Il faut dire que ce n'est pas facile d'avoir à se déjuger en affirmant exactement le contraire de ce qu'on clamait haut et fort peu de temps auparavant.
A croire l'ancien ministre du Budget, pour pallier les effets néfastes d'un système bancal et incroyablement pervers qui impose une norme salariale inférieure aux largesses accordées aux personnes sans travail, on ne fait donc rien d'autre que lui coller une rustine légale supplémentaire compliquant encore un peu les choses et grevant le budget de l'Etat. Magnifique logique que n'aurait pas désavouée le Savant Cosinus.
Rien ne permet d'affirmer à ce jour que cette nouvelle allocation sociale soit plus efficace que les innombrables dispositifs ingénieux et bien intentionnés issus de l'imagination fertile des bureaucrates de l'Etat-Providence. Un fait est sûr : elle coûtera cher, et comme d'habitude, probablement plus que prévu.
Une fois encore, les leçons de Frédéric Bastiat sur « ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas » devraient s'imposer à nos dirigeants. On se souvient de la fameuse parabole du carreau cassé qui décrit si bien cette problématique universelle. Je préfère toutefois citer ici les propos sombres mais prémonitoires que le grand économiste libéral tenait à son ami Courdroy le 2 février 1848, trois semaines avant la révolution qui vit la monarchie de Juillet partir en capilotade : « Depuis dix ans, de fausses doctrines, fort en vogue, nourrissent les classes laborieuses d’absurdes illusions. Elles sont maintenant convaincues que l’Etat est obligé de donner du pain, du travail, de l’instruction à tout le monde. Le gouvernement provisoire en a fait la promesse solennelle ; il sera donc contraint de renforcer tous les impôts pour essayer de tenir cette promesse, et, malgré cela, il ne la tiendra pas. Je n’ai pas besoin de te dire l’avenir que cela nous prépare…».
Au moment où la France s'enfonce dans le marasme économique, Sarkozy qui se targuait pour l'en sauver, de franchir le Rubicon des idées reçues, s'arrête avant même le milieu du gué, ne sachant plus vers quelle rive aller. Calamiteuse hésitation surtout s'il s'inspire du funeste Guizot qui face au libéralisme se comporta comme l'âne de Buridan, s'il écoute une épouse richissime qui a le coeur sur la main mais ignore totalement le monde réel à la manière de Marie-Antoinette, ou bien des conseillers experts en oeuvres de bienfaisance et pétris de bonnes intentions, mais persuadés qu'il n'est de richesses que d'Etat ! Le pire est que les sondages, de nouveau en ascension, l'encouragent à abandonner la proie pour l'ombre...