présidentielle de 2002, où il n’atteignit même pas la barre des 5% au premier tour. On se souvient que Jacques Chirac fut élu avec près de 83% des suffrages, à la grande honte d’un pays décidément en froid avec les règles démocratiques !

Depuis, on compta quelques initiatives sympathiques, mais tournant à peu près toutes au fiasco. Ainsi Alternative Libérale créée en 2006 par Edouard Fillias ne décolla jamais vraiment et ne put même pas présenter son candidat en 2007, faute d’avoir recueilli les 500 signatures requises. Il se rangea piteusement derrière François Bayrou, avant de fusionner en 2011 avec le Nouveau Centre d’Hervé Morin...
Le Parti Libéral Démocrate sorti des ruines d’Alternative Libérale ne fit pas mieux et soutint Bayrou en 2012 au premier tour de l’élection présidentielle (lequel se désista pour Hollande...), avant de se fondre dans l’UDI en 2013….


Sauf à sombrer dans le désespoir le plus noir, lorsqu'on est épris de liberté, on se raccroche à toute lueur dans ce tunnel politique infâme qui asphyxie le pays depuis si longtemps !
C'est dire l'intérêt avec lequel on peut considérer l'initiative audacieuse d'un entrepreneur un peu fou, Denis Payre. Après avoir été à l’origine de quelques belles réussites commerciales ayant rapidement acquis une envergure internationale (Business Objects, Kiala…), il s’attaque hardiment aux problèmes de notre société, en fondant un mouvement baptisé “Nous Citoyens”.

Sans cacher ses ambitions politiques, ce qui n’est pour l’heure qu’une association, aspire avant tout à donner le rayonnement qu’elles méritent à des idées fondées sur le bon sens et le pragmatisme. Les chantiers ne manquent pas : Vie Politique, Economie, Education, Santé, Logement, Europe, Environnement, lutte contre l’exclusion… Tous ces domaines où malgré son omniprésence, l’Etat se révèle de plus en plus dépassé, et incapable d’apporter de réelles solutions.
Parmi les tares qui sont dénoncées et auxquelles il est urgent de s’attaquer figurent une dépense publique hors de contrôle, une fiscalité confiscatoire, un chômage de masse désolant.

Tout se tient dans ce tourbillon qui tourne à la manière d’un cercle vicieux.
Pour le rompre, ce sera sans nul doute difficile et probablement douloureux tant il y aura de principes à remettre en cause, tant il sera problématique de désamorcer l’idéologie dominante de l’Etat-Providence. Chacun est invité à proposer son opinion dans cette démarche participative originale. C’est peut-être l’amorce d’un vrai débat, sans tabou. Une bouffée de liberté et une perspective de responsabilité citoyenne. Qui sait ?

17 janvier 2014

Replâtrage social-démocrate

Or donc, François Hollande aurait effectué son « virage idéologique » (dixit Le Monde). De « Socialiste », il serait devenu « Social-Démocrate » !
Le pire est qu'au terme d'une éprouvante conférence de presse de deux heures trente, devant un parterre de journalistes sous contrôle, il semblerait avoir convaincu la quasi totalité des observateurs qui saluaient cet audacieux revirement. Extraordinaire naïveté ou bien incurable idiotie de la part de ces pseudo-experts confits en politique ?
C'est bien là la question...
Grande indulgence en tout cas vis à vis de celui qui, par ses escapades amoureuses grotesques, affichait la veille encore, toute son inconséquence, et une frivolité stupéfiante. “Moi président de la République” disait-il, “je ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire.” Tu parles !
Sauf lorsqu'il se révolte, le peuple n’est vraiment pas très exigeant…
En l'occurrence, comment faire encore confiance à cet homme qui n'a eu de cesse de dire tout et son contraire ? Quand faut-il le croire ? Lorsqu'il déclare, en faisant vibrer ses bajoues bourgeoises, « ne pas aimer les riches », et affirmer que « la Finance Internationale » est son seul vrai ennemi, ou bien lorsqu'il se prétend avec un sourire mielleux « l'ami des entreprises et du commerce » et qu'il leur propose, trop poli pour être honnête, d'alléger soudainement les charges qu'il s'était fait un devoir d'alourdir sur leur dos ?
Faut-il être né de la dernière pluie pour croire à ce « pacte de responsabilité » plus flou que Londres dans le fog. Faut-il être niais pour avaler le « choc de simplification » alors que se profilent déjà à l'horizon de nouveaux rouages du monstre bureaucratique : « Observatoire des Contreparties », « Conseil Stratégique de la Dépense Publique... »
Le fait est que pour l'heure, le coquin a pris tout le monde de court : les entreprises font semblant de se rallier, les adversaires politiques sur sa droite sont stupéfaits. Comme des nigauds pusillanimes, ils ne savent trop quelle position adopter. Sur sa gauche, certains se sentent sans doute un peu les dindons de la farce, mais qu'importe, ils ont tellement l'habitude de devoir avaler des couleuvres qu'ils le font d'autant mieux si un peu de tonique libéral est versé dans leur vinaigre socialiste ! Mélenchon gueule pour le principe. Mais le désert de l'indifférence s'agrandit autour de lui. D'autres expriment une inquiétude plus ou moins feinte : Benoît Hamon a demandé à s'entretenir avec le Président ! Quant au sémillant Montebourg enfin, il enfourche une fois encore son canasson et monte à la charge : il réclame en échange des nouvelles promesses, rien moins que la création de 2 millions d'emplois au MEDEF ! (Le Figaro)
Moralité : La France est vraiment un pays extraordinaire : les politiciens de droite dite "libérale" n'ont de cesse de critiquer le libéralisme lorsqu'ils parviennent au pouvoir (cf les diatribes virulentes de Chirac le comparant au communisme, et les discours enflammés de Sarkozy contre "le capitalisme international"). Ceux de gauche font l'inverse.
Tout ça témoigne surtout d'un manque de conviction déplorable et n'aboutit en définitive, qu'à maintenir le pays dans ce marécage étrange qu'on appelle social-démocratie, où pour empêcher le char de l'Etat de s’abîmer dans le pétrin, on appuie en même temps sur le frein et l'accélérateur...
Un commentateur étranger (Stefan De Vries de RTL Nieuws) a trouvé le mot juste en s'exclamant à propos de ce show, que "le seul moment fort fut lorsque le Président annonça que la conférence de presse était terminée..."

Illustration : Dupinade, eau-forte, anonyme 1830

12 janvier 2014

Comédie républicaine


Ainsi la France, qui tel un vieux rafiot sinistré prend l'eau de toutes parts, la France sous ses airs de vieille cocotte fardée et enfarinée, se paie encore (et à crédit) le luxe d'offrir en spectacle avec une délectation morbide, ses turpitudes et malfaisances au monde entier ! Le stuc des moulures allégoriques et les dorures repeintes des palais de la République craquent sous l'immondice. Tout le monde voit cette dernière ronger les derniers pans de nos institutions délabrées, sauf nous !

Ces dernières semaines ont été une forme d'apothéose dans le genre. Le chef de l'Etat, non content sans doute de sa politique sans queue ni tête, qui produit les résultats accablants que chacun connaît, préfère avec une frivolité puérile, courir les jupons ! Son intervention, un temps cachée, de la prostate, ne l'empêche manifestement pas d'user de sa fonction, si je puis dire, pour séduire les donzelles. La rumeur prétend qu'il s'agirait peut-être d'un programme sur mesure, de rééducation périnéale...

Passons sur ces incartades que les tenants de l'esprit gaulois pardonnent depuis belle lurette à leurs dirigeants, supposés pourtant les représenter. Secrets d'alcôves, cachotteries amoureuses, don-juanisme d'arrière cuisine, tout cela est si excitant, quand au même moment le pays sombre, entraînant peu à peu dans la misère un nombre grandissant de malheureux !

A côté de ces babioles, il y a plus sérieux.
Au pays de la Liberté-Égalité-Fraternité, le règne des censeurs est de retour ! Avec à la tête de ces derniers, le ministre de l'intérieur en personne. Cheveux aussi raides que la justice, sourcils droits comme des épées, menton en galoche et torse bombé sous son imperméable étriqué, c'est à lui désormais qu'il revient de décréter ce qui est bon pour nos oreilles de citoyens imbéciles.
Toute allusion publique aux tabous de l'époque est interdite qu'on se le dise, c'est sa loi. Et pour cette occasion, il montre une efficacité stupéfiante ! Je n'avais pas souvenir qu'on puisse décongeler l'appareil judiciaire, des juges jusqu'au Conseil d'Etat, aussi vite !

Le plus étrange en la circonstance, est qu'on mette autant de zèle à empêcher de s'exprimer une idéologie cousine de celle même revendiquée haut et fort par nos dirigeants. Le National-Socialisme ne dit-il pas clairement qui sont ses ascendants ?

Là est le vrai problème. Le Socialisme tout court est la pire calamité que l'humanité ait engendrée. Le verdict de l'Histoire est absolument implacable. Après tous ses méfaits horribles (commis au nom du bien, ce qui est un facteur aggravant), il devrait être banni entièrement et définitivement des esprits.
Pourtant, de manière incompréhensible, tout un pan de cette idéologie maléfique est resté vivace, et pire, a encore pignon sur rue ! Tandis que le nazisme a fort heureusement fait l'objet d'une éradication impitoyable, il y a plus de 60 ans, le socialisme qui l'engendra, entre autres catastrophes, continue en toute impunité d'étendre ses horribles étendards rouge sang. Le Chef de l'Etat lui-même n'a aucune honte à s'en réclamer !
Même s'il est habitué à dire tout et son contraire, la bienséance élémentaire devrait lui rappeler qu'en prononçant ce mot de socialisme, c'est un peu comme s'il posait son postérieur rebondi sur 100 millions de morts (au bas mot).


Aujourd'hui le paradoxe est tel qu'en faisant semblant d'adresser des louanges à Hitler vous risquez la prison, tandis que vous pouvez chanter en toute sincérité et sur tous les tons celles de Staline et de Mao, ou faire passer pour de l'humour subtil, le fait d'entonner l'Internationale comme l'aristocrate Jean D'Ormesson ! 
Vous pouvez aussi bien pisser sur le Christ ou déféquer sur les autels, cela ne vous vaudra pas pire punition que l'indifférence, et peut-être au mieux, de toucher quelques subventions de l'Etat, au nom de la protection de la chose artistique. Avec un peu de chance cela vous procurera même, avec la complaisance des médias, une célébrité illusoire et très éphémère !
Tout cela est parfaitement inepte et donne la mesure de la débilité dans laquelle est plongée notre médiocre démocratie. Force est de constater que nous ne sommes pas dans une société responsable (l'avons-nous été un jour?). L'Etat accroît de jour en jour son emprise. Désormais, il revendique en plus de toutes ses attributions, celle de police de la pensée. A quand le retour du ministère de l'Information, et la nationalisation des médias et de l'internet ?

Évidemment, si l'on pouvait interdire à tous les crétins de parler, quelle tranquillité pour les grands esprits. Quel ennui aussi, puisqu'il n'y aurait plus de controverse...

08 janvier 2014

La République est en danger !

La France, en dépit de ses atouts, continue donc de s'enfoncer tandis que la quasi totalité des nations de l'OCDE sont en train de sortir de la crise. A qui la faute ?
Devinez...

Comme cela devient difficile, près de 2 ans après le "changement" promis, de coller les responsabilités sur le dos de son prédécesseur le président de la république a recours à tous les artifices, plus spécieux ou hasardeux les uns que les autres.

L'enfumage tout d'abord, qui essaie de faire prendre des vessies pour des lanternes en affirmant à la manière du docteur Coué que l'inversion de la courbe du chômage est là. Aucune chance que cela se produise puisqu'il a tout fait pour serrer les freins de la croissance et bloquer toute velléité entrepreneuriale ! N'empêche, cela occupe les médias et les observateurs sans imagination. Comme dans le désert des tartares, ils scrutent un horizon désespérément morne et figé, dans l'attente de ce qui ne viendra jamais...

Autre tactique tout aussi miteuse : donner l'illusion d'un changement de politique. Le fameux virage libéral que certains ont cru entrevoir au milieu des annonces vagues faites lors des soporifiques voeux élyséens. Le chef de l'Etat a reconnu que les impôts étaient "trop lourds" et osa soutenir que l'Etat est lui-même "trop lourd, trop lent, trop cher" ! La belle affaire, après avoir chanté sous tous les airs les louanges de l'Etat-Providence, et au moment même où il augmente encore la pression fiscale via la TVA ! Y a-t-il des gens assez crédules pour accorder encore quelque crédit à ces fariboles ?
Sans doute assez peu...

Du coup, pour tenter de faire oublier ou au moins de distraire l'opinion publique de sa politique aussi désastreuse qu'erratique, le gouvernement allume des contre-feux sociaux un peu partout.
On a vu les lois ineptes ou les annonces provocatrices donnant l'illusion que la gauche reste "progressiste", au risque d’aggraver les clivages d’une société à bout de souffle (mariage homosexuel, accès facilité à l'IVG, projets et rapports plus ou moins délirants concernant l'euthanasie, le droit de vote aux étrangers et aux mineurs, l'intégration des immigrés...).

Aujourd'hui, c'est le chiffon rouge du racisme et de l'anti-sémitisme qu'on agite frénétiquement, en lui donnant une perspective effrayante. Selon les nouveaux prophètes de malheur, c'est la République même qui serait en danger ! Après la grotesque affaire de la banane, c'est l'humoriste (si l'on peut dire) Dieudonné qui fait l'actualité.
Les rodomontades de l'olibrius ne sont pas nouvelles, mais tout se passe comme si on voulait leur donner le maximum de retentissement. Pas de jour sans qu'on monte en épingle médiatique le moindre de ses écarts de langage ou sa gestuelle équivoque. Et pour faire bonne mesure, on nous bassine avec le prétendu danger que ces pitreries feraient peser sur l'ordre public, alors que tant de sotte permissivité ont mené le pays à la désagrégation morale et culturelle !

