Ben voyons ! Rien que ça. Nous sommes dans un monde si parfait, si vertueux, si généreux, qu'on se demande en effet comment un gouvernement peut être assez tordu pour inventer de tels stratagèmes xénophobes.
09 octobre 2007
Les nouveaux calotins
Ben voyons ! Rien que ça. Nous sommes dans un monde si parfait, si vertueux, si généreux, qu'on se demande en effet comment un gouvernement peut être assez tordu pour inventer de tels stratagèmes xénophobes.
06 octobre 2007
Se souvenir de si belles nuits...
Ce coffret magnifique c'est en quelque sorte l'apothéose de David Gilmour. Comme un merveilleux et poignant chant du cygne après l'album un peu léthargique de l'année dernière. Avec un titre qui, s'il ne sonne pas tout à fait comme un adieu, exprime une indicible nostalgie : Remember That Night.
Mais si le souffle créatif paraît affaibli, l'artiste heureusement s'avère toujours capable de rassembler des forces incroyables pour livrer la quintessence de son génie musical. On trouve ici parmi nombre de trésors, quelques magistrales interprétations des grandes compositions du Floyd. Notamment une des plus sublimes versions qui soient de Shine On You Crazy Diamond. Avec David Crosby et Graham Nash en forme de choeur s'il vous plaît. Ou encore Comfortably Numb, introduit de manière superbe et déchirante par David Bowie.
Dans cette fameuse ambiance d'extase flottante, bleue, rouge et multicolore, traversée de lasers tranchants comme des rayons issus de diamants utopiques, l'esprit s'égare et s'imagine en bateau ivre, échappé au temps, mais sillonnant sereinement une ineffable mer de raison. Et après les réminiscences de Rimbaud, on songe aux mots de Baudelaire : « là tout n'est qu'ordre et beauté, luxe calme et volupté ».
Alors oubliées les réserves, au diable les réticences, profitons de ce fabuleux feu d'artifice en espérant qu'il soit suivi d'autres. Et prolongeons le plaisir avec le second DVD rempli de pépites inattendues (Astronomy Domine en studio par exemple...).
Un seul regret toutefois faute de disposer d'un standard haute définition : que le son ne soit pas en DTS qui serait nettement meilleur que le Dolby Digital...
25 septembre 2007
La Cour fait ses comptes
Je m'interroge sur l'utilité des constats pertinents et souvent accusateurs, pondus avec une régularité métronomique par cette docte assemblée de magistrats chargés de contrôler la gestion de l'Etat.
Ils s'échinent à « épingler » méticuleusement les défaillances et les lacunes des institutions et ministères, mais tout cela s'apparente à un jeu puisque le système continue en réalité de tourner en rond, à l'abri de ce délicieux théâtre de l'illusion.
Cette année, dans son rapport sur la Sécurité Sociale, la vénérable assemblée a renoncé semble-t-il à s'attaquer aux causes du monstrueux déficit (près de 12 milliards d'euros pour 2007). Elle se borne à proposer d'augmenter les ressources en « élargissant l'assiette des prélèvements ». Jamais à cours d'idées en la matière, elle suggère de jeter cette fois dans la grande marmite sans fond, le produit de nouvelles taxations sur les stock-options, les indemnités de départ en pré-retraite ou de licenciements ! Ça ne mange pas de pain comme on dit, et c'est tellement politiquement correct. Plutôt que de revoir des pratiques douteuses ou de prôner davantage de responsabilité, pourquoi ne pas continuer de se servir sur la bête tant qu'elle a encore un peu de lard !
Elle trouve également que les médecins sont trop payés et ironise même sur des dépassements d'honoraires « assez loin du tact et de la mesure prescrits par le code de déontologie ». Faut-il y voir l'incapacité des Pouvoirs Publics et de l'Assurance Maladie à contrôler efficacement le bien fondé des pratiques, en dépit des kyrielles de fonctionnaires chargés de cette tâche ? Est-ce le constat de l'inanité de la monstrueuse nomenclature baptisée CCAM, mise en oeuvre à grands frais en 2005 et réputée neutre et irréprochable ? Ou bien de la faillite du très emphatique « Parcours de soins coordonné» inauguré bruyamment par le gouvernement en 2004, et qualifié aujourd'hui de « maquis tarifaire illisible par l'assuré » ?
