Ainsi donc un nouveau plan est annoncé pour réformer le système de santé français !
Il ne déroge pas à la règle: chaque nouveau gouvernement se doit d’apporter sa pierre à ce perpétuel chantier.
Présenté en grande pompe par le Président de la République en personne et baptisé “Ma Santé 2022”, il aurait vocation à tracer les perspectives en la matière pour les cinquante années à venir !
Alors qu'il était censé répondre au profond malaise des professions de santé, le chef de l’Etat a réaffirmé qu’il ne s’agissait pas d’un problème de sous-financement mais d’organisation. Tous les gens qui espéraient des moyens supplémentaires en seront pour leurs frais. Quant à l’organisation, on chamboule semble-t-il une fois encore la forme, mais il faut bien chercher ce qui change sur le fond.
Certaines mesures étaient déjà pressenties. Par exemple, la suppression de l’inénarrable numerus clausus qui rejette pour d’obscurs motifs planificateurs près de 90% des étudiants en fin de première année.
Ce système était devenu une véritable monstruosité organisationnelle, rassemblant dans les mêmes amphithéâtres bondés, non seulement les étudiants en médecine, mais également ceux en pharmacie, et qui plus est, les futurs dentistes, sages femmes et masseurs-kinésithérapeutes !
Un véritable chef d’œuvre de planisme comme la France est sans doute un des rares pays à savoir les porter à cet indicible degré d’absurdité. Tout le monde ou presque s’accordait sur l’inanité de cette sélection aride qui faisait perdre un an ou deux, à la majorité des étudiants inscrits dans cette Première Année Commune aux Etudes de Santé (PACES). Car force était de recruter un peu partout des médecins à diplômes étrangers pour faire face à la pénurie ressentie sur le terrain, et tout ça pour constater au bout du compte que la France ne manque pas de médecins par rapport aux autres pays de l’OCDE, mais qu’ils ne sont pas aux bons endroits et pas dans les bonnes spécialités….
On ne reprochera donc pas au gouvernement actuel de mettre fin à cette sinistre comédie, mais on peut s’interroger sur les solutions alternatives envisagées. Le Plan est en effet plus qu’évasif sur le sujet et peut laisser craindre pour le coup qu'on passe du manque à l'excès. Au surplus, il fait une nouvelle fois l’impasse sur les professions para-médicales auxquelles nombre de tâches dévolues aux médecins pourraient être confiées. Mise en pratique dans beaucoup d'autres pays, une telle délégation permettrait pourtant de générer de substantielles économies en diminuant le besoin en médecins, tout en revalorisant et en modernisant les profils de nombre de métiers de la santé.
Parallèlement, le gouvernement a pris acte du poids croissant des charges administratives pesant sur les médecins dits “de ville”. Mais curieusement, plutôt que de proposer enfin un vrai “choc de simplification”, il promet une armée de 4000 "assistants médicaux" destinée à alléger leur fardeau et leur permettre de soigner plus de patients. Hélas rien ne dit d’où il compte sortir ces gens ni de quelle formation il devront attester. Ni infirmiers, ni secrétaires, ni aides-soignants, on comprend mal leur positionnement mais on suppute qu’ils imposeront un coût supplémentaire non négligeable à l’Assurance Maladie. Au surplus, comme toute assistance étatique cette aide sera attribuée aux praticiens sous conditions, en l’occurrence de se rassembler pour former des “communautés professionnelles territoriales de santé”.
L’idée d’exercer en groupe pluridisciplinaire n’est ni mauvaise, ni très nouvelle, mais mise en œuvre sous contrainte, elle risque de se transformer en expédient et pourrait se traduire par le retour des dispensaires d’autrefois, guère efficaces ni innovants…
Supposées enrayer la désertification de nos campagnes, ces maisons de santé polyvalentes seraient susceptibles de se voir renforcées par l’arrivée de 400 praticiens dépêchés tout exprès pour la cause. Là encore, rien ne dit d’où viendront ces recrues providentielles ni ce qui pourrait les attirer dans les trous perdus que la République a purement et simplement abandonnés à leur triste sort, à force de prôner depuis des décennies l’hypermédicalisation centralisée dans les grandes métropoles, et la planification à outrance sur le modèle néo-soviétique. Pour lutter contre les déserts médicaux, M. Macron se refuse encore à envisager la suppression de la liberté d’installation des médecins, mais on subodore qu’il n’y a plus qu’un pas pour arriver à cette funeste extrémité.
Les Pouvoirs Publics n’en sont certes pas à une contradiction près. Aujourd’hui, ils veulent revitaliser les petits hôpitaux en les réorganisant et en les renommant, tout en laissant entrevoir la fermeture de leurs maternités, de leurs blocs opératoires au seul motif qu’ils ne pratiquent pas assez d’actes. Enfin, la tarification à l’activité (T2A) qui était un facteur d’émulation, et un système de répartition des ressources équitable, sous réserve qu’elle reste simple, raisonnable, et neutre, est en passe d’être en partie au moins abrogée après à peine quinze ans d'existence. Au moment précis où l’Etat cherche désespérément à la mettre en œuvre dans le champ des soins de suite et de réadaptation (SSR), il la rabote consciencieusement dans celui du court séjour, en proposant de la remplacer par l’usine à gaz du “financement aux parcours de soins” et “à la qualité”. Comprenne qui pourra...
Comment diable motiver les troupes avec une telle politique à la fois erratique et couarde, qui dit blanc un jour et noir le lendemain, et qui refuse obstinément de s’attaquer aux racines du mal ?
Devant ce plan étique, on ne peut s’empêcher, lorsqu’on a la fibre un peu libérale, de penser qu’on est en train une fois encore de passer à côté de la mère des réformes. Dans sa déclaration d’intention, M. Macron affirme haut et fort qu’il entend rester dans le prêt à penser idéologique suranné dont le pays crève à petit feu: “je veux que ce qu'on appelle le système de santé soit l'un des piliers de l'Etat providence du XXIe siècle qui prévient et protège et puisse accompagner les parcours de vie.” Belles paroles, mais guère pragmatiques...
Au point où nous sommes rendus, on aurait pu rêver à la suppression de toutes les instances administratives inefficaces, au premier rang desquelles figurent naturellement les Agences Régionales de Santé (ARS). Le Canada qui en était également doté l’a fait, pourquoi pas la France ?
On aurait pu de cette façon, imaginer redonner aux hôpitaux l’autonomie de fonctionnement qu’ils ont perdu au fil des décennies. Dans un tel contexte la délégation d’une partie de la gestion au corps médical aurait sans doute été en mesure d’apporter plus de responsabilité et permis à certains de comprendre que la pérennité d’un établissement ne dépend que de deux conditions: être en équilibre financier et réaliser des prestations conformes à l’état de l’art.
On aurait également pu rêver à l’ouverture à la concurrence du monopole usé de l’Assurance Maladie.
On aurait pu enfin songer à décloisonner les soins en favorisant les délégations de tâches au personnel non médical, et comme les instances européennes nous y invitent, à déréglementer nombre de professions de santé.
Mais force est de conclure que tout cela est hélas inimaginable dans notre pays...
Il ne déroge pas à la règle: chaque nouveau gouvernement se doit d’apporter sa pierre à ce perpétuel chantier.
Présenté en grande pompe par le Président de la République en personne et baptisé “Ma Santé 2022”, il aurait vocation à tracer les perspectives en la matière pour les cinquante années à venir !
Alors qu'il était censé répondre au profond malaise des professions de santé, le chef de l’Etat a réaffirmé qu’il ne s’agissait pas d’un problème de sous-financement mais d’organisation. Tous les gens qui espéraient des moyens supplémentaires en seront pour leurs frais. Quant à l’organisation, on chamboule semble-t-il une fois encore la forme, mais il faut bien chercher ce qui change sur le fond.
Certaines mesures étaient déjà pressenties. Par exemple, la suppression de l’inénarrable numerus clausus qui rejette pour d’obscurs motifs planificateurs près de 90% des étudiants en fin de première année.
Ce système était devenu une véritable monstruosité organisationnelle, rassemblant dans les mêmes amphithéâtres bondés, non seulement les étudiants en médecine, mais également ceux en pharmacie, et qui plus est, les futurs dentistes, sages femmes et masseurs-kinésithérapeutes !
Un véritable chef d’œuvre de planisme comme la France est sans doute un des rares pays à savoir les porter à cet indicible degré d’absurdité. Tout le monde ou presque s’accordait sur l’inanité de cette sélection aride qui faisait perdre un an ou deux, à la majorité des étudiants inscrits dans cette Première Année Commune aux Etudes de Santé (PACES). Car force était de recruter un peu partout des médecins à diplômes étrangers pour faire face à la pénurie ressentie sur le terrain, et tout ça pour constater au bout du compte que la France ne manque pas de médecins par rapport aux autres pays de l’OCDE, mais qu’ils ne sont pas aux bons endroits et pas dans les bonnes spécialités….
On ne reprochera donc pas au gouvernement actuel de mettre fin à cette sinistre comédie, mais on peut s’interroger sur les solutions alternatives envisagées. Le Plan est en effet plus qu’évasif sur le sujet et peut laisser craindre pour le coup qu'on passe du manque à l'excès. Au surplus, il fait une nouvelle fois l’impasse sur les professions para-médicales auxquelles nombre de tâches dévolues aux médecins pourraient être confiées. Mise en pratique dans beaucoup d'autres pays, une telle délégation permettrait pourtant de générer de substantielles économies en diminuant le besoin en médecins, tout en revalorisant et en modernisant les profils de nombre de métiers de la santé.
