28 août 2025

Pour Boualem Sansal 4

Pour conclure la séquence consacrée à Boualem Sansal, quelques mots s’imposent au sujet de son ultime ouvrage, publié avant son incarcération.
Il serait sans doute excessif de comparer cet essai en forme de plaidoyer, à la fameuse “Défense et Illustration de la Langue Française” que le poète Joachim du Bellay écrivit à l’époque de la Renaissance, mais après tout l’enjeu est comparable. La question est de savoir s’il existe encore un espoir de redonner vie à une langue sur le déclin, que certains politiciens captieux ont déjà enterrée, au profit d’une “créolisation” ?
Il est clair que Boualem Sansal, considère l’appauvrissement de la langue qui lui est si chère, comme un fait relevant de l’évidence. Mais loin d’une jolie terminologie exotique il voit plutôt l’émergence d’un baragouin associant« le globish de quincaillier, mortel avec l’accent franchouillard, le wesh-wesh des quartiers qui se parle droit dans les yeux, l’index levé sur le ton de la harangue, la langue inclusive qui exclut tout, n’inclut rien et au final éteint la vie dans le confusionnisme. »

Celui qui se définit comme “un écrivain francophone à la retraite en recherche d’une vraie espérance”, part évidemment d’un constat assez pessimiste, selon lequel “la France n’est plus la France ni des Lumières, ni des Trente Glorieuses, celle du Général prédestiné, ou même de Mitterrand qui gardait le goût de la grande littérature française, mais celle des ennemis de la France et de son peuple.”
Il déplore le mépris grandissant pour “une langue qui fut celle de la puissance, de la liberté, de la beauté, de la connaissance, de la diplomatie, de la Révolution universelle, de la séduction, de l’art de vivre dans la légèreté.”

L’époque serait donc rien moins que climatérique car « Il n’y a de peuple que dans une culture et une langue, de culture et de langue que dans la liberté, de liberté que dans le courage et l’honneur, de courage et d’honneur que dans l’amour de son pays et des siens. La rupture de la chaîne signifie la mort du peuple et la dislocation du pays ».
D’où la nécessité pour lui d’exhorter sa seconde patrie à faire du français “une cause nationale, une affaire de sécurité nationale, une question de toute première importance, de vie et de mort. C’est par la langue que les peuples pèchent et meurent, c’est par elle qu’ils vivent et prospèrent.”
Il rappelle à cette occasion que notre langue n’est plus le domaine exclusif de la France, qu’il s’agit en quelque sorte d’une cause dépassant largement le cadre étroit de l’hexagone et il appelle tous ceux qui pratiquent le français à se rassembler : “Je trouve injuste que nous, Francophones assidus, n’avons pas droit de regard sur l’évolution de la langue française. Nous sommes pourtant cinq fois plus nombreux que les Français de souche, est-ce juste ? Un jour, nous serons fondés de (sic) créer notre propre Église, l’Académie Francophone Intercontinentale, dans laquelle les Français seront certes admis mais comme vestiges d’une époque révolue.”

On peut évidemment se demander si les propos de Sansal ne viennent pas un peu tard, si ses espérances ne sont pas hélas utopiques vu la domination écrasante de l’anglais. Il n’a certes pas tort lorsqu’il souligne que “les grands empires qui ont fait l’histoire ont disparu de la sorte, dans le mélange des genres, le dérèglement des sens et le pourrissement des âmes.” Mais la mondialisation est devenue un fait incontournable et on ne voit pas bien ce qui pourrait redonner du lustre et de l’autorité à l’esprit français tel qu’il régna autrefois.

Même s’il peut apparaître désespéré, le combat de Boualem Sansal a quelque chose de grandiose. Si certains peuvent voir l’écrivain comme un perdant magnifique, un égaré “venu trop tard dans un monde trop vieux” pour reprendre le fameux mot de Musset, voire un traître à la cause pour les plus radicaux, nul ne peut nier son courage.
Très seul hélas, il est un brillant trait d'union entre l'Algérie et la France, lumineux, éclairant, sincère, iconoclaste, érudit (on ne relève dans son ouvrage qu’une seule erreur factuelle : il attribue la saga d'Astérix et Obélix au dessinateur belge Hergé ! )
Il incarne, en tant qu’intellectuel, une chance, un espoir pour les deux pays, frères ennemis, de voir un jour réconciliés leurs destins croisés. Hélas, l'actualité donne à penser que ce jour est très lointain. De plus en plus lointain même tant il y a de haine revancharde recuite d'un côté de la Méditerranée, et d’indifférence dédaigneuse, bardée d'obséquiosité hypocrite de l'autre.

Dans un dernier chapitre intitulé de manière prémonitoire “en guise d’adieu”, Sansal résume sa pensée sous forme d’un petit décalogue humble mais sarcastique destiné aux parents des générations futures :
“Ton enfant tu aimeras et éduqueras
Lire, écrire et compter devra
Mémoriser apprendra et n’oubliera.
Dans la littérature tu le pousseras
« Bon vent », lui diras lorsqu’il prendra son envol
Ainsi le monde a vécu, survécu et survivra
Ton enfant n’en sera pas le fossoyeur
Ni toi son éducateur le coupable
Mais le ministre par ignorance crasse
Et le bouffon du roi par pauvreté d’esprit de son maître.”

Ainsi donc Boualem Sansal peut légitimement figurer au rang des imprécateurs et des lanceurs d’alerte. Mais il y a incontestablement une certaine naïveté dans son discours à l’instar de sa “Lettre d'amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre” parue en 2021. Il a payé cher ses opinions. Qu’adviendra-t-il de son message et de sa personne ? Quand cessera-t-on dans ce bas monde de censurer et d'emprisonner des gens pour délit d'opinion ?
Il faut imaginer ne serait-ce qu'un seul instant, à la manière de John Lennon, que l’avenir appartienne un jour aux rêveurs…

23 août 2025

Pour Boualem Sansal 3

2084 : la fin du monde

Sous ce titre catastrophiste, Boualem Sansal propose une fiction futuriste très sombre, qu’on pourrait évidemment placer dans le sillage du fameux 1984 de George Orwell.
A ceci près que le monde terriblement organisé, quadrillé, inquisiteur, qu’il décrit n’est pas le fruit d’une robotisation extrême au service d’un état bureaucratique centralisé imposant un matérialisme sans foi.
C’est au contraire un pouvoir se réclamant exclusivement de Dieu, entièrement dévoué à son culte, se targuant de connaître la volonté de ce dernier et s’arrogeant le droit d’y assujettir de gré ou de force tout être humain.
En l’occurrence, Dieu a pour nom Yölah, et son messager s’appelle Abi.
Nul ne sait trop comment ni quand s’est établie cette théocratie pour la bonne et simple raison qu’elle a tout mis en œuvre pour tenter de rayer le passé des esprits. Ainsi est décrite sa genèse, dans un lointain indéterminé: “un autre monde était né, dans une terre purifiée, consacrée à la vérité, sous le regard de Dieu et d’Abi, il fallait tout renommer, tout réécrire, de sorte que la vie nouvelle ne soit d’aucune manière entachée par l’Histoire passée désormais caduque, effacée comme n’ayant jamais existé.”

A l’issue d’un long séjour en sanatorium pour soigner une tuberculose, le jeune Ati éprouve comme une seconde naissance et entreprend un long parcours spirituel pour tenter de percer les arcanes de cet Abistan étrange dans lequel il se trouve brutalement plongé.
Au début, il est presque émerveillé par le bonheur apparent et la sérénité de ses habitants. Tout semble harmonieux sous la lumière de Yölah. Chacun communie dans l’écho de ses commandements, répercuté à l’infini par les porte-voix de ses zélateurs dévoués. Partout l’on entend les mêmes préceptes, les mêmes formules magiques : « Yölah est juste », « Yölah est patient », « Yölah est grand », « Abi te soutient », « Abi est avec toi »... Partout, on récite avec ardeur les odes écrites de la main d’Abi.

Mais peu à peu, se fait jour une autre réalité, savamment cachée derrière les apophtegmes emphatiques. Si la patience est certes “l’autre nom de la foi”, Ati comprend au détour de quelques propos distillés par des sages de rencontre que ce sont surtout l’obéissance et la soumission, qui font “le bon croyant”.
En poussant ses investigations, il découvre que l’Appareil du Pouvoir, constitué d’innombrables instances d’endoctrinement et de contrôle, peut amener ses assujettis à “adorer la soumission jusqu’à la folie”, ce qui signifie être esclave sans avoir conscience de l’être. Tout s’éclaire alors pour le jeune pèlerin avide d’explication: “la liberté était là, dans la perception que nous ne sommes pas libres mais que nous possédons le pouvoir de nous battre jusqu’à la mort pour l’être.”

Dans la foulée, la mécanique infâme d’un système totalitaire, prétendument de droit divin, se démasque dans toute son horreur. Ati effaré “fait la perturbante découverte que la religion peut se bâtir sur le contraire de la vérité et devenir de ce fait la gardienne acharnée du mensonge originel.”
Il mesure la perversité d’un Appareil d'Etat qui va “jusqu'à s’inventer de faux ennemis qu’il s’épuise ensuite à dénicher pour, au bout du compte, éliminer ses propres amis”.
Il comprend enfin qu’à l’instar du système politique de l’Angsoc, décrit par George Orwell, tout repose sur le mensonge. Aux trois principes de base “La guerre c’est la paix”, “La liberté c’est l’esclavage”, “L’ignorance c’est la force”, les féaux de Dieu en ont ajouté trois autres : “La mort c’est la vie”, “Le mensonge c’est la vérité”, “La logique c’est l’absurde”. C’est donc ça l’Abistan, le règne du non sens et de l'arbitraire, une vraie folie.

C’est en définitive le message essentiel de ce roman fascinant et bien écrit, souffrant toutefois d’une ambiance un peu trop fantasmagorique et d’un certain manque d’incarnation des personnages, notamment du héros : sans la liberté de parole et de pensée et sans la connaissance du passé, il n’est plus de vérité ni de raison qui vaille.
La politique de la tabula rasa détruit les acquis du passé, annihile l’esprit critique et toute initiative individuelle.
On pense bien sûr à Orwell mais également à Koestler ou Ayn Rand qui furent parmi les romanciers les plus clairvoyants pour révéler la monstruosité des totalitarismes païens..
Quel que soit le modus vivendi, le résultat est le même.
Ici, l’allusion religieuse est limpide et il faudrait être aveugle pour ne pas voir les ressemblances entre Yölah et un autre dieu dont l’absolutisme s’étend de manière inquiétante à la faveur d’un prosélytisme relevant de plus en plus du sectarisme pour ne pas dire du fanatisme. A chacun d’en tirer les conclusions qui s’imposent car si le pire n’est jamais certain, la liberté n’est jamais définitivement acquise…

21 août 2025

Pour Boualem Sansal 2

Poste restante : Alger.

Sous-titré “Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes”, cet ouvrage est une supplique adressée au peuple algérien afin qu’il prenne conscience de son infortune mais aussi de ses atouts et qu’il trouve la force de construire un avenir plus ouvert et souriant à la hauteur de ce qu’il mérite.
Et ça commence par une description apologétique de l’Algérie, qui selon l’auteur, est bien autre chose que ce à quoi on la réduit souvent : “elle est là, au cœur du monde, c’est un grand et beau pays, riche de tout et de trop, et son histoire a de quoi donner à réfléchir : mille peuples l’ont habitée et autant de langues et de coutumes, elle a bu aux trois religions et fréquenté de grandes civilisations, la numide, la judaïque, la carthaginoise, la romaine, la byzantine, l’arabe, l’ottomane, la française…”

Fort de cette image et de ce passé, le peuple algérien a dans ses fibres et dans sa culture, quelque chose d’universel : “il est arabe, cela est vrai, mes frères, à la condition de retirer du compte les Berbères (Kabyles, Chaoui, Mozabites, Touareg, etc., soit 80 % de la population) et les naturalisés de l’Histoire (mozarabes, juifs, pieds-noirs, Turcs, coulouglis, Africains… soit 2 à 4 %). Les 16 à 18 % restants sont des Arabes, personne ne le conteste.”
S’agissant du fait religieux, si l’islam domine, Sansal insiste sur la nécessaire tolérance et l’ouverture d’esprit car “affirmer solennellement, et de manière bruyante, que le peuple algérien est musulman revient à dire : Qui n’est pas musulman n’est pas des nôtres. Or, on ne peut oublier cette fatalité : tout croyant trouvera sur sa route plus croyant que lui. Si de l’étincelle ne jaillit point la lumière, alors le feu ira à la poudre.”
Quant à la langue, il souligne que “ si l’arabe classique est langue officielle, c’est vrai, elle n’est pas maternelle, pour personne.”
Après avoir rappelé que “l’arabe classique s’enseignait tranquillement dans les écoles coraniques et les medersa, et très officiellement dans les lycées appelés franco-musulmans, qui [...] ont produit de très fins lettrés”, il regrette l’arabisation à marche forcée qui selon lui n’ouvre aujourd’hui que les portes de la mosquée. Quant à l’arabe dialectal dit pataouète, il n’a de rôle que anecdotique, et sera toujours impuissant à porter l’expression de l’unité nationale. En définitive, Sansal affirme en substance que le français était la meilleure chance d’ouverture au monde, rappelant l’apostrophe arrogante du “grand écrivain” Kateb Yacine : « Le français est à nous, c’est un butin de guerre. »

Boualem Sansal évoque à maintes reprises l’histoire de l’Algérie, en s'attachant tout particulièrement à commenter celle des dernières décennies.
Même si “la guerre de libération” menant à l’indépendance est pour lui un marqueur fondateur, il ne raye pas d’un trait de plume ce qu’apporta à son pays la France. Il cite même, non sans un peu de provocation Ferhat Abbas, premier président du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), lorsqu’il affirma que “la nation algérienne est née avec la colonisation”, idée d’ailleurs reprise par le "grand historien et ancien intellectuel du FLN", Mohamed Harbi, qui écrivit “qu’en vérité, notre modernité a commencé avec la colonisation”.
Le règne du FLN qui s’installa au départ des Français ferma hélas la porte au renouveau espéré. “Le peuple n’eut pas le temps de poser son barda qu’il fut dépossédé de sa guerre, de sa gloire, de ses souffrances, de ses sacrifices, donc de sa liberté chèrement payée”.

Un nouvel espoir se fit jour en octobre 1988 “ce mois fabuleux, ces jours électriques, ces heures vertigineuses où tout paraissait possible : renverser la dictature du parti unique, le FLN, chasser le tyran de son fauteuil, prendre notre destin en main, nous ouvrir au monde”.
Hélas, “le rêve a duré cinq jours, pas un de plus”…
Il y eut certes l’embellie apportée par Mohamed Boudiaf, à la mémoire duquel l’auteur a dédié sa Lettre. Président de l’Algérie de janvier à juin 1992, “le preux, l’innocent qui a cru que le pandémonium céderait devant la sainteté” fut assassiné à Annaba le 28 juin 1992 par un officier de la garde présidentielle.
S'ensuivit une atroce guerre civile (1992-1999) : “deux cent mille morts, des dégâts incalculables, quatre coups d’État, du remue-ménage dans le sérail, le tout accompagné d’un pillage systématique du pays.”

Puis, pour finir, le “référendum pour la réconciliation et la paix” du 29 septembre 2005, qui tourna hélas à la mascarade : “Ce jour, nos voix ont été réquisitionnées pour amnistier ceux qui, dix années durant et jusqu’à ce jour, nous ont infligé des douleurs à faire pâlir de jalousie Satan et son armée infernale”.
Une fois encore la perspective de jours plus heureux a fait long feu, “et voilà qu’aujourd’hui, nous en sommes là, hagards et démunis, immobiles et penauds, n’ayant plus rien à renier ou à aimer…”
Puisqu’il faut garder une lueur d’espoir, Sansal veut encore croire qu'un meilleur avenir soit possible pour son pays. Il imagine et souhaite "qu’en application du référendum de 2005, le peuple parvienne un jour à obtenir enfin un programme de développement économique et social qui soit vrai, la tenue urgente d’élections générales anticipées sous l’égide de l’ONU, la réécriture de l’Histoire en insistant sur ses points négatifs, l’envoi du FLN au musée, la réhabilitation pleine et entière des victimes du terrorisme…”

18 août 2025

Pour Boualem Sansal 1

La faiblesse avec laquelle la France a réagi à l'innommable emprisonnement en Algérie de Boualem Sansal relève de l'abjection. Comment qualifier autrement l'apathie de notre pays face à ce qu'il faut bien considérer comme une injustice flagrante, un acte arbitraire manifeste, et vis-à-vis de notre pays comme un camouflet ou pire, comme un crachat jeté au visage ?
La mesure de la réaction française fut donnée par Emmanuel Macron, qui pour toute sanction se borna à déclarer le 6 janvier 2025, que par cet acte, l'Algérie “entre dans une histoire qui la déshonore…”
Le même qui affirmait en évoquant la menace russe, qu’il fallait être craint pour être libre, s’aplatit comme une limande face au tyranneau méditerranéen qui le nargue.
Cela signifie en effet, de la part de notre gouvernement, l’abandon pur et simple d'un écrivain, francophone de surcroît, dont la respectabilité tient au nombre de prix qu’il reçut pour ses œuvres et à qui fut accordée la nationalité française en hommage à son talent, à la hauteur de sa pensée et en reconnaissance de l’amour immense, qu’il a maintes fois clamé, pour la France.

Aujourd'hui, il est traité plus bas que terre par le pays qui l'a vu naître, et considéré comme insignifiant par celui qui l'avait adopté, occulté même par ceux qui le couvraient il y a peu, d’honneurs et de louanges. Son triste sort révèle la nature totalitaire de l’Algérie, mais aussi la bassesse affligeante de politiciens au courage de poltrons et au cœur de caillou. Prolixes en discours emphatiques, ils s'enfuient devant l'obstacle, inscrivant par leur lâcheté une honte inextinguible au fronton de notre république déjà décatie. Près d’un an après son incarcération scandaleuse, Boualem Sansal est quasi oublié. Deviendra-t-il une énième victime de l’interminable tragédie franco-algérienne ?

Il est vrai que l’écrivain s’est souvent fait imprécateur, ne lésinant pas sur les provocations. Les médias ont largement relaté les critiques acerbes qu’il adressait régulièrement aux dirigeants de son pays et même aux nôtres, n’hésitant pas à affirmer haut et fort à maintes reprises au sujet de l'État algérien qu’il s’est constitué en oligarchie mafieuse qui se développe avec la protection de la France.
Son retour en Algérie après avoir émis d’aussi lourdes accusations, peut faire dire à certains qu’il s’est en toute connaissance de cause jeté dans la gueule du loup.
Mais pour sévères et téméraires qu’ils fussent, ses propos ne méritaient sûrement pas la mise au cachot et s’il est permis de voir quelque chose de positif dans son emprisonnement, c’est qu’il prouve en quelque sorte qu’il avait raison. On peut en l’occurrence penser au drame vécu en d’autres temps et en d’autres lieux mais pour des raisons comparables par Soljenitsyne.

Je ne connaissais l'homme que de réputation et pour ce que j'en avais vu lors d'émissions et d'interviews télévisées.
Je me suis empressé, avec certes un peu de retard, de plonger dans sa littérature, m'enrichissant de la lecture de trois de ses nombreux ouvrages : Poste restante : Alger (2006), 2084, la fin du monde (2015) et le dernier en date : Le français, parlons-en (2024).
Ces livres apportent un éclairage original sur quelques-unes des problématiques très prégnantes dans l'expression de sa pensée. Pour ce faire, l’auteur a fait appel à trois genres différents : lettre ouverte pour le premier, roman pour le second, essai pour le troisième. Et pour nourrir la réflexion, il a mis trois sujets brûlants sur le métier. En premier lieu, le mal endémique et en apparence incurable qui ronge l’Algérie depuis des décennies. Suit une réflexion sur l’absolutisme d’une religion conquérante, écrasant tout dans son extension, notamment la liberté, la faculté de critiquer et l'esprit des lumières. Et pour finir, le questionnement sur l'essence de la langue française et son positionnement actuel et futur de part et d'autre de la Méditerranée.

13 août 2025

La France fort molle

Nous sommes dans un pays où un bon tiers des gens sont pour tout ce qui est contre, un autre tiers contre tout ce qui est pour, et au milieu, ceux qui ne sont ni pour ni contre, bien au contraire…
Comment peut-on gouverner un tel peuple ? Surtout avec des dirigeants motivés avant tout par la démagogie et attachés plus que tout à la douce sinécure prodiguée à vie par la haute fonction publique. Le changement c'est maintenant, à condition que rien ne change...

La silhouette bedonnante du premier ministre et la flaccidité de sa gestuelle sont à l’image de la politique actuelle, et un véritable éloge, sui generis, de la lenteur et de la nonchalance.
Engluée dans un micmac politique sans issue, la France depuis bon nombre d’années n'avançait plus guère. Peu importe à François Bayrou qui annonce benoîtement qu’il va couper les derniers moteurs.

L’année blanche est l'ultime trouvaille technocratique proposée en lieu et place d’action et de réforme. C’est en quelque sorte l’arrêt du train en rase campagne. Certes, on réduit (un peu) dépenses et consommation, mais le convoi ne bouge plus du tout. Dieu sait quand et comment le faire redémarrer…

Derrière le sempiternel refrain sur “l’effort nécessaire et partagé”, on voit à nouveau poindre à l’horizon les augmentations d’impôts tous azimuts et la baisse du pouvoir d’achat.
La liste des grignotages et rabotages annoncés n’est pas exhaustive, ni définitive :
Non revalorisation des indices, conduisant au blocage des salaires de la fonction publique, des pensions de retraites, et de nombre de prestations (sauf sans doute les fameux minima sociaux).
Dans le même temps, se profile le gel du barème fiscal indexé sur l’inflation, ce qui induit, de facto, une hausse mécanique de l'imposition directe. C’est la double peine pour les retraités qui apprennent la suppression prochaine de l'abattement de 10%, dans leur déclaration de revenus.
Les gens fortunés, s'il y en a encore, vont se voir frappés d’un nouveau super impôt sur la fortune, et le commun des mortels devra faire face à un doublement des franchises non remboursables sur les médicaments et les consultations médicales.

De vraies réformes, il n’en est évidemment pas question. D’économies substantielles sur les dépenses de l’Etat, pas davantage. D'action concrète pour redonner du goût au travail, pour doper les entreprises, la productivité, la compétitivité, l'esprit d'initiative, que nenni. On se borne à envisager le gadget consistant à supprimer 2 jours fériés. L’inconsistant M. Raffarin avait déjà fait le coup avec le lundi de Pentecôte, avec le résultat qu’on connaît. Mettre sur pied le monstre bureaucratique de la réduction du temps de travail (RTT) afin d'offrir du temps pour les loisirs, tout en rognant sur les jours fériés, il n’y a sans doute qu’en France qu'on ose faire ça. Père Ubu aurait sans doute apprécié.

Avec ce type d’expédients, M. Bayrou espère alléger de 43,8 millions d’euros le budget du pays (et peut-être pouvoir rester vissé à son siège doré encore quelque temps).
Dans le même temps, on apprend par la bouche du Premier Ministre lui-même que la dette faramineuse de l’Etat s’élève à 3400 milliards d’euros, s’accroissant de plus de 5000€ par seconde, soit 40 milliards pour le seul premier trimestre 2025. Mais qui tient la bourse, ouverte à tous vents, si ce n’est lui, nos chers élus, et le Président de la République, adepte comme on sait du “quoi qu'il en coûte” ? Tandis qu’on tente de serrer un peu plus la ceinture du contribuable, le chef de l'Etat annonce 65 milliards de dépenses militaires nouvelles !
Cerise sur ce très onéreux gâteau, il justifie ces débours par la nécessité, pour rester libres, d’être craint, eu égard aux menaces extérieures grandissantes. Nul doute qu’on doit beaucoup rire en Russie, en Iran, en Algérie et ailleurs. Comme on rit dans nombre de cités françaises où la rébellion se propage à la faveur de l’aplatissement de la puissance étatique, la vraie, celle supposée garantir la sécurité…

Pendant ce temps, le Conseil Constitutionnel semble prendre plaisir, au nom des textes sacrés de la république, à étouffer les derniers soubresauts d’un pouvoir à l’agonie. Se fondant sur les vœux pieux d’une foireuse Charte de l’Environnement (merci Chirac), il outrepasse sans vergogne ses prérogatives, et entérine crapuleusement le non sens d’une pétition moutonnière et passionnelle et l’absurdité de sur-transpositions réglementaires mortifères pour le monde agricole. Dans cette logique folle, on en songe désormais à interdire l’importation de fruits et légumes produits à l’aide de l’acétamipride, dont les normes d’utilisation viennent d’être justement d’être assouplies par la Communauté Européenne. C’est à désespérer…



04 août 2025

La France folle


Plus on est de fous, plus on rit, dit-on. Mais les folies auxquelles on assiste de nos jours relèvent davantage du tragique que du comique, si tout cela avait encore un sens bien sûr. 

Notre Président d'on ne sait plus trop quoi (de la rienpublique peut-être) s'est levé un beau matin avec la volonté de reconnaître l'État de Palestine. Ça le travaillait depuis quelque temps. Quand on n'est plus reconnu chez soi, autant voir ailleurs. 

En l'occurrence, dans la poudrière palestinienne, il n'y a pas le début d'une esquisse d'état. Résumons la situation : deux entités que rien ne réunit hormis une féroce inimitié réciproque. L'une, Gaza, n'en finit pas d’agoniser sous la férule d'une organisation terroriste sanguinaire. L'autre, Cisjordanie pour les uns, Judée Samarie pour les autres, s'asphyxie dans l'ombre inamovible d'un vieillard aussi inopérant que tyrannique. Reconnaître un tel état revient à pérenniser le désastre. 

Là ne s'arrête pas hélas le grotesque. Faute de pouvoir aider à résoudre un interminable conflit, on fait assaut de bons sentiments et de cagoterie. On largue par avion des vivres sur la tête des malheureux, à l’heure où des cargaisons entières d’aide alimentaire pourrissent au soleil, faute de pouvoir être distribuées, ni par les pseudo organisations palestiniennes, ni par l'ONU. 

Au même moment, les brutes de ce qui reste du Hamas prennent plaisir à exhiber les otages encore vivants mais décharnés, en un spectacle immonde.

Tout en condamnant “une inhumanité sans limite”, M. Macron, dans un bel élan de générosité, donne asile en France à des enragés se recommandant de Hitler et du Hamas réunis, exhortant à tuer des juifs ! Une honte absolue.


Pendant ce temps, les affaires continuent si l'on peut dire. Sous la houlette d'Ursula Von der Leyen les négociations de l'Europe avec Donald Trump sur les droits de douane ont conduit au modus vivendi de 15%. Les dirigeants français et leurs affidés, qui n'en sont plus à une hypocrisie près, font semblant de s'insurger. C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! La France, pays le plus taxeur du monde devrait balayer devant chez elle. Rien qu'en TVA, c'est 20% qu'elle impose (entre autres) aux produits made in US. Mais il faudrait ajouter à cela les vrais droits de douane, les taxes sur les GAFAM, le racket fiscal sur les blockbusters américains et quantité d'autres mesures protectionnistes (ukases ubuesques sur les importations de viande bovine, de volailles, d'OGM...)

L'harmonisation fiscale à la Trump n'est en somme qu'une réponse du berger à la bergère. Encore devrions-nous nous estimer heureux de n'avoir "que" 15% grâce à la mal aimée Ursula (que nos satrapes s'étaient empressés de reconduire dans ses fonctions, il y a quelques mois )...


Du côté de l'écologie, l'inconséquence et l'irresponsabilité atteignent des sommets. La pétition contre la loi Duplomb est de ce point de vue un Himalaya. Plus de 2 millions de signataires pour tenter de maintenir un carcan réglementaire aussi absurde que suicidaire. Hormis quelques médecins oncologues courageux qui plaident pour un retour à la raison, rien ne semble en mesure d'arrêter la course folle des moutons à oeillières. Même l’Ordre des Médecins s’y met…

L'agriculture française sera-t-elle sacrifiée sur l'autel de l'ignorance doctrinaire ?

Pourquoi pas, car tout devient possible au royaume des fous. 

Après les laboratoires pharmaceutiques, étranglés par un contrôle étatique ubuesque des prix, qui boudent la France, Ryanair ferme des lignes, ne pouvant plus maintenir leur rentabilité suite à l'augmentation incessante des taxes sur les billets d'avion. 

Le marché automobile se casse la figure, empêtré dans des réglementations de plus en plus délirantes

Enfin, pour résultat des taxes punitives et des lois de plus en plus coercitives, le marché des résidences secondaires s’effondre de 20% sur le premier semestre 2025.

Cela dit, tout va très bien, madame la marquise. On déplore juste un tout petit rien, une inoffensive pitrerie, émanant du site web de l'Elysée : les larmes de crocodile versées par Emmanuel Macron, pris de nostalgie au souvenir des derniers jeux olympiques....

31 juillet 2025

A un ami parti

 


Lorsqu’on parvient au faîte de la vie
On voit d’un côté les jours du passé
Vaste étendue floue de mélancolie
De l’autre, le temps soudain fracassé

Lorsque s’éteint une présence amie On regrette d’avoir trop peu pensé
A elle avant de la voir endormie
Car nul ne saurait être remplacé

Et dans l’incommensurable silence Qui vient envahir cette triste absence
Surgit l’angoisse du vide et du noir

Pourtant, même de la pire amertume Naît une grâce, et quand tout se consume
S’élève envers et contre tout, l’Espoir


12 juillet 2025

Chestov, augure inspiré 2

Non content de nier la réalité, d'être l'ennemi de la liberté sous toutes ses formes, et de se complaire dans une paresse idéologique, le rendant inapte à tout sauf à berner les gogos, le bolchévisme est selon Chestov une tyrannie des plus bornées et rétrogrades. Il emprunte ce qu'il y a de pire dans tous les fléaux totalitaires qui ont marqué de leur funeste empreinte l'histoire de l'Humanité :

Révolution dans les principes mais conservatisme dans le centralisme étatique
Chestov affirme que si le Bolchévisme se prétend progressiste en idées, c'est “un mouvement profondément réactionnaire qui a décidé de rester fidèle entièrement et complètement aux errements de la vieille bureaucratie russe.”
“Les Bolcheviks sont convaincus que quiconque n’est pas fonctionnaire est dangereux pour l’État et persécutent de toutes façons ceux qui ne sont pas à son service : on les accable de contributions, on les prive de cartes d’alimentation, on les mobilise pour l’armée, etc.”

Un impérialisme dévastateur
Même après la faillite de leur politique, les Bolchéviks idéologues possèdent encore, dit Chestov, un argument : le dernier. « Oui, disent-ils, nous n’avons rien pu donner aux ouvriers et paysans russes, et nous avons ruiné la Russie. Mais il ne pouvait en être autrement. La Russie est un pays trop arriéré, les Russes sont trop incultes pour adopter nos idées. Mais il ne s’agit ni de la Russie ni des Russes. Notre tâche est plus large : nous devons faire sauter l’Occident, détruire l’esprit petit bourgeois de l’Europe et de l’Amérique, et nous entretiendrons l’incendie en Russie jusqu’au moment où le feu aura embrasé nos voisins et de là sera répandu sur l’univers tout entier. C’est là notre plus haute tâche, c’est là notre rêve suprême. Nous donnerons à l’Europe des idées. L’Europe nous donnera sa technique, son savoir-faire, son don d’organisation, etc…”
“En Russie, les hommes très jeunes mais pas très intelligents prédisent avec assurance que le bolchévisme se répandra à travers le monde entier.”

Un totalitarisme fait pour durer
Chestov n'avait guère de doute quant à l'irréversibilité du régime qui se mettait en place sous ses yeux dans la violence. Selon lui, dès le début de la révolution, “pour quiconque était tant soit peu clairvoyant, apparurent d'un seul coup l’essence même du bolchévisme et son avenir.”
"Ceux qui étaient un peu plus âgés ou un peu plus intelligents se trompaient toujours dans leurs prévisions. Ils croyaient que la Russie ne resterait pas longtemps sous la domination des Bolchéviks, que le peuple se soulèverait, qu’à la première apparition d’une armée plus ou moins organisée les armées bolchévistes fondraient comme la neige au soleil. La réalité a démenti les prévisions des hommes intelligents et expérimentés.”
Sans illusion, Chestov achève toutefois son analyse sur des questions, peut-être ouvertes sur une confuse espérance :
“Combien de temps peut-on vivre ainsi ? Combien de temps la Russie peut-elle nourrir les Bolchéviks ? Je ne saurais le dire. Peut-être le degré de patience et la capacité de soumission de notre patrie tromperont-t-ils tous nos calculs…”

Il fallut 70 ans pour que ce cauchemar cesse enfin. Hélas, l'illusion du socialisme n'a pas pour autant quitté les esprits. Après d'innombrables expériences, toutes aussi calamiteuses, causant massacres, servitude et paupérisation, le mythe égalitariste est toujours vivace. Lorsqu'on entend M. Mélenchon et ses acolytes, mais aussi les Écologistes doctrinaires et tous ceux qui osent encore se réclamer du socialisme, on croit entendre les échos lugubres du drame qu'évoquait en Russie il y a plus d'un siècle Léon Chestov…

Le bolchévisme comme expression, parmi d'autres, de la folie des hommes
Évoquant le désastre de la Première Guerre mondiale, Chestov ne cache pas son désespoir : “Il reste devant nous un fait incontestable, à savoir qu’en 1914 les hommes ont perdu la raison. Peut-être le Seigneur en courroux a-t-il confondu les langues ; peut-être y avait-il des causes naturelles, mais, d’une façon ou d'une autre, des hommes, les hommes cultivés du XXe siècle, ont, sans aucun motif, attiré sur eux-mêmes des calamités inouïes. Les monarques ont tué la monarchie, les démocrates ont tué la démocratie ; en Russie, les socialistes et les révolutionnaires tuent, et ont déjà presque tué, et le socialisme et la révolution.”

(suite d'un précédent billet)

11 juillet 2025

Chestov, augure inspiré 1

En 2025, le communisme vit toujours de beaux jours en France. Il continue envers et contre tout de disperser à tous vents ses leçons vérolées, disposant non seulement d’un parti ayant pignon sur rue, mais de puissants relais médiatiques, Humanité et Libération en tête, quasi exclusivement subventionnés par l’impôt. Pire, les néo bolchéviques de La France (prétendue) Insoumise (LFI) appellent impunément à une révolution violente, et pratiquent un antisémitisme arrogant à des fins électoralistes sordides.
Sous l’influence de ces crécelles grinçantes et opiniâtres se réclamant peu ou prou du socialisme, l’égalitarisme fait rage, et la liberté d’expression est toujours plus contrainte. Le paquebot France s’enfonce doucement dans le collectivisme, mais pour l’heure, il reste encore à flot. Notre pays serait-il le seul où le communisme a réussi comme le prétendait, non sans humour, Mikhail Gorbatchev (1931-2022) ?
Pourtant, pour celui qui veut voir la réalité abjecte du socialisme, il y a mille façons de faire. L'une d'elles est de lire le petit ouvrage visionnaire, qu'écrivit Léon Chestov (1866-1938) : Qu'est-ce que le Bolchévisme ?.

Natif de Kiev, cet intellectuel russe était dans sa jeunesse acquis aux idées socialistes et notamment aux principes du marxisme. Pour preuve, en 1889, la censure refusa la soutenance de sa thèse de doctorat, consacrée à la législation ouvrière, au contenu qualifié de révolutionnaire.
Il vécut dans sa chair la Révolution de 1917 dans les prémices de laquelle il perdit son fils Sergueï Listopadov, au combat.
Dégoûté de la tournure que prenaient les événements et aspirant à une carrière d'écrivain et de philosophe, il émigra en Europe et s'établit à Paris, non sans avoir dit tout ce qu'il savait de l'aventure bolchévique.
Écrit en 1920 mais jamais réédité en français avant 2015 (!), “Qu'est-ce que le bolchévisme” est un témoignage édifiant qui disait déjà tout de l'horreur du régime communiste qui allait se mettre en place sous l'impulsion de révolutionnaires très minoritaires mais totalement déterminés.
Le plus simple sans doute, pour s'en faire une idée, est de citer quelques extraits de l'ouvrage dont l'introduction se fait sans détour : “Parler calmement de ce qui se passe à l’heure actuelle en Russie est difficile ou même impossible. Quant à en parler impartialement, j’y parviendrai peut-être…/… Ce qui se passe en Russie est pire que la guerre. Là-bas, des hommes tuent, non seulement des hommes, mais leur pays, sans même soupçonner ce qu’ils font.”
Cela conduit l’auteur un peu plus loin à affirmer que “si le régime de Nicolas Ier, comme celui de la majorité de ses prédécesseurs et de ses successeurs, mérite en toute justice le nom de despotisme ignorant, c’est avec plus de justice encore qu’on peut caractériser par ce mot le régime des Bolchéviks”.

S'ensuivent alors toute une série d'appréciations qui témoignent d’un sens aigu de l’observation de ce que recouvrait cette aventure socialiste, dont la nature perverse mettra tant de temps à apparaître au grand jour.
On peut décliner ces constats en grandes thématiques :

Le refus de la réalité
Selon Chestov, le primum movens du bolchévisme, entendu comme avatar révolutionnaire du socialisme, c'est le refus du monde tel qu'il est au profit d'un monde tel qu'on voudrait qu'il soit. “Si étrange que ce soit, les Bolchéviks, fervents du matérialisme, apparaissent en réalité comme les idéalistes les plus naïfs. Pour eux, les conditions réelles de la vie humaine n’existent pas. Ils sont convaincus que le verbe possède une puissance surnaturelle.”
Si cela s'apparente au départ à une lubie bien intentionnée, un rêve ou une utopie, la réalisation vire très vite à la calamité.

La haine de la liberté
Pour s'implanter, l'idéologie radicale des Bolchéviks se heurte à des oppositions virulentes qu'ils cherchent à faire taire quitte à recourir à la contrainte et bien vite à la dictature. “Le mot liberté devient pour eux le mot le plus haïssable.”
Pour eux, c’est radical, l’alternance n’est pas envisageable, pas plus que les élections : “Un gouvernement, un pouvoir fort, c’est ce qu’il faut au peuple pour son bien, et moins on consultera le peuple, plus grand et plus solide sera son bonheur.”
“Sous les tsars on s’exprimait dans ce que nous appelions la langue d’Ésope, mais l’on pouvait tout de même parler sans risquer la liberté et même la vie. Quant à se taire, cela n’était défendu à personne. Maintenant il est défendu même de se taire.”

Une idéologie stérile et perverse
Le constat fait par Chestov est implacable : “le bolchévisme n’a rien su créer et il ne crée rien.”
L'essentiel de son programme repose sur la culpabilisation de tous ceux qui possèdent quelque richesse, conduisant rapidement à l’abolition de la propriété privée et à la collectivisation des biens par l’État.
La conséquence quasi immédiate est l’inversion des valeurs et la généralisation de la cupidité. “Possédera celui qui aura pris, et l’on prenait sans la moindre gêne. Le pillage était suivi d’assassinats et de supplices.”
De fait, “peu de gens songeaient à travailler. À quoi bon se livrer à un travail pénible, quand il est si facile de s’enrichir sans peine ?”
Mais “si l’ouvrier ne veut pas donner son travail, ni le paysan son pain”, comment faire ?
“Il ne reste qu’une seule issue : il doit y avoir, d’un côté, des classes privilégiées qui ne travaillent pas et forcent les autres par des mesures terribles, impitoyables à travailler au-dessus de leurs forces, et, de l’autre, des hommes sans privilèges, sans droits, qui, sans épargner leur santé et même leur vie, doivent fournir leur travail au profit du tout.”
“Il va sans dire que Marx ne reconnaîtrait pas ses disciples ni ses partisans dans les hommes qui ont formulé un tel programme…”