Après avoir savamment dopé l’extrême-droite, tout en en caricaturant les idées, et en les diabolisant par pur calcul politique, les bien pensants découvrent avec une apparente stupeur, que de fâcheux fâchistes sortent désormais de leurs propres rangs ! Le choc est rude pour ces hypocrites pris à leur propre jeu ! Après une période d’indulgence, les pharisiens à l’esprit large se transforment en puritains intolérants.
Une sinistre comédie associe de manière grotesque, des trublions plus ou moins comiques et autres agitateurs avides de choquer le bobo, des Pouvoirs Publics faisant mine d'être aux abois, un ministre de l’intérieur s’érigeant en censeur intrépide, une presse moribonde, shootée aux sensations factices et aux scoops d’un jour.
Spectacle pitoyable qui ne peut que faire honte à ceux qui portent encore en eux une certaine idée de la démocratie, de la liberté et de la responsabilité.
Dans l’indifférence dédaigneuse du Monde, qui a d’autres chats à fouetter, la France fière comme le Titanic, s’enfonce doucement, mais irrémédiablement. C’était donc ça la république “apaisée”, “ré-enchantée”, que promettait le candidat Hollande...

31 décembre 2013

Vertiges

Elle danse en rêvant de lendemains inouis
Et son vol au dessus des choses la transporte,
Elle tangue et l'élan l'enivre mais qu'importe
Où mène le vertige au fond rouge des nuits !

Elle tourne en chantant, saoulée par de longs cris
De joie. Fière, elle exulte à se sentir si forte
Et croit naïvement son ancienne vie morte
Tandis que dans la fête elle perd ses esprits

Elle ploie sous le strass et sous la fanfreluche
Son rythme s’alourdit, son pas est incertain
Sa vue même se trouble, elle erre, elle trébuche

En proie aux illusions tout est proche et lointain
Folle, elle s’abandonne à ce déséquilibre
Et s’affale, oubliant qu’hier, elle était libre !

15 décembre 2013

Le coup du Père François

Encore une voix qui s'élève pour dénoncer les prétendus méfaits du libéralisme ! Et pas n'importe laquelle puisqu'il s'agit de celle du pape François...
A travers son exhortation Evangelii Gaudium, publiée par le Vatican à la fin du mois de novembre, ce dernier s'exprime en effet vertement à son sujet, sans toutefois aller jusqu’à le citer nommément.

Ce document de plus de 200 pages, consacré à “l'évangélisation joyeuse” charrie certes comme il se doit, des tombereaux de bonnes intentions et de belles paroles auxquelles il apparaît difficile de ne pas adhérer au moins par la pensée.
Le pape s'y montre d’emblée d’humeur allègre, rappelant notamment que “la joie de l’Évangile remplit le coeur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus”. En abordant les problèmes du monde contemporain, il fait même preuve d’un certain optimisme, en évoquant “les succès qui contribuent au bien-être des personnes, par exemple dans le cadre de la santé, de l’éducation et de la communication.”

Hélas, bien vite le tableau s’assombrit, à mesure qu'il rentre dans le vif du sujet.
On peut certes encore le suivre lorsqu’il déplore cette “tristesse individualiste qui vient du coeur bien installé et avare, de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience isolée” qui gagne du terrain dans nos sociétés de confort matériel. On ne saurait évidemment lui donner tort, tant la futilité de notre univers semble évidente...
Comment ne pas partager également son sentiment lorsqu’il affirme “qu’on ne peut plus tolérer le fait que la nourriture se jette, quand il y a des personnes qui souffrent de la faim.”
Tout cela n’est pas d’une originalité fracassante, mais il faut hélas reconnaître qu’il y a, qu’il y eut, et qu’il y aura sans doute encore longtemps une part de vrai…

Là où le propos devient beaucoup plus étonnant, voire déroutant, c’est lorsque le souverain pontife se lance tout à trac dans une violente diatribe aux accents clairement politiques. Est-ce le rôle du pape de dénoncer “une économie de l’exclusion”, avec des termes ressemblant étrangement aux saillies grinçantes de Mélenchon ou de Besancenot ? Est-il vraiment dans son rôle lorsqu’il affirme “qu’aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible ?”

Sans doute a-t-il le droit de dire ce qu’il a envie de dire après tout, mais à prendre un ton aussi partisan, il risque fort de tomber de son piédestal de commandeur des âmes chrétiennes. Surtout, il s’expose à la controverse, donc à voir singulièrement se réduire la portée de sa parole. Ce qu’elle paraît gagner en actualité, elle le perd en universalité, et une telle intrusion dans la science économique peut devenir aussi discutable que le furent les parti-pris anti-scientifiques de l’église d’autrefois.

En quoi devons nous croire le pape lorsqu’il affirme que dans nos sociétés, “on considère l’être humain en lui-même comme un bien de consommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter ? ” ou qu’il ajoute que “nous avons mis en route la culture du déchet qui est même promue.”
Et lorsque il nie que la croissance économique, puisse être favorisée par le libre marché, et qu’elle soit en mesure de produire “une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde”, il ne fait qu’émettre une opinion personnelle, que chacun est en droit de contester, car le rapport à Dieu paraît en l’occurrence bien lointain !

Il s’en éloigne d’ailleurs encore un peu plus à chaque page de ce qui s’apparente en définitive à un manifeste. Ainsi François ressort la bonne vieille symbolique de “l’adoration de l’antique veau d’or”, dont il voit “une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain.”
Emporté par son élan, il croit bon de reprendre à son compte l’adage qui veut que “les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, [tandis que] ceux de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité.”

La satire anti-libérale et anti-capitaliste est limpide. Non seulement le pape se fait le contempteur de l'économie de marché, mais il plaide pour l'étatisme contre l'initiative privée, jusqu'à adopter un point de vue radicalement partisan, condamnant "les idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière" et "qui nient le droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du bien commun." En clair, il reproche à ces idéologies d'instaurer "une nouvelle tyrannie invisible, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable !"
Cela le conduit à cette occasion à faire un amalgame des plus douteux avec “une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales !” Pour un peu il se ferait le chantre de l’impôt ! Un peu fort de café tout de même...
Dès lors, il apparaît clairement qu’on a quitté le champ de l’opinion, pour entrer dans celui du slogan. Ainsi le pape se livre dans la foulée, à la critique de la mondialisation avec des accents franchement “alter-coco”, en dénonçant “une détérioration accélérée des racines culturelles, avec l’invasion de tendances appartenant à d’autres cultures, économiquement développées mais éthiquement affaiblies.”

