L’éprouvant feuilleton médiatique qui vient d’aboutir à la mort médicalement programmée du désormais célèbre Vincent Lambert, soulève d’épineuses questions éthiques.
La complexité de la problématique incite évidemment à la prudence. Savons nous tout de cette affaire dont nous n’avons eu connaissance que de manière éloignée, partisane et probablement déformée ? Et même si nous avions eu toutes les données du problème, aurions-nous été autorisés à prendre parti sur le sort d’un malheureux, plongé dans un état second, dont la science ne connaît à peu près rien ?
A ces deux questions, la réponse ne peut être que négative...
Il est impossible toutefois de ne pas être troublé par son issue dramatique, et par les lourdes conséquences qu’elle laisse entrevoir pour nombre de malades, de blessés, de personnes en situation de grande dépendance et de vulnérabilité.
Sous contrôle médical, et de manière planifiée, on a privé un être humain de ses besoins les plus élémentaires, à savoir boire et manger jusqu’à ce que mort s’ensuive, au motif que son handicap était jugé irréversible et incompatible avec une vie “digne d’être vécue”.
Personne en la circonstance n’a employé le mot euthanasie qui était pourtant dans tous les esprits et qui qualifie le mieux cette procédure puisqu’il s’agissait bien de provoquer “une mort douce.” Certes, elle s’est avérée plus longue, plus sinueuse, et plus passive que l’injection d'un cocktail létal associant barbituriques, chlorure de potassium et curare, que certains préconisent pour achever net les malades incurables ou dans certains pays pour exécuter les peines capitales. Mais au fond, le résultat étant le même, la différence ne se mesure-t-elle pas sur l'échelle de l’hypocrisie ?
Il y a un autre faux-semblant en la matière, c’est celui qui consiste à prétendre qu’on assure à la personne concernée “une fin de vie dans la dignité”. Aucune souffrance, aucune agonie n’est indigne. En quoi l’euthanasie rendrait une dignité qu’on n’a pas perdue ? Au mieux, se donne-t-on bonne conscience face à une pratique dont il semblerait qu'on veuille conjurer le côté scabreux…
Il est cependant des cas où la question ne devrait pas se poser. Devant l’atrocité de certaines douleurs par exemple, où la priorité des soins doit être de soulager, avant même de prétendre guérir. Cette attitude concerne notamment les maladies incurables pour lesquelles les souffrances doivent être combattues, au détriment parfois de la durée de la survie. Dans un tel contexte, l’acharnement thérapeutique dont le but serait de prolonger à tout prix cette dernière pourrait même s’apparenter à de la cruauté.
Il est des situations cliniques en revanche inextricables, pour lesquelles la conduite à adopter s’avère quasi indécidable. L’état végétatif est de celles-là :
Il est bien différent du coma dépassé qui signifie la mort clinique puisque le cerveau n'est plus vascularisé et n'exprime donc plus aucune activité de manière irréversible. Il est au contraire caractérisé par la conservation de certaines fonctions placées sous la commande du cerveau, comme le démontre la réactivité du tracé électro-encéphalographique. Le patient respire spontanément, manifeste une certaine vigilance, et probablement une semi-conscience comme l'attestent les signes d'activité cérébrale objectivés lors d'examens d'Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), mais il est dans un état d'impotence motrice quasi complète et a perdu tout ou presque de ses capacités relationnelles. Point de douleur physique en revanche, point d’évolution puisqu’il s’agit d’un état stationnaire, et une inconnue terrible sur ce qui se passe vraiment dans la tête du patient. S’il paraît insensé d'entreprendre des soins très agressifs sans espoir d’inverser le cours des choses, la moindre attention n’est-elle pas de garantir un minimum de confort, ne serait-ce que par respect si ce n’est dignité de la personne humaine ?
C’est précisément ce que l’État a refusé, après moultes péripéties juridiques, à Vincent Lambert en déposant un pourvoi en cassation contre la décision de la cour d’Appel de Paris, de continuer ces soins minimaux, préconisés par le Comité International des Droits des Personnes Handicapées, de l’ONU.
Et c’est ce qui ouvre la porte à d’inquiétantes dérives. On dénombre des milliers de personnes cérébro-lésées en France, plongées dans un état proche de celui dont souffrait Vincent Lambert. Des unités spécialisées ont même été créées un peu partout dans le pays pour accueillir et procurer des soins adaptés à ces patients. Que deviendront-ils dès lors que ce précédent pourra servir de jurisprudence ? Où s’arrêtera le zèle utilitariste de notre société, remplie de bons sentiments mais également d'une froide indifférence ?