A suivre…

04 juillet 2025

Tangled Up In Blue

Derrière le personnage célébrissime, derrière ses chansons qui ont fait le tour du monde, se cache un autre Bob Dylan, plus discret mais non moins actif. Un homme éclectique en somme, qui pratique ses violons d'Ingres loin des feux de la rampe, avec humilité dans une paisible rusticité.
Il est peintre à ses heures perdues, sans doute avec moins de génie qu'en musique, mais avec une patte originale mêlant expressionnisme et modernité. Chacun jugera…
Il sait également se faire ouvrier ferronnier, maniant le chalumeau avec un certain talent. On lui doit quelques œuvres élégantes en fer, forgé à partir de pièces de récupération, avec une prédilection pour des vieux outils. Des sortes de portails finement ouvragés témoignent de l’imagination débridée de l'artiste, et ouvrent la porte si l'on peut dire à une autre passion : celle du whisky !
Depuis quelques années il s'est mis en tête, en amateur éclairé autant qu'exigeant, de promouvoir l'élaboration de breuvages d'exception. Du whiskey américain en l'occurrence, élevé dans le Tennessee où il a participé en 2018 à la mise sur pied d'une distillerie artisanale avec un but simple : créer des alcools "qui racontent une histoire”.
Entre autres contributions, ses grilles décoratives servent d'illustrations aux bouteilles emblématiques du whiskey Heaven's Door.
Avec ses coreligionnaires, il a retenu le titre d'une de ses chansons, dont les mots ne sont pas trop forts pour qualifier des nectars qui donnent en passant dans le gosier un avant-goût de paradis.
Contrairement au Bourbon classique élaboré dans le Kentucky à base de maïs, l'un des flacons est réalisé exclusivement avec du seigle (rye) maturé dans des fûts en chêne des Vosges. Il peut se boire à ce titre naturellement mais il sert également de composant, avec la déclinaison straight, au Double Barrel, probable sommet de l'appellation.
Pour tout amateur de ce genre de production, y goûter c'est se laisser prendre au jeu, subtil et délicieux pour peu qu'on évite bien sûr d'en abuser. La souplesse et l'onctuosité du liquide ambré n'ont d'égale que la puissance explosive de ses arômes lorsqu'ils viennent caresser le palais. C'est riche en saveurs où chacun trouvera ce qui lui plaît (caramel, miel, chêne grillé, vanille ,cannelle, épices,), et long en bouche comme le plaisir qui descend tandis que l'ivresse monte…
Ces sensations renvoient assez loin celles qu'on peut avoir avec les pourtant excellents Jack Daniels, BuIleit et même Woodford (elles sont également plus onéreuses…).


Rien de tel qu'un verre de cette petite mort pour accompagner le blues. Une fois n'est pas coutume, ce ne sera pas celui de Dylan aujourd'hui. Mais celui, hypersensible et fondant de Peter Green, à l'écoute notamment du recueil Man of the World. On y trouve le meilleur de ce qu'a produit l'artiste, après l'aventure Fleetwood Mac et avant celle du Splinter Group. Ce brit blues déborde de tendresse et d'émotion révélant la fragilité d'âme de celui qui évoqua l'albatros avec des riffs aériens déchirants. Cette période fut très tourmentée, avec plus de bas que de hauts, mais il en est sorti quelques magnifiques perles rassemblées dans ce double disque paru en 2014.


Pourquoi ne pas poursuivre avec Keziah Jones. Le style très personnel incarné depuis une bonne trentaine d'années par ce musicien à la silhouette efflanquée et au déhanchement quasi reptilien, est devenu un genre à part entière : le Blufunk. Il l'a revisité au cours de sessions torrides captées tout récemment dans l'intimité de son studio nigérian, à Lagos. La recette reste bien sûr la même, fondée sur des rythmiques syncopées frappées frénétiquement à même les cordes de la guitare, assorties de mélodies envoûtantes à la scansion accrocheuse. Il se déteste de quelques réinterprétations de ses propres standards (le fameux rhythm is love, Beautiful Emilie, Hello Heavenly, The Funderlying Undermentals). On trouve également une reprise très animale du The bed’s Too Big Without You de Police, et deux nouvelles compositions au balancement plus sensuel et un brin nostalgique (Melissa, Rainy Saturday).


Pour finir, on peut se délasser les méninges avec le mix blues de Michael Kiwanuka. Au choix parmi les quatre albums qui sont venus affirmer depuis 2012 un groove sensuel aux itérations rythmiques très afro, distillant au fil d'une voix chaude à la fois veloutée et granuleuse des mélodies à fleur de peau. C’est pop, parfois très seventies, planant comme du Floyd ou émaillé de sonorités plus kravitziennes.
Le premier album reste à ce jour le plus prometteur distillant des ballades mélancoliques très prenantes (Home Again). On pense à certains moments à Randy Newman (I Won’t Lie). On trouve quelques sonorités jazzy (Bones) beaucoup d'arpèges élégants à la guitare (Always Waiting) et des rythmes térébrants dont les accents exotiques rappellent qu'il est originaire d'Ouganda (comme le regretté Geoffrey Oryema).
Les trois albums suivants sont de la même veine. On peut toutefois regretter un certain manque de renouvellement dans l’inspiration et dans les arrangements. Ça reste agréable mais un tantinet langoureux et répétitif, noyé dans des orchestrations melliflues. La prise de son et les arrangements un peu trop démonstratifs, notamment dans le dernier opus bien nommé Small Changes, n’arrangent pas les choses.


25 juin 2025

Ainsi va la France 2

Si les différents aspects du diagnostic sévère établi par le maire de Cannes sont pertinents, et partagés par un nombre croissant de gens, il s’agit de savoir s’il est possible de passer enfin des paroles à une refondation concrète de la société. Pour ce faire, il faudrait redonner aux Français le goût de la liberté et de la responsabilité, ce qui n’est pas une mince affaire. Mais le plus gros problème est de définir un vrai projet de gouvernement et surtout de préciser sur quelle plateforme politique il pourrait s’établir.

David Lisnard annonce une suite programmatique à ce premier recueil, mais dès à présent, deux réserves majeures peuvent être faites.
La première porte sur la faiblesse de l’assise politique actuelle de celui qui est à ce jour maire de Cannes et président de l’Association des Maires de France (AMF). Ce n’est certes pas rien, d’autant qu’il fut réélu brillamment à la tête de sa ville en 2020, mais il semble peu probable que le micro parti Nouvelle Énergie pour la France, fondé par lui en 2014, soit en mesure de peser suffisamment à lui tout seul pour proposer une vraie alternative nationale.
S'il s'agit de garder l'étiquette de son parti d’origine Les Républicains, comment imposer les vues libérales audacieuses qu’il expose hardiment, au quarteron de politiciens ego-centrés retranchés dans la dernière casemate d'un Gaullisme usé jusqu'à la corde ? Comment convaincre ces gens biberonnés au lait de l’Etat-Providence d'adopter une vraie ligne libérale, de casser les codes périmés de la politique à la papa et d'ouvrir la voie à une vaste union, s’écartant sans vergogne des idéaux funestes d'une gauche ringarde, et dépassant les cloisonnements égotiques ?
A gauche, et même au centre, il n'y a bien sûr aucun espoir de rallier les foules, tant les parti pris idéologiques semblent ancrés dans les esprits. Mais à droite, les perspectives semblent tout aussi bouchées puisque M. Lisnard répète à qui veut l’entendre qu’il n’a rien à partager avec le Rassemblement National dont il qualifie le projet de “socialiste sur le plan économique, étatiste et interventionniste”. Hélas, à ne vouloir autour de soi que des gens parfaitement alignés sur toutes les problématiques, on ne peut que rester très loin d’une vaste union à l’instar de celle qu’a réussi à mettre sur pied Giorgia Meloni en Italie..

Second reproche, M. Lisnard rappelle avec vigueur son attachement aux principes cardinaux de la Vème république, dont il loue la stabilité et dont il exclut seulement la réforme du quinquennat. Mais si cette constitution a pour elle une certaine longévité, c’est oublier quand même qu’elle nous a mené au marasme actuel. Même du temps béni du septennat, elle a permis des cohabitations douteuses et n’a pas empêché l’ostracisation systématique d'un parti politique, lequel n’a cessé de grossir jusqu'à fausser gravement le jeu démocratique.
Contrairement à l’opinion de l’auteur, dans ce contexte, l'élection du président de la république au suffrage universel est loin d'être la panacée. On a vu à plusieurs reprises qu’à cause du funeste barrage prétendu républicain, les dés étaient pipés, avec pour triste résultat le triomphe en trompe l’œil en 2002 du candidat Chirac, pourtant très impopulaire, avec 82% des voix. Les succès faciles d’Emmanuel Macron en 2017 et en 2022 relèvent du même vice de forme.
Si pour le maire de Cannes, le quinquennat est une mauvaise réforme, n’est-ce pas parce qu'elle n'a pas été associée à la révision de la durée du mandat des députés ?
Facteur aggravant dans le régime actuel, l’équilibre des pouvoirs reste des plus incertains en dépit d’assemblées pléthoriques (577 député et 348 sénateurs vs 435 et 100 pour les Etats-Unis). Le rôle du Sénat est symbolique et on peut déplorer, comme M. Lisnard le fait d'ailleurs, une centralisation excessive des prises de décisions, l’absence de toute responsabilité, de toute remise en cause de la justice et le pouvoir excessif du Conseil constitutionnel, du conseil d'Etat et de nombre d’instances qui n’ont d’indépendantes que le nom.