Le grand reproche qu’on peut faire à cette longue oraison est de manquer largement sa cible. Elle s’attaque en effet au modèle de la société ouverte sur lequel reposent les pays développés, en tentant de reprendre le ton martial dont Jean-Paul II usa contre le système communiste.
Mais ce dernier avait une légitimité reposant sur le fait qu’il s’adressait à un régime totalitaire dans lequel les individus ne jouissaient d'aucun droit, sauf celui de se taire.
Dans les sociétés démocratiques que François prend pour cible en revanche, les citoyens sont acteurs de leur destin et des lois qui les régissent. Le droit de vote n'est pas un vain mot et la responsabilité citoyenne a une vraie signification.
Or le pape fait comme si les peuples étaient assujettis, voire broyés par un odieux système. Il parle même de "tyrannie invisible", ce qui paraît pour le moins excessif.
A aucun moment il ne s’adresse à l’initiative individuelle qui devrait être le moteur essentiel du progrès. Nulle part il ne fait des femmes et des hommes les clés d'un avenir meilleur.

Plus grave, la tonalité étrange des propos du pape déborde le monde de la finance.
Il déplore notamment “une société de l’information qui nous sature sans discernement de données, toutes au même niveau, et qui finit par nous conduire à une terrible superficialité au moment d’aborder les questions morales.” C'est vrai, mais qui est le plus coupable ? Le système qui délivre trop d'informations ou bien les individus incapables de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie dans cette abondance, et de discerner dans le flux qui les assaille celles qui sont importantes ? Ne vaut-il pas mieux avoir trop d’informations, et de sources multiples que pas assez, et d’un seul canal ? Le problème ne vient-il pas du manque d'éducation, du peu d'esprit critique, et de cette envahissante pensée unique dont il se fait lui-même, le colporteur ?

Plus loin, le pape constate que “La famille traverse une crise culturelle profonde.” Mais il ne dit rien des lois qui un peu partout détruisent avec méthode les repères sur lesquels elle est fondée, selon les canons chrétiens.
S’agissant même de la religion, ses mots résonnent bizarrement. Il pointe un doigt accusateur en direction de certaines régions du monde frappées “par une désertification spirituelle, fruit du projet de sociétés qui veulent se construire sans Dieu ou qui détruisent leurs racines chrétiennes”. Là, dit-il, «le monde chrétien devient stérile, et s’épuise comme une terre surexploitée, qui se transforme en sable. »
On comprend une fois encore, qu’il dénonce à mots couverts le mode de vie occidental. Bien qu’il soit sévère, le constat pourrait peut-être porter, si à l’inverse il ne manifestait une lénifiante mansuétude vis à vis de l’islam conquérant : “Les écrits sacrés de l’Islam gardent une partie des enseignements chrétiens; Jésus Christ et Marie sont objet de profonde vénération; et il est admirable de voir que des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes de l’Islam sont capables de consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux.”
Et comme il est sur le sujet particulièrement en verve, il ajoute que “Nous chrétiens, nous devrions accueillir avec affection et respect les immigrés de l’Islam qui arrivent dans nos pays, de la même manière que nous espérons et nous demandons être accueillis et respectés dans les pays de tradition islamique.”

Il y a de quoi être un peu éberlué. Le pape imagine-t-il que les musulmans soient si mal traités dans les sociétés démocratiques de culture chrétienne ! A-t-il réellement perçu comment sont traitées ses ouailles dans la plupart des pays musulmans ?
Il faut chercher avec attention pour trouver une brève allusion à “la violente résistance au christianisme” qui dans certains endroits, “oblige les chrétiens à vivre leur foi presqu’en cachette dans le pays qu’ils aiment...” Et il faut être attentif pour trouver “l’humble imploration” à ces pays “pour qu’ils donnent la liberté aux chrétiens de célébrer leur culte et de vivre leur foi, prenant en compte la liberté dont les croyants de l’Islam jouissent dans les pays occidentaux !”

En terminant la lecture de cette longue exhortation, il difficile de s’exonérer d’un sentiment d’exaspération, voire d’incompréhension. A peu de chose près, on dirait le discours d’un politicien gauchisant.
La théologie de la libération qui fit florès en Amérique du Sud semble bel et bien de retour. Elle contribua hélas à ancrer le socialisme dans cette partie du monde, sans résultat probant après des décennies, sur l’état de pauvreté des pays concernés.
On se souvient que Jean-Paul II avait mis en garde contre la dérive politique à laquelle cette idéologie exposait, en rappelant aux prêtres qu’ils devaient être « des guides spirituels, pas des dirigeants sociaux ni des cadres politiques ou des fonctionnaires d'un ordre séculier. » Le pape François est en passe d’oublier cette recommandation, ce que la réaction de médias paraît confirmer. Par exemple le site Rue 89 qui jubile : "cette fois, c’est sûr, le pape est socialiste !" Ou bien de magazines, moins catégoriques, mais qui s’interrogent : "Le pape est-il marxiste ?" (Le Point), "Le pape François, un socialiste ?" (La Vie)...

L’avenir permettra sans doute de trancher. Toujours est-il que le discours pontifical s’inscrit hélas dans ce paradoxe troublant : on reproche au capitalisme de viser à enrichir les gens, au motif qu’il ne parvient pas à abolir la pauvreté, tandis qu’on porte au crédit du socialisme d’appauvrir les riches (sauf la nomenkaltura), même s’il ne fait qu’aggraver le sort des pauvres… Comprenne qui pourra !

11 décembre 2013

On enterre bien les symboles...

Le concert planétaire de louanges et d’hommages entourant la disparition de Nelson Mandela (1918-2013) a de quoi décourager de toute contribution le blogueur observateur et modeste chroniqueur de son temps. Que peut-on ajouter à ces dithyrambes tous azimuts ? Comment faire preuve d’une once d’originalité dans cette explosion universelle de conformisme bien pensant ?
En même temps, comment ne pas évoquer l’évènement ? Comment passer sous silence ce gigantesque ralliement oecuménique ?
Il est aussi vain de vouloir ajouter encore un peu d’encens à ces entêtantes vapeurs séraphiques, que de rester “dans son lit douillet”, en “n’écoutant pas le clairon qui sonne”, comme Georges Brassens le quatorze juillet…

Il est possible toutefois à cette occasion funèbre, de ne pas être trop triste. De se réjouir même, de cette union de façade, de toutes ces têtes couronnées, de tous ces grands de ce monde. Leur empressement délirant est un signe des temps. Cela dépasse évidemment de loin la personnalité du défunt, et pour beaucoup c’est sûr, le zèle est sans doute dicté par la nécessité d’être vu, bien plus que par l'émotion. Mais c’est un fait, cette véritable béatification laïque est une occasion en or d’exprimer de beaux sentiments. On a pu voir de tout dans cette kermesse héroïque : un chef d’Etat faire cause presque commune avec son prédécesseur, en dépit d’une féroce haine réciproque; le président des Etats-Unis rire à gorge déployée en se faisant prendre en photo fraternelle avec ses homologues danois et anglais, et l’instant d’après, dans un geste qualifié “d’historique”, serrer chaleureusement la paluche de l’infâme tyran cubain…

Il est possible enfin et surtout, de retenir de l’homme qui vient de disparaître, le sourire radieux qu’il dispensait si généreusement, et qui sera pour l’éternité, le signe le plus prégnant et sincère d’une volonté de réconciliation nationale en Afrique du Sud. Certes tous les problèmes sont loin d’avoir été résolus par ce messie des temps modernes, mais la symbolique est puissante. Elle tranche en tout cas heureusement avec le rictus tragique qui barrait le visage du militant en lutte. Il faut espérer que ce visage rayonnant reste dans les esprits pour incarner la liberté, l’ouverture et le respect mutuel qui sont les ingrédients indispensables d’une vraie démocratie !

30 novembre 2013

Un Nabi flambant neuf

Une rétrospective en cours, au Grand Palais (2/10/13 au 20/01/14), à Paris, permet de (re)découvrir Félix Vallotton (1865-1925), un artiste sans doute un peu trop méconnu.
Audacieux dans ses cadrages et l’éclat tranchant des couleurs, son art peut apparaître comme sobrement classique par les thèmes abordés, la manière peaufinée de les traiter et la grâce des courbes qui les arrondissent. Etrange, non ?

Vallotton fut un membre discret de l’exotique tribu Nabi, dont on connaît surtout Sérusier, Bonnard ou Vuillard. On trouve chez eux un peu de l’exubérance colorée de Gauguin, qui s’exprime par grands aplats contrastés. Un brin de sophistication et de mystère également, qui semble s’inscrire pour Vallotton dans une ambiance très “art nouveau”.

Les formes, notamment féminines ont des ondulations câlines à se pâmer, mais aussi quelques reflets d’un gris métallique qui sont ancrés dans une froide et technique modernité. Peut-être que l’époque, charnière entre deux mondes y est pour quelque chose...

Vallotton, c’est l’anti-impressionnisme en quelque sorte. Quasi contemporain de Claude Monet (1840-1926) et de Renoir (1841-1919), il est à mille lieues des nébulosités transcendantes de ces derniers. Fini le flou, adieu l’impression, les traits sont nets, les formes simples, le propos sans détour.
Celà n’exclut en aucune manière l’élégance et la légèreté comme en témoigne ce magnifique et virevoltant instantané de la jeune fille au ballon rouge. On dirait un papillon, ivre de liberté… Ou cette scène au symbolisme troublant, montrant, ou plutôt suggérant, un couple émergeant de l’obscurité d’une loge de théâtre, qui sert d’affiche à l’exposition.
Parfois, il y a de la chaleur dans cet univers. Une touffeur oppressante même, comme dans cette chambre rouge, dont le point de vue semble resserré sur un douloureux mystère, ou une sourde colère, qui sait ?

Au delà de la maîtrise des pigments, Vallotton démontre un sens acéré du dessin. Quelques traits, quelques flaques d’encre lui suffisent à tracer avec une force magistrale un portrait ou bien une scène complexe, de foule par exemple. Il a l’art de simplifier les choses pour exprimer l’essentiel, de manière très pénétrante. En plus de sa carrière de peintre, il fut un illustrateur très percutant, faisant le bonheur des lecteurs de La Revue Blanche.
Un grand artiste assurément dans cette période si riche en talents, où ce que l’on nommait “art” était encore de l’art...

23 novembre 2013

L'inaugurateur de chrysanthèmes

Qu’il est touchant Arnaud Montebourg, le chevalier à la rose, auto-proclamé ministre du Redressement Productif, lorsqu’il évoque sa mission désespérée de sauvetage des entreprises, et qu'il parade sous les caméras, avec ses gants blancs, ses flamboyants  oriflammes et ses voeux pieux.
Evidemment avec le temps, qui passe - très vite depuis l’élection de François Hollande - il a quelque peu rabattu de ses ambitions originelles. On est désormais bien loin des propos conquérants de 2012, lorsque The Big Chief nous promettait le changement pour “maintenant”.
On allait voir ce qu’on allait voir, qu’y disaient, les gars !

Et bien on a vu, et on voit de mieux en mieux, malheureusement tous les jours. Depuis qu’il a enfourché son destrier, ce Don Quichotte du socialisme triomphant encaisse avec un confondant optimisme les échecs, les défaites, et les infortunes. Rien qu’en 2013 la France a enregistré 730 plans sociaux, dont le dernier touchant l’entreprise MORY DUCROS (fruit de l’union récente en 2012 des groupes Mory et Ducros), fait froid dans le dos (5000 emplois menacés). Air France, entreprise emblématique, dont l’Etat détient 16% des actions, envisage pour sa part de supprimer 2800 postes. La litanie pourrait être longue des faillites, et défaillances…

Parallèle troublante, celle des taxes qui fleurissent jour après jour sur le fumier fertile de notre bureaucratie pléthorique. D’autant plus édifiante qu’elle semble décalquer en creux l’épidémie de dépôts de bilans...
Rappelons à titre d’exemple, la taxe sur les billets d’avions, supposée contribuer à l’aide aux pays en voie de développement, instituée par Jacques Chirac, et qui vient d’être augmentée par l’Assemblée Nationale de 12,7% (203 millions d’euros de recettes prévues). Stupidité sans nom, quand on sait que seule la France applique ce prélèvement en Europe, plombant ainsi de manière suicidaire ses propres compagnies, vis à vis de la concurrence ! Comment pourraient-elles éviter de réduire les effectifs si elles veulent rester sur le marché ?
On pourrait naturellement évoquer également la désormais fameuse "écotaxe" qui, si elle est appliquée, pénalisera en premier lieu les transporteurs routiers français (et qui, si elle ne l’est pas, pénalisera de toute manière tous les contribuables…)
Parlons de la calamiteuse Taxe sur les transactions financières (inspirée du non moins calamiteux monsieur Tobin) entrée en application de manière unilatérale au mois d’août 2012, et qui touche exclusivement les entreprises situées en France ! Récemment encore le gouverneur de la Banque de France alertait sur le risque qu’elle faisait courir de “détruire des pans entiers de l’industrie financière française…”
Passons rapidement enfin sur l'ubuesque Taxe à 75% dont le gouvernement ne parvient à accoucher, mais qui dans sa dernière mouture pourrait frrapper nombre de PME (tout en épargnant par un montage artificieux, les clubs de football...)

Au total : pendant que M. Montebourg s’échine à secourir par un preux soutien moral les entreprises, ses amis creusent les trous dans lesquels elles s’embourbent inéluctablement ! Fort heureusement le ridicule ne tue plus. Il peut donc, tant que le pays n’est pas complètement abîmé, continuer de "tout tenter" pour entretenir l'illusion. Mais, même empanaché, il n'est rien d'autre qu'un inaugurateur de chrysanthèmes...

20 novembre 2013

L'Europe en berne

En écoutant Michel Barnier interrogé le 19/11/2013 sur France Culture, pour peu qu’on ait encore quelques illusions, on ne pouvait qu’être  une fois de plus navré de constater la pusillanimité, la versatilité et pour tout dire, l’absence de réelle conviction de la plupart des politiciens ambitionnant de gouverner le peuple.

M. Barnier dont le port altier, l’élégance et le sang froid évoquent le gestionnaire avisé, a dans l’opinion publique l’image d’une personnalité plutôt libérale et européiste. il a fait toute sa carrière dans la droite néo-libérale française, et on connaît ses nombreuses responsabilités depuis des lustres, au sein du gouvernement français et de la Commission Européenne, dont il est à ce jour Commissaire aux marché intérieur et aux services. On apprend d’ailleurs qu’il brigue rien moins que la fonction de Président de ladite commission, au printemps 2014…

Pourtant, son discours, ciblé sur la politique européenne avait vraiment de quoi faire frémir.
Premier sujet d’étonnement, jamais cet homme qui fut au cours de sa longue carrière, tour à tour député, commissaire, et même ministre des affaires européennes, n’évoqua une quelconque responsabilité dans l’excès de bureaucratie, qu’il déplore comme tant de gens. Au contraire, il plaida pour régulation renforcée, en prenant l’exemple du secteur des banques.
A ce sujet, il en profita pour propager l’erreur si communément admise par les politiciens, consistant à mettre sur le dos de ces dernières, tout le poids de la crise actuelle. C’est évidemment commode pour s’exonérer de ses propres responsabilités.

M. Barnier reprit donc l’antienne éculée qui fait de la crise des subprime la cause de la panade européenne, et qui raconte “qu’à force de mal se comporter, à force de bonus insensés et de mauvaise gestion”, les banques se sont retrouvées en situation de quasi faillite, contraignant les contribuables à les renflouer.
Si seulement c’était vrai, on serait heureux en la circonstance d’être contribuable, puisque comme chacun sait, les banques ont remboursé leurs dettes, intérêts compris, en à peine plus d’une année ! Si seulement c’était vrai, car on se demande bien comment l’Etat, lui-même endetté jusqu’au cou aurait pu leur prêter l’argent qu’il n’avait pas… Ce qui est certain c’est que malgré cette bonne opération, ce dernier se retrouve toujours plus endetté !

Et de cela M. Barnier ne parle guère…

Au passage, il oublie d’ailleurs que si certaines banques ont été mises en difficulté, c’est souvent par la faute de l’Etat qui les a encouragées à prêter tous azimuts, même dans des conditions très risquées (notamment lors de l’affaire des subprime aux Etats-Unis). Il oublie également que les plus grosses faillites furent encore celles des banques étatisées, comme l’ardoise laissée à la charge du contribuable par le Crédit Lyonnais en atteste, plus de 20 ans après (encore un petit effort de 4,5 milliards d’euros…)
Mais tout cela importe apparemment peu à M. Barnier dont le principal souci est de réguler davantage, non l’Etat, mais le secteur bancaire, de “remettre de l’ordre dans la Finance Mondiale”, et de “la remettre au service de l’économie réelle plutôt qu’à son propre service...”

Au chapitre suivant il critiqua sans vergogne le libre-échange en allant jusqu’à prétendre qu’on a, non pas ouvert, mais “offert” l’Europe à la sauvagerie mondialisée, réclamant par corollaire implicite, un peu de protectionnisme. Extraordinaire ! Il occulte ce faisant, et bien qu’il fut aussi ministre de l’agriculture et de la pêche, toutes les mesures prises par l’Europe, en matière agricole notamment. Il ignore aussi apparemment les nombreux effets pervers que cette politique ne manqua pas de provoquer...
 
Bref, tout cela est grave.
D’abord parce qu’il s’agit de contre-vérités flagrantes. Pire, parce qu’en contribuant à discréditer un système dont il se dit par ailleurs le promoteur, il brise les repères et il conduit à l’incompréhension et à l’exaspération grandissante de la population.
Marc Voinchet assez finement fit remarquer qu’il se murmurait dans les couloirs des instances européennes que M. Barnier, était “plus à gauche que beaucoup de socialistes.” Et que croyez-vous que le cher homme répondit ? Tout simplement que “beaucoup de socialistes sont plus libéraux que lui”. Terrible aveu qui sonne comme le glas de belles espérances, et d'une "certaine idée" de l'Europe...

17 novembre 2013

C'est si bon !

Tout à coup le souvenir évanoui d'une extase peuplée de frissons exquis a resurgi ! Miracle de la technique, la guitare de Jerry a la fraîcheur d'une « aurore aux doigts de rose », et les indicibles digressions musicales du Mort éternellement reconnaissant, répandent, comme aux beaux jours des nineties, la fragrance épicée des herbes folles croissant aux bords évanescents de chimériques eldorados...


Que dire de plus de cette magique resucée d'une musique décidément hors d'âge, qui comme le dit l'épigraphe, célèbre dans un style éclectique, à la fois le chaos et l'ordre, la beauté et l'horreur, la vie et la mort, here, there and everywhere, the greatest show on Earth, an American Institution !

Tel est The Grateful Dead dans toute sa splendeur passée, actuelle et future. Abandonnons nous donc sans remord ni appréhension à cette sublime léthargie. C'est si bon...

Grateful Dead. Spring 1990. So Glad You Made It. Rhino 2012.

Double CD live tournée Printemps 1990.

15 novembre 2013

Le cas Finkielkraut (2)

Il est donc légitime de donner raison à M. Finkielkraut sur bien des points de son diagnostic.
Il est normal également de s’indigner des insinuations auxquelles il doit faire face lorsqu’il ose émettre ces vérités, aussi dérangeantes soient-elles.
Et il est naturel d’être choqué par la manière outrecuidante dont certains clercs au zèle inquisiteur usent pour le soumettre à la question, et tenter de lui faire avouer une connivence avec l’extrême-droite.

Mais, s’il est possible d’approuver M. Finkielkraut, et de lui reconnaître le courage d’affronter les hordes vindicatives de fabricants d’idées reçues, on peut également s’interroger sur certains aspects de la conception du monde qu’il professe. Sur au moins trois sujets, sa position est sujette à discussion : la modernité, l'antinomie libéralisme-socialisme, le nationalisme.

M. Finkielkraut n’est pas un “moderne” c’est certain. Il exprime même souvent face au monde moderne ce que Jean-Michel Rey attribuait à Péguy, à savoir “une colère effrénée, colère torrentielle, colère répétitive, colère qui ne connaît jamais d’accalmie…” Entre autres exemples, comme il le révèle dans son journal “l’imparfait du présent*”, le philosophe hait les téléphones portables, et juge sévèrement l'internet dont il prétendait en 2010, au cours d’une interview donnée au magazine Marianne, “qu’il faut être complètement idiot pour penser que c’est un progrès.”

Il est difficile de le suivre sur cette voie, tant elle paraît absurde. Avec de tels principes, il eut été naturel en effet de condamner l’invention de l’imprimerie qui contribua à démocratiser l’écrit, mais qui permit la publication de tant de sottises et d’horreurs ! Comme le faisait remarquer Karl Popper à propos de la télévision, dans laquelle il voyait un danger pour les jeunes générations, ce n’est pas l’outil en soi qui est dangereux, c’est l’usage qu’on en fait. C’est donc la société et sans doute son modèle éducatif qu’on devrait mettre en accusation avant tout. Seule l’éducation permet d’influer sur les comportements, et sur ce point, il est évident qu’on peut rejoindre à nouveau Finkielkraut qui en dresse, comme chacun sait, un tableau accablant.
La modernité et les grandes facilités qui en découlent, font craindre à l’écrivain un nivellement par le bas, l’avènement d’une médiocratie en quelque sorte. Cette appréhension est bien légitime, car il s’agit d’un des grands défis posés à la démocratie, sur lequel Tocqueville, ce visionnaire, avait attiré en son temps l’attention. Il ne s’agit pas pour autant de tenter de faire barrage au progrès, ni aux libertés nouvelles données au peuple, mais de chercher à responsabiliser les comportements.

En se sens, le libéralisme bien pensé (c’est à dire tocquevillien) constitue encore le meilleur modèle pour accompagner l’émancipation des peuples. Et c’est là que se pose la seconde question concernant la philosophie de M. Finkielkraut.
Non seulement il n’apparaît pas comme un libéral convaincu, mais il s’en déclare souvent l’ennemi. Dans l’article sus-mentionné, il expliquait en 2010 de manière très classique la crise par l’échec du libéralisme et du laisser-faire, en invoquant même comme on l’entend si souvent, la responsabilité des Greenspan, Reagan et autre Thatcher... Il considérait dans le même temps que cet échec consacrait la victoire idéologique de la social-démocratie. Pour tout dire, il se réjouissait que les recettes de cette dernière aient permis “d’échapper au pire” et que “l’État reprenne la main, redevienne un acteur économique à part entière, [et que] la régulation s’impose, [que] la social-démocratie l’emporte sur tous les fronts !”
A cette occasion, il reprenait à son compte l’expression du philosophe polonais dissident Kolakowski, se qualifiant de “conservateur-libéral-socialiste”.
Curieux mélange. Est-ce donc l’eau tiède qu’il propose en guise de remède souverain au désastre chronique dans lequel nos sociétés s’engluent ? Etonnnante perspective en tout cas, et grossier contresens pour un libéral qui rapporte les maux actuels, non à un défaut de régulations ou de protection sociale, mais à l’inverse, aux excès de l’Etat-Providence, sur lesquels encore une fois Tocqueville avait mis en garde. Si le libéralisme n'est pas la solution, comment imaginer qu'en le diluant avec son contraires, il devienne efficient ? Et ses contraires sont-ils eux-mêmes plus souhaitables ?

En fin de compte, on savait Finkielkraut conservateur, on connaît son aversion pour le libéralisme. Quid du Socialisme ?
Aurait-il gardé de ses années de jeunesse un peu du calamiteux ferment néo-révolutionnaire poussant à vouloir faire le bonheur du peuple quitte à lui passer dessus ?
La question mérite d’être posée lorsqu’en ouvrant son ouvrage “l’identité malheureuse”, on lit qu’il fut maoïste jusqu’à un âge relativement avancé, et qu’il crut bon de voter Mitterrand en 1981, “avec enthousiasme”, alors qu’il avait plus de 30 ans !
Il est vraiment difficile de comprendre comment un esprit éclairé, aiguisé, cultivé, pouvait à l’époque ignorer ce que représentait le dirigeant socialiste, vieux roublard politicien, passé par tous les bords et prêt à toutes les compromissions, et notamment à faire alliance avec des communistes, pour se hisser au pouvoir.
Sans doute M. Finkielraut, grand admirateur de Péguy, conserve-t-il de son maître, une vision un peu idéaliste du socialisme en tant que système ayant pour but de “libérer l’humanité des servitudes économiques...”
On pourrait presque lui en faire crédit, mais ce qui était excusable du temps de Péguy ne l’est hélas plus guère à notre époque.

S’agissant enfin du nationalisme, l’attitude de M. Finkielkraut reste également un tantinet ambiguë. A propos de l’Europe par exemple, il se dit partisan de l’union, mais dans le contexte d’un concert de nations. Il voit d’ailleurs dans l’émiettement des empires et dans le retour aux nations, la condition primordiale qui permit les progrès de la démocratie au cours du XXè siècle.
Cette conception originale est certes défendable mais il faut alors s’intéresser aux causes du démantèlement de ces empires maléfiques. Et comment ne pas voir alors en toute clarté l’influence et le rayonnement américains ? Qu’on le veuille ou non, c’est bien de l’Ouest que le vent démocratique est venu et s’est imposé sur l’Europe. Non sans violence d’ailleurs car il fallut des guerres horribles pour se débarrasser des abominations qui ensanglantèrent le XXè siècle. Si l’on accepte cette évidence, et qu’on ose regarder de plus près et sans a priori le modèle élaboré outre-atlantique, il apparaît non moins clairement qu’il faille dépasser l’échelon de “l’état-nation” pour donner à l’Europe un vrai destin et une stature susceptible de peser dans le monde.
Dans cette logique, s’il est normal de partager l’exaspération de M. Finkielkraut au sujet de l’angélisme et de l’irresponsabilité du Parlement Européen actuel, on peut souhaiter paradoxalement qu’en soient renforcées les prérogatives. Car on peut voir dans les atermoiements actuels, un excès de la technostructure, mais aussi une influence résiduelle excessive des nations, paralysant l’action et empêchant que se cristallise une vraie ambition. De ce point de vue le modèle fédéral, supra-national, qui fut prôné par Kant et qui réussit si bien outre-atlantique, constitue un bel objectif, pour un Européen convaincu. C’est précisément en dépassant l’état-nation qu’on a quelque chance d’atteindre l’idéal de la Nation Européenne pour reprendre le terme de Julien Benda**. Sans avoir pour autant besoin de renoncer à son passé, mais en le transcendant.

On peut certes être un petit pays indépendant, et parvenir à se ménager une place enviable dans le monde. La Suisse en est un exemple, la Corée (du Sud) un autre, plus édifiant encore eu égard à la déchirure tragique dont elle est l'objet. N’empêche, lorsque plusieurs nations se rassemblent au nom du principe qui veut que l’union fait la force, elles ont intérêt à dépasser les intérêts individuels pour faire en sorte que la force de l’ensemble soit supérieure à celle de la somme des parties. En définitive, chacun peut avoir une haute idée du concept de nation. Le tout est de savoir à quel niveau il se situe… Ici encore M. Finkielkraut semble être resté sur une position quelque peu datée et sans doute peu compatible avec un vrai projet européen.