La complexité de la problématique incite évidemment à la prudence. Savons nous tout de cette affaire dont nous n’avons eu connaissance que de manière éloignée, partisane et probablement déformée ? Et même si nous avions eu toutes les données du problème, aurions-nous été autorisés à prendre parti sur le sort d’un malheureux, plongé dans un état second, dont la science ne connaît à peu près rien ?
A ces deux questions, la réponse ne peut être que négative...
Il est impossible toutefois de ne pas être troublé par son issue dramatique, et par les lourdes conséquences qu’elle laisse entrevoir pour nombre de malades, de blessés, de personnes en situation de grande dépendance et de vulnérabilité.
Sous contrôle médical, et de manière planifiée, on a privé un être humain de ses besoins les plus élémentaires, à savoir boire et manger jusqu’à ce que mort s’ensuive, au motif que son handicap était jugé irréversible et incompatible avec une vie “digne d’être vécue”.
Personne en la circonstance n’a employé le mot euthanasie qui était pourtant dans tous les esprits et qui qualifie le mieux cette procédure puisqu’il s’agissait bien de provoquer “une mort douce.” Certes, elle s’est avérée plus longue, plus sinueuse, et plus passive que l’injection d'un cocktail létal associant barbituriques, chlorure de potassium et curare, que certains préconisent pour achever net les malades incurables ou dans certains pays pour exécuter les peines capitales. Mais au fond, le résultat étant le même, la différence ne se mesure-t-elle pas sur l'échelle de l’hypocrisie ?
Il y a un autre faux-semblant en la matière, c’est celui qui consiste à prétendre qu’on assure à la personne concernée “une fin de vie dans la dignité”. Aucune souffrance, aucune agonie n’est indigne. En quoi l’euthanasie rendrait une dignité qu’on n’a pas perdue ? Au mieux, se donne-t-on bonne conscience face à une pratique dont il semblerait qu'on veuille conjurer le côté scabreux…
Il est cependant des cas où la question ne devrait pas se poser. Devant l’atrocité de certaines douleurs par exemple, où la priorité des soins doit être de soulager, avant même de prétendre guérir. Cette attitude concerne notamment les maladies incurables pour lesquelles les souffrances doivent être combattues, au détriment parfois de la durée de la survie. Dans un tel contexte, l’acharnement thérapeutique dont le but serait de prolonger à tout prix cette dernière pourrait même s’apparenter à de la cruauté.
Il est des situations cliniques en revanche inextricables, pour lesquelles la conduite à adopter s’avère quasi indécidable. L’état végétatif est de celles-là :
Il est bien différent du coma dépassé qui signifie la mort clinique puisque le cerveau n'est plus vascularisé et n'exprime donc plus aucune activité de manière irréversible. Il est au contraire caractérisé par la conservation de certaines fonctions placées sous la commande du cerveau, comme le démontre la réactivité du tracé électro-encéphalographique. Le patient respire spontanément, manifeste une certaine vigilance, et probablement une semi-conscience comme l'attestent les signes d'activité cérébrale objectivés lors d'examens d'Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), mais il est dans un état d'impotence motrice quasi complète et a perdu tout ou presque de ses capacités relationnelles. Point de douleur physique en revanche, point d’évolution puisqu’il s’agit d’un état stationnaire, et une inconnue terrible sur ce qui se passe vraiment dans la tête du patient. S’il paraît insensé d'entreprendre des soins très agressifs sans espoir d’inverser le cours des choses, la moindre attention n’est-elle pas de garantir un minimum de confort, ne serait-ce que par respect si ce n’est dignité de la personne humaine ?
C’est précisément ce que l’État a refusé, après moultes péripéties juridiques, à Vincent Lambert en déposant un pourvoi en cassation contre la décision de la cour d’Appel de Paris, de continuer ces soins minimaux, préconisés par le Comité International des Droits des Personnes Handicapées, de l’ONU.
Et c’est ce qui ouvre la porte à d’inquiétantes dérives. On dénombre des milliers de personnes cérébro-lésées en France, plongées dans un état proche de celui dont souffrait Vincent Lambert. Des unités spécialisées ont même été créées un peu partout dans le pays pour accueillir et procurer des soins adaptés à ces patients. Que deviendront-ils dès lors que ce précédent pourra servir de jurisprudence ? Où s’arrêtera le zèle utilitariste de notre société, remplie de bons sentiments mais également d'une froide indifférence ?