En définitive, la voix de David Lisnard apporte incontestablement un peu d’air frais dans le débat politique vicié qui asphyxie peu à peu les esprits. Elle est porteuse d’une vraie espérance car elle exprime une détermination claire, courageuse, saine, aux accents empreints de sincérité. Il y a malheureusement loin de la coupe aux lèvres et d’ici que cette bonne volonté se transforme en véritable rénovation du pays, beaucoup d’eau saumâtre risque encore de s’écouler sous les ponts vermoulus de notre pauvre république…

David Lisnard. Ainsi va la France. Edition de l’Observatoire / Humensis. Paris 2025.

24 juin 2025

Ainsi va la France 1

Un amoureux de la Liberté ne peut qu’avoir de la sympathie pour David Lisnard qui porte cette dernière “au pinacle des valeurs fondamentales” et l’exprime concrètement dans son récent ouvrage, “Ainsi va la France”, audacieusement sous-titré “manifeste libéral”.
On peut partager quasi tous les constats cinglants qu’il y fait sur presque tous les aspects de notre société en pleine déconfiture, même s’ils ne sont pas vraiment nouveaux. Ils sont connus de tous ceux qui cherchent de manière objective l'information "de base” et qui sont attachés au bon sens et au pragmatisme davantage qu'à l'idéologie et aux grands principes.
Il faut toutefois préciser qu’il ne s’agit ici ni d’un programme ni d’un texte fondateur, mais d’une compilation d'articles, parus entre 2016 et 2024. D'où une épaisseur conséquente de l'ouvrage (420 pages), une certaine discontinuité du discours et quelques redondances.
N'empêche, la référence claire au libéralisme détonne avec la soupe insipide déversée au nom de la social-démocratie par tant de politiciens rassis, depuis des décennies.

On peut juger de cet engagement sur les sept thématiques abordées et les perspectives d’action proposées :
-Reprendre avant toute chose le chemin de la liberté, en l'adossant à la propriété, à la liberté d’entreprendre, et à l’apprentissage de l’esprit critique.
-Améliorer l'efficacité publique, ce qui signifie moderniser, débureaucratiser, décentraliser, car “nous assistons en fait à une accélération de la dégénérescence du social-étatisme, dépensier et bureaucratique, interventionniste et infantilisant.”
-Rétablir l'ordre en réformant la justice devenue partisane et trop laxiste, notamment face aux mineurs multi-récidivistes, en appliquant les peines, en augmentant la capacité des prisons, en luttant plus efficacement contre les fléaux qui rongent la société : islamisme, terrorisme, chaos migratoire.
-Retrouver la prospérité, c’est-à-dire avant toute chose, favoriser le libre échange, alléger la fiscalité, retrouver la rigueur budgétaire, relever l'industrie, développer le numérique, et l’IA.
-Se loger, se nourrir dans le respect de la terre: en pratiquant une “économie écologique de marché”, et une agriculture rentable allégée des contraintes excessives, en libérant l'immobilier du fatras de réglementations, et d’interdits qui le plombent. Supprimer notamment les DREAL (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), ARS (Agence Régionale de Santé), et MRAe (mission régionale d’autorité environnementale).
-Réparer le tissu social, ce qui implique de s’attaquer aux chantiers dévastés de la santé, de l’éducation, de la famille, et des retraites auxquelles il est urgent d’ajouter un volet fondé sur la capitalisation.
-Rétablir enfin la concorde nationale, ce qui passe par une lutte sans merci contre la décivilisation, l'incivisme, et le wokisme.

Comment ne pas être d’accord avec l’objectif affiché en conclusion de l’ouvrage : porter “l’ambition de faire de la France une superpuissance éducative et culturelle, un des pays les plus sûrs d’Europe, à l’immigration diminuée de façon draconienne et strictement maîtrisée, avec une économie compétitive qui revient dans les dix plus performantes de la planète en termes de richesse par habitant, une dépense publique ramenée dans la moyenne européenne et un revenu net rehaussé grâce à une baisse des charges et des impôts qui pèsent sur le travail et le capital."
Reste à savoir si tout cela est réalisable dans notre vieux pays usé par un désespérant égalitarisme né de la Révolution, mâtiné de socialisme débilitant et d’illusions quant aux vertus supposées de l’Etat-Providence.

à suivre…

17 juin 2025

Si Vis Pacem...

C’était inéluctable. La guerre éclate entre Israël et Iran, après des années pendant lesquelles le régime vicieux des Mollahs n'a cessé d'alterner le chaud et le froid, et d'entretenir les illusions occidentales sur l'issue potentiellement favorable des négociations sur le dossier nucléaire.
Les derniers constats faits par l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique (AIEA) ne laissaient plus aucune place au doute : le point de non retour était en passe d'être franchi. Les Iraniens avaient enrichi l'uranium beaucoup plus que nécessaire pour un usage civil (60% vs 3,67). Malgré leur engagement, ils avaient accumulé un stock de matière fissile 45 fois supérieur à la limite imposée par les accords de Vienne ! Le moment de produire des bombes atomiques était donc tout proche. Connaissant la volonté affichée de rayer Israël de la carte, il n'était plus possible de continuer à laisser faire.
Pour espérer vivre paisiblement un jour, les Israéliens n'ont jamais eu d’autre choix que de préparer la guerre. Avant tout pour répondre aux agressions dont ils sont si régulièrement victimes. Mais cette fois, en raison de l’énormité de ce que préparaient leurs ennemis, ils n’ont pas attendu d'être attaqués pour intervenir.
L'Etat juif, confronté de longue date à un péril existentiel, a donc entrepris une action préventive de grande ampleur visant à démanteler l'arsenal terrifiant en préparation et à décapiter l'organigramme des dirigeants du régime.
Une fois encore, cette opération démontre l'efficacité militaire époustouflante de Tsahal et la qualité exceptionnelle de ses services de renseignement.

Malheureusement, une fois encore, le peuple juif dont la cause est pourtant devenue universelle depuis la fin de la seconde guerre mondiale, se trouve terriblement seul. C'est d'autant plus choquant qu'Israël incarne le modèle de société auquel les pays démocratiques se disent attachés.
On peut remarquer bien sûr la grande retenue des réactions en provenance de la plupart des pays arabo-musulmans.
On peut tout autant subodorer que le grand allié américain est toujours là. Les Etats-Unis sont à l'évidence à la manœuvre en coulisse avec leur gros bâton, sous forme d'aide tactique et de livraisons massives d'armes. On peut d'ailleurs supposer qu'ils ont feint de poursuivre des négociations qu'ils savaient inutiles, à seule fin de faciliter l'effet de surprise.
Comme d'habitude, la Communauté Internationale est aux abonnés absents. L'Europe est inexistante. M. Macron, fidèle à lui-même, s'embrouille dans les messages contradictoires. Un jour il déclare être prêt à reconnaître un chimérique état palestinien et vouloir sanctionner Israël, et un autre il assure qu'il l'aidera à se défendre. Comme d'habitude, il ne sort rien de concret de ces piteux cafouillages. Pendant qu’il joue les matamores d'opérette au Groenland, la France, où s'exprime impunément l'antisémitisme des nazillons mélanchonistes de LFI, offre un bien triste et honteux spectacle.

Dieu seul sait comment tout cela finira, mais il est permis d'être optimiste. Si l'intervention militaire en cours, Rising Lion, pouvait aider le peuple iranien à retrouver la liberté dont ce régime abject le prive depuis près d'un demi-siècle, ce serait une divine surprise. Et le Monde pourrait remercier Israël d'avoir grandement et courageusement contribué à éliminer un péril que les pays libres n'ont pas su enrayer avant qu'il ne devienne monstruosité (et que la France a même inconsidérément aidé). Et de vraies perspectives de paix pourraient enfin se faire jour au Proche Orient !

Illustration : fronton du centre culturel des armées. Madrid.

13 juin 2025

Harangue malfaisante

Les jeunes médecins avaient depuis l’antiquité le serment d'Hippocrate fixant les règles éthiques du métier. Les magistrats en herbe ont depuis 1974 la
Harangue de Baudot.
Ce texte émanant du substitut du procureur de Marseille de l’époque prétend leur servir de guide moral et entend “corriger quelques-unes des choses qui [leur] ont été dites”.
En réalité, il décline tous les dogmes d’une gauche rétrograde, engluée dans une idéologie post-révolutionnaire revancharde et nihiliste. Il est difficile de rester de marbre en découvrant (fortuitement il y a quelques jours quant à moi) cette accumulation de clichés nauséabonds.

Le magistrat commence très fort, en dévalorisant la fonction et en la caricaturant : “On vous a dotés d’un pouvoir médiocre : celui de mettre en prison…/… Évitez d’abuser de ce pouvoir.” Il s’attaque ensuite à l'essence même du métier en affirmant, selon le refrain fallacieux, que “si la répression était efficace, il y a longtemps qu’elle aurait réussi.”
S’il fait le constat malheureusement pertinent “qu’on rend la justice impunément”, il en tire la conclusion qu'il ne faut “pas en abuser”, c'est à dire inverse de celle qui s'impose : les juges ne sont jamais jugés, ce qui est un pur scandale. Puisque les juges sont au dessus des lois, on n'est guère étonné qu'il incite à s’en affranchir, exhortant à “ne pas en faire un usage exagéré” et à “mépriser généralement les coutumes, les circulaires, les décrets et la jurisprudence.”
Dès lors, tout devient simple, autant qu'effrayant : “la loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise.”

Dans la seconde partie du document, l’auteur semble durant un court instant revenir à la raison en s’écriant “Ne soyez pas victime de vos préjugés de classe, religieux, politiques ou moraux.”
Mais juste après il préconise de faire l’inverse en se fondant systématiquement sur l’a priori : “surtout ne pas appliquer extensivement les lois répressives et restrictivement les lois libérales. Agissez tout au contraire.”
Il enfonce le clou de la présomption d’innocence à géométrie variable, mère de la culture de l'excuse : “Ne croyez pas qu’un homme soit coupable d’être ce qu’il est, ni qu’il ne dépende que de lui d’être autrement. Autrement dit, ne le jugez pas. Ne condamnez pas l’alcoolique. L’alcoolisme, que la médecine ne sait pas guérir, n’est pas une excuse légale mais c’est une circonstance atténuante.”
A la fin, il ne s'embarrasse plus d’aucun scrupule, ni d’aucun souci d’équité se délestant d’une tirade hallucinante : “Soyez partiaux ! Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurance de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice.”

Tout est donc dit explicitement. On mesure l’impact maléfique d’un tel texte quand on sait qu’il est devenu un des piliers dogmatiques du Syndicat de la Magistrature créé en 1968, représentant bon an mal an un bon tiers des magistrats et sans doute un peu plus encore de sympathisants, jusqu'au sein même du gouvernement. On pourrait sans être trop excessif, le qualifier d'ignominie, tant il va à l'encontre des principes cardinaux de la justice. C'est une vraie perversion du métier, à laquelle il semble impossible de s'opposer tant le pouvoir judiciaire échappe à toute évaluation objective. Le garde des sceaux de l'époque Jean Lecanuet tenta sans succès d'enrayer cette machine infernale idéologique en saisissant le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), au motif du manquement au devoir de réserve. Ce dernier proposa au ministre d’infliger une réprimande à l’auteur, mais face à la collusion de plusieurs syndicats, aucune sanction ne fut prononcée. Depuis, personne n'ose plus s’indigner contre ce tonneau d'immondices. On comprend à sa lecture comment la justice est rendue dans notre pays et comment nous en sommes arrivés à la défaillance quasi généralisée d’une autorité essentielle, mettant en péril désormais la sécurité des citoyens, détruisant la confiance et minant les fondements du fameux état de droit, c’est-à-dire de la république…

Illustration : Trois juges par Honoré Daumier

10 juin 2025

L'insoutenable légèreté du pouvoir

Peu à peu, l'escroquerie écologique apparaît au grand jour. Les masques tombent à mesure qu'on découvre la fragilité de l'argumentaire sous-tendant la politique "environnementale" du gouvernement et qu'on prend en considération son peu de retombées bénéfiques eu égard à la quantité d'effets néfastes.

Dernier avatar en date, le dispositif Maprimrenov créé en 2020 était destiné à subventionner les travaux d'isolation et d'amélioration énergétique des logements. D'une efficacité douteuse, il s'avère dispendieux pour l'Etat et il a ouvert la voie à toutes sortes d’excès et de fraudes. Dans un contexte budgétaire tendu, le gouvernement a donc suspendu son application.
S'agissant des innombrables lois, réglementations, décrets qui plombent le secteur immobilier, des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent pour remettre en cause le bien fondé du Diagnostic de Performance Energétique (DPE) devenu au fil des révisions aussi stupidement punitif et contraignant qu'incompréhensible. Parallèlement, on assiste à la révision à la baisse du plan ubuesque de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) devenu un vrai pipotron à l’image des loi ALUR, SRU et de leurs déclinaisons toujours plus délirantes qui, entre autres méfaits, contribuent à raréfier gravement l'offre de nouveaux logements.
Dans le champ dévasté de l'agriculture, on songe enfin à alléger la chape administrative pesant sur les exploitations (non sans tergiversations à l’instar de l'épisode grotesque ayant conduit à l’avortement de la loi Duplomb). Il faut dire qu'à la suite de constats scientifiques incontournables (sauf par les complotistes irréductiblement endoctrinés), la plupart des instances officielles américaines, européennes et même française "indépendantes", plaident pour la réintroduction de pesticides, dont on avait, par principe, exagéré la toxicité et minimisé les effets positifs : entre autres glyphosate, néonicotinoïdes...

Dans le secteur de l'automobile, la valse des bonus et des malus a de quoi faire sourire, ne serait-ce que pour éviter d'en pleurer. Après s'être ruiné en subventions destinées à doper la vente de véhicules électriques, chers et peu convaincants, on a réduit le périmètre de leur attribution (faute de moyens et pour protéger le marché de la concurrence étrangère). Mais vu le dépérissement rapide du secteur, on a annoncé leur renforcement prochain ! Dans le même temps on inflige au marché déjà mal en point des véhicules thermiques, la double peine du “malus masse” pénalisant leur poids - dont sont exonérées les voitures électriques - en plus des émissions de CO2. Comprenne qui pourra…
S'agissant des règles de plus en plus folles rendant quasi impossible la circulation en ville, on a vu récemment les élus battre un peu en retraite sur le dossier non moins absurde des Zones à Faible Émissions (ZFE).

En matière énergétique, on a pu admirer le ballet surréaliste des Pouvoirs Publics se félicitant du programme de fermeture des centrales nucléaires avant de plaider pour leur multiplication tous azimuts.
Le développement accéléré des énergies renouvelables fait quant à lui face à un scandale grandissant. S'agissant notamment des parcs éoliens accusés de nombreux défauts : défiguration des paysages, production aléatoire de l’électricité à un coût prohibitif, dysfonctionnements à répétition. La récente panne électrique généralisée, mal expliquée, qui a touché l'Espagne et le Portugal alimente de ce point de vue des craintes légitimes.

C'est à ce moment précis, et alors que le pays vit en permanence sous la menace de graves désordres sociaux et d'une banqueroute inédite, que le président de la République juge opportun de monter au front pour rappeler l'urgence écologique, pointant du doigt ceux qui lui reprochaient de ne pas en faire assez, et aujourd'hui d'en faire trop.
C’est “une erreur historique de céder aux facilités du moment” s'exclame-t-il. « Certains voudraient faire oublier le combat pour le climat » et « préfèrent, pendant ce temps-là, “brainwasher” sur l’invasion du pays et les derniers faits divers ».
Devant ces déclarations franglaises insensées, une question s'impose : Comment l'obstination d'un homme peut-elle mener à un tel aveuglement et un tel déni du réel ?
Don Quichotte était entré en guerre contre les moulins à vent, M. Macron en fait des chevaux de bataille avec lesquels il mouline les idées reçues, les billevesées et les chimères grandioses. Au détriment des vrais défis que sa politique erratique a conduit à faire grandir.
On aurait certes pu comprendre qu’il réagisse au détricotage des lois écologiques qu’il avait promues. L’ennui c’est que lui-même avait fait machine arrière de manière totalement inconséquente sur le dossier nucléaire. En vérité, l’impression qui domine est que peu lui chaut le péril climatique sur lequel il surfe au gré des vagues de l’opinion publique.
Rarement on vit président plus désinvolte, plus inconséquent et pour tout dire, inefficace. Combien de temps encore durera ce pitoyable cirque tournant tragiquement en rond ?

Illustration : par Folon