Pareillement, les censeurs s'insurgent au sujet « de la mauvaise répartition des médecins entre spécialités et entre territoires ». Étrange constat dans un pays qui a installé le plus fabuleux dispositif de planification qu'on puisse imaginer ! La Cour des Comptes pointe non sans raison, l'imbécillité d'une telle bureaucratie et propose – hélas un peu tard – de « réduire le nombre d'instances chargées des questions de démographie médicale ». Mais paradoxalement elle en rajoute une couche en suggérant dans le même temps de contrôler de manière autoritaire les installations des jeunes praticiens et en allant jusqu'à recommander la mise en place de « mécanismes de pénalisation financière » afin de « mieux répartir l'offre sur le territoire et de préserver l'égal accès aux soins »...
Face enfin aux gâchis de la scandaleuse usine à gaz du Dossier Médical Personnel (DMP), elle reste étonnamment muette. Plus fort, elle propose même sur ce projet « un pilotage renforcé par la tutelle ».
Bref le manège administratif n'a pas fini de tourner, et les comptes de dériver..
18 septembre 2007
Poncifs et idées reçues
L'Académie de Médecine vient de rendre public un rapport sur les causes du cancer en France. Il démolit nombre d'idées reçues, qu'on entend bien souvent colportées depuis quelques années, sans vrai fondement scientifique.
D'abord, il affirme que la mortalité par cancer est en diminution (-13% entre 1968 et 2002). Il s'agit d'une bonne nouvelle en soi, qui contredit de manière cinglante les sombres prédictions des experts en sinistrose.
Ensuite il remet de l'ordre au sujet des facteurs favorisant la survenue de ces affections. Si près de la moitié des tumeurs restent d'étiologie incertaine, l'écrasante majorité des autres relèvent de causes plutôt triviales, impliquant tout simplement la responsabilité individuelle : tabagisme et alcoolisme avant tout, obésité, sédentarité, exposition excessive au soleil. Il évoque également le rôle de certains agents infectieux notamment viraux et celui de toxiques professionnels. Mais, au grand dam des sermonneurs, la pollution n'intervient que pour 0,5% des patients !
Cela rappelle la polémique survenue il y a quelques années au sujet de la mort des abeilles, que des ratiocineurs bornés mettaient arbitrairement sur le dos des fabricants de pesticides. Aujourd'hui on sait que ce phénomène est beaucoup plus complexe, et on s'oriente avant tout vers une cause virale !
Cela rappelle également les vitupérations du Professeur Belpomme, oncologue très médiatique, en 2004, à propos des méfaits de la pollution. Je reprends l'analyse que j'en avais faite pour la revue DH Magazine :
C’est désormais une mode que d’accuser la société moderne de tous les maux dont souffre l’Humanité. Du terrorisme à la canicule en passant par la mort anormale des abeilles, à l’évidence, il n’y a qu’un seul coupable, le Progrès !
La croisade virulente lancée par Philippe de Villiers en faveur des hyménoptères, n’est probablement pas exempte de calcul politique. Les jérémiades bruyantes mais confuses des altermondialistes non plus. Pour autant, il ne sont pas les seuls à excéder les limites de la bienséance. Le pamphlet tonitruant au sujet des « maladies créées par l’homme » du Professeur Belpomme s’inscrit dans l’outrance, tant il contient d’approximations, de contrevérités et d’incitations à la panique, indignes d’un homme de science.
Ce médecin oncologue ordonnateur nous dit-on du « Plan Cancer » promu par le président Chirac, place son propos dans le champ du catastrophisme le plus noir. Il n’annonce en effet rien moins que la fin de l’humanité à l’horizon 2100 et fait notamment de la pollution la cause première des maladies tumorales !
Curieusement, ces propos alarmistes sont en contradiction flagrante avec ceux d’un autre grand spécialiste le Pr Khayat, présenté lui, comme « Conseiller permanent de la Mission interministérielle pour la lutte contre le cancer ». Dans un récent ouvrage, ce dernier déclare en effet avec enthousiasme que : « Les progrès accomplis dans la recherche contre le cancer, les avancées thérapeutiques sont devenus tels qu'ils ouvrent devant nous, sans aucun doute permis, de merveilleux chemins vers l'espoir. »
Alors qui croire ? Doit-on faire confiance à des experts aussi antithétiques ?
Le tableau brossé par le Pr Khayat est peut-être un peu trop idyllique, mais à bien y regarder, les arguments dont use et abuse le Pr Belpomme apparaissent hautement discutables, voire partisans et idéologiquement très marqués.
Son constat est caricatural. Il affirme gravement que les maladies cancéreuses sont « en augmentation dans tous les pays industrialisés ». Sur 150.000 décès annuels par cancer en France, il en impute 30.000 au tabac, et « une très grande partie » des 120.000 restants à « à la dégradation de l’environnement » !
On chercherait vainement des preuves tangibles à ces énormes affirmations. L’augmentation du nombre de cancers depuis quelques décennies a quelques raisons simples : accroissement de la population, vieillissement progressif et mise en œuvre de moyens de dépistage précoce.