Parallèlement, le gouvernement a pris acte du poids croissant des charges administratives pesant sur les médecins dits “de ville”. Mais curieusement, plutôt que de proposer enfin un vrai “choc de simplification”, il promet une armée de 4000 "assistants médicaux" destinée à alléger leur fardeau et leur permettre de soigner plus de patients. Hélas rien ne dit d’où il compte sortir ces gens ni de quelle formation il devront attester. Ni infirmiers, ni secrétaires, ni aides-soignants, on comprend mal leur positionnement mais on suppute qu’ils imposeront un coût supplémentaire non négligeable à l’Assurance Maladie. Au surplus, comme toute assistance étatique cette aide sera attribuée aux praticiens sous conditions, en l’occurrence de se rassembler pour former des “communautés professionnelles territoriales de santé”.
L’idée d’exercer en groupe pluridisciplinaire n’est ni mauvaise, ni très nouvelle, mais mise en œuvre sous contrainte, elle risque de se transformer en expédient et pourrait se traduire par le retour des dispensaires d’autrefois, guère efficaces ni innovants…
Supposées enrayer la désertification de nos campagnes, ces maisons de santé polyvalentes seraient susceptibles de se voir renforcées par l’arrivée de 400 praticiens dépêchés tout exprès pour la cause. Là encore, rien ne dit d’où viendront ces recrues providentielles ni ce qui pourrait les attirer dans les trous perdus que la République a purement et simplement abandonnés à leur triste sort, à force de prôner depuis des décennies l’hypermédicalisation centralisée dans les grandes métropoles, et la planification à outrance sur le modèle néo-soviétique. Pour lutter contre les déserts médicaux, M. Macron se refuse encore à envisager la suppression de la liberté d’installation des médecins, mais on subodore qu’il n’y a plus qu’un pas pour arriver à cette funeste extrémité.
Les Pouvoirs Publics n’en sont certes pas à une contradiction près. Aujourd’hui, ils veulent revitaliser les petits hôpitaux en les réorganisant et en les renommant, tout en laissant entrevoir la fermeture de leurs maternités, de leurs blocs opératoires au seul motif qu’ils ne pratiquent pas assez d’actes. Enfin, la tarification à l’activité (T2A) qui était un facteur d’émulation, et un système de répartition des ressources équitable, sous réserve qu’elle reste simple, raisonnable, et neutre, est en passe d’être en partie au moins abrogée après à peine quinze ans d'existence. Au moment précis où l’Etat cherche désespérément à la mettre en œuvre dans le champ des soins de suite et de réadaptation (SSR), il la rabote consciencieusement dans celui du court séjour, en proposant de la remplacer par l’usine à gaz du “financement aux parcours de soins” et “à la qualité”. Comprenne qui pourra...
Comment diable motiver les troupes avec une telle politique à la fois erratique et couarde, qui dit blanc un jour et noir le lendemain, et qui refuse obstinément de s’attaquer aux racines du mal ?
Devant ce plan étique, on ne peut s’empêcher, lorsqu’on a la fibre un peu libérale, de penser qu’on est en train une fois encore de passer à côté de la mère des réformes. Dans sa déclaration d’intention, M. Macron affirme haut et fort qu’il entend rester dans le prêt à penser idéologique suranné dont le pays crève à petit feu: “je veux que ce qu'on appelle le système de santé soit l'un des piliers de l'Etat providence du XXIe siècle qui prévient et protège et puisse accompagner les parcours de vie.” Belles paroles, mais guère pragmatiques...
Au point où nous sommes rendus, on aurait pu rêver à la suppression de toutes les instances administratives inefficaces, au premier rang desquelles figurent naturellement les Agences Régionales de Santé (ARS). Le Canada qui en était également doté l’a fait, pourquoi pas la France ?
On aurait pu de cette façon, imaginer redonner aux hôpitaux l’autonomie de fonctionnement qu’ils ont perdu au fil des décennies. Dans un tel contexte la délégation d’une partie de la gestion au corps médical aurait sans doute été en mesure d’apporter plus de responsabilité et permis à certains de comprendre que la pérennité d’un établissement ne dépend que de deux conditions: être en équilibre financier et réaliser des prestations conformes à l’état de l’art.
On aurait également pu rêver à l’ouverture à la concurrence du monopole usé de l’Assurance Maladie.
On aurait pu enfin songer à décloisonner les soins en favorisant les délégations de tâches au personnel non médical, et comme les instances européennes nous y invitent, à déréglementer nombre de professions de santé.
Mais force est de conclure que tout cela est hélas inimaginable dans notre pays...
Illustration: Le Petit Prince. Saint-Exupéry.
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