C’est sans doute pourquoi, si la solidité et la clairvoyance de ses diagnostics devraient imposer le respect, ses conceptions philosophiques peuvent susciter la controverse...
 * l'imparfait du présent. Alain Finkielkraut. Gallimard 2002
** Discours à la Nation Européenne. Julien Benda. Gallimard 1933

11 novembre 2013

Le cas Finkielkraut (1)

« Le présent de l’imparfait », « le mécontemporain », « l’humanité perdue », « l’identité malheureuse », les titres de nombre de ses ouvrages en témoignent de manière éloquente : si Alain Finkielkraut n’est pas nostalgique du passé, du moins peut-on présumer qu’il n’est pas vraiment dans son époque…

Certains affirment qu’il la vomit, d’autres qu’il ne la comprend pas. Mais en définitive, le comprend-elle, cette époque un peu folle, capable de nier tant d’évidences, de s’enticher de tant de chimères, et à la fin, de tirer si peu de leçons de l'histoire ?
Lorsque l’on assiste aux joutes opposant le philosophe à ses contradicteurs, on a souvent l’impression d’assister à un vrai dialogue de sourds. Aux arguments contournés et quelque peu désespérés du premier répondent les forfanteries sommaires et optimistes des seconds. Au lamento tragique célébrant le bon vieux temps, fait écho l’arrogance infatuée des lendemains qui chantent.
A bien y réfléchir, on hésite à prendre parti…

Mais si chacun espère naturellement que l'avenir sera meilleur que le passé, force est de reconnaître que le présent a de quoi faire naître quelques inquiétudes.
En cela, le constat de Finkielkraut sonne juste à bien des égards, même si les explications semblent parfois un peu trop unilatérales, et si les solutions envisagées sont discutables.

Si l'on s'en tient au débat qui fait rage en ce moment, et qu'il aborde dans son dernier ouvrage "l'identité malheureuse*", il faut par exemple être aveugle ou bien de fort mauvaise foi pour ne pas voir que le concept même de nation est en voie de délitement, et dans la même logique, pour occulter tout ce que l’appartenance à cette dernière est en train de perdre en signification. C’est un fait qui admet sans doute plusieurs causes, mais il est indéniable et plutôt inquiétant lorsqu'on aime son pays. L’immigration est liée à cette problématique, à n'en pas douter. Non pas comme cause en soi bien sûr comme l'histoire des peuples en témoigne, ou bien comme le succès du fabuleux brassage de population en Amérique nous en apporte une preuve éclatante.

L’immigration est devenue un problème pour la France, parce qu'elle dépasse les capacités d'accueil d'un pays en crise, que nous avons renoncé à la maîtriser, et plus encore, parce que l'intégration des nouveaux arrivés ne nous importe plus guère. Et par un navrant corollaire, parce que le débat, pour des raisons purement idéologiques, se radicalise dangereusement, le discours officiel allant parfois jusqu'à nier qu’il s'agisse d'un problème, tandis que d'autres voix affirment au contraire que c'est LE problème, faisant des étrangers des boucs émissaires...
Alain Finkielkraut exprime lui-même un peu de cette radicalisation, en constatant que «pour la première fois dans l’histoire de l’immigration, l’accueilli refuse à l’accueillant, quel qu’il soit, la faculté d’incarner le pays d’accueil ». C'est sans doute parfois vrai, mais ne serait-on pas tenté de déplorer pareillement, l’incapacité de l’accueillant à incarner ce pays ? N’en serait-ce pas le primum movens ?

On assiste de fait, à un troublant phénomène, où se conjuguent la perte de foi dans notre modèle de société et un émerveillement un peu niais pour l'exotisme et "la différence" sous toutes ses formes. A cela s'ajoute une propension aux bons sentiments, hélas souvent naïfs, conduisant à encourager l'arrivée d'étrangers "par principe" bien plus que par raison. Sans doute pour certains, la nécessité de se démarquer des thèses du Front National, devenues le coeur de toute controverse sur le sujet, entrent-elles dans cette disposition d’esprit.

Toujours est-il que les nouveaux immigrants débarquent dans un univers déboussolé, avec à l'esprit la perspective de profiter du bien être matériel auquel on leur rabâche qu'ils ont droit, et dont notre richesse passée entretient encore pour un temps l'illusion. C’est d'ailleurs la seule aspiration qu’on ait désormais l’ambition de leur communiquer, puisque la société dans laquelle nous vivons ne trouve plus vraiment grâce à nos propres yeux, et que ses fondements démocratiques relevant du capitalisme et du libéralisme, sont quotidiennement et abondamment l’objet de critiques, pour ne pas dire qu’ils sont purement et simplement honnis.

Lorsque Alain Finkielkraut déplore cette évolution, il est difficile de lui donner tort, tant elle relève d’une triste évidence.
De ce point de vue, faire semblant de croire que tous les immigrés se valent, qu’il n’existe pas de critère pour ne pas les accueillir, et revendiquer le droit à la nationalité française pour tous ceux qui avec leurs familles touchent notre sol, constitue une douce folie. C’est galvauder la notion même de nationalité, scier la branche sur laquelle elle est assise, et faire un cadeau empoisonné à ses bénéficiaires, car bientôt ce ne sera plus qu’une coquille vide.

C’est sans doute ce que Charles Péguy pressentait lorsque, cité par Finkielkraut qui lui a consacré un essai en forme d’apologie**, il s’exclamait : “une humanité est venue, un monde de barbares de brutes, de mufles ; plus qu’une pambéotie, plus que la pambéotie redoutable annoncée, plus que la pambéotie redoutable constatée : une panmuflerie sans limites ; un règne de barbares, de brutes, et de mufles ; une matière esclave ; sans personnalité, sans dignité ; sans ligne ; un monde non seulement qui fait des blagues, mais qui ne fait que des blagues, et qui fait toutes les blagues, qui fait blague de tout.”

Lorsque plus rien n’a de réelle importance, que les convictions s’effacent ou qu’elles sont systématiquement tournées en dérision, le monde devient en effet une vaste blague. Mais le rire qui en sort est de plus en plus laborieux. Il confine au sinistre, voire au morbide.
Tout particulièrement lorsque les chantres de la nouvelle vertu universaliste assimilent toute opinion contraire à la leur à du fascisme, et comparent par esprit de système les expulsions de “sans papiers” à des rafles nazies.
Ce n’est plus dès lors le règne des blagues mais de l’imposture, de la falsification. Bref, de tous les délires et du n’importe quoi.

N’en déplaise aux moralisateurs de tous poils, on peut considérer qu’il soit dangereux de ne pas vouloir faire de différence entre les foules de misérables qui se pressent à nos portes de manière anarchique, attendant une manne illusoire, et les immigrants du Nouveau Monde qui cherchaient à intégrer un pays par idéal, pour faire de son mode de vie le leur et y consacrer le meilleur d’eux-mêmes.
N’en déplaise aux ligues bien pensantes, on peut penser qu’il soit déraisonnable dans une société ouverte et prétendue “laïque”, de refuser de voir la montée de communautarismes s’exprimant par des signes faisant référence à des dogmes sectaires ou religieux de plus en plus outranciers et rétrogrades.
A ce sujet, il paraît absurde de penser qu'en interdisant le port du voile dans les lieux publics, on puisse enrayer les excès du communautarisme, notamment religieux. Tout comme il est assez vain, voire hypocrite, de battre sa coulpe au triste spectacle des immigrants faisant naufrage en tentant d'atteindre les côtes européennes.


* l'identité malheureuse. Gallimard. Paris 2013
** Le mécontemporain Gallimard. Paris 1991