Mais derrière cette recrudescence apparente, se cache en réalité le déclin de certaines tumeurs, particulièrement celles dans la genèse desquelles l’alimentation est susceptible de jouer un rôle important : l’estomac et l’œsophage.
Au surplus, contrairement à ce qu’insinue le Professeur Belpomme, la mortalité a commencé de décroître dans beaucoup de pays, au premier rang desquels figurent les USA qui furent les premiers à mettre en œuvre de vraies mesures préventives. La baisse y est particulièrement sensible pour les cancers les plus fréquents : poumon, prostate, côlon, sein.
Si l’on s’attache enfin à analyser les causes des maladies tumorales malignes, on ne saurait mélanger les certitudes et les hypothèses. Chacun sait que les deux principaux toxiques pourvoyeurs en cause restent le tabac et l’alcool, dont la consommation n’a cessé de croître jusqu’à ces derniers mois. On peut également s’interroger avec inquiétude sur le nombre croissant de cas de mélanomes, provoqués par le bon vieux soleil dont les vacanciers sont si friands.
On invoque souvent les facteurs environnementaux dans le développement inquiétant de certaines tumeurs dont les lymphomes. Bien qu’il ne soit pas possible d’éluder la responsabilité potentielle des pesticides, cette hypothèse est loin d’être vérifiée à ce jour. En revanche les arguments sont nombreux pour accuser les facteurs génétiques et les agents infectieux. La liste est longue des microbes impliqués avec certitude dans les prolifération tumorales : papillomavirus, HTLV1, VIH, herpès, Epstein-Barr, hépatites B et C, helicobacter, campylobacter…
Enfin, la médecine elle-même n’est pas innocente. On estime entre 700 et 1000 par an, les cancers causés par les examens radiologiques ! Et nombre de médicaments se sont avérés cancérogènes, parmi les traitements hormonaux ou immunosuppresseurs. Or ces derniers sont de plus en plus souvent utilisés pour soigner les maladies tumorales elles-mêmes, les affections auto-immunes ou encore comme thérapeutiques « anti-rejet » des greffes d’organes.
La prudence doit être naturellement la règle avant de commercialiser de nouveaux produits chimiques. Il est excessif pourtant de prétendre que rien ne soit fait, même si notre pays a du retard par rapport à d’autres. En tout état de cause, accuser comme on le fait souvent avec beaucoup d’a priori, le système « ultra-libéral », ou la collusion de l’Etat et des grands trusts agrochimiques relève du délire obsessionnel et n’est assurément pas très constructif. Les pays ayant fait le choix d’économies planifiées par l’Etat furent par le passé montrés du doigt en raison de leur mépris total de l’environnement. En France, les principaux scandales récents touchant à la santé publique (sang contaminé, hormone de croissance, vache folle) n’ont pas permis de disculper les instances officielles soi-disant indépendantes…
En matière de solution, sauf à refaire la révolution anti-capitaliste, les propositions sont maigres. Le professeur Belpomme, affirme que : « l’agriculture bio doit être soutenue économiquement ». En dehors du charme passéiste des traditions, il n’existe pourtant guère d’arguments plaidant pour la supériorité du « bio », si tant est qu’on puisse lui donner une définition claire. Au contraire, on connaît depuis longtemps le rôle cancérogène de nombreux produits naturels. Parmi les plus connus figurent l’aflatoxine et la patuline, sécrétées par des moisissures telles que les pénicillium et aspergillus contaminant régulièrement les pommes et autres fruits et légumes.
Il y aurait bien une solution pour éviter autant que faire se peut d’employer des pesticides et insecticides, ce serait de recourir aux OGM, mais je crains que pour beaucoup de gens dans notre pays, le remède n’apparaisse pire que le mal ! Pourtant si le choix leur était laissé, il y a fort à parier que les abeilles ne se tromperaient pas…
14 septembre 2007
De la sottise, érigée en art médiatique
Honneur aux dames, une place de choix revient à Fanny Ardant. Comparer l'actrice à un grand cheval n'est pas très original mais sied bien à son tempérament. Sans aller jusqu'à insinuer qu'elle en a quelque peu le physique, c'est peu de dire qu'elle rue dans les brancards et qu'elle a une certaine propension à hennir à tous crins. Elle vient de se faire remarquer en qualifiant de « héros » le terroriste Renato Curcio, fondateur en Italie des affreuses Brigades Rouges. Peu avare de louanges en la circonstance, elle a même jugé cet épisode sanglant, « captivant et passionnant » ! On atteint là sans nul doute un sommet exquis dans le crétinisme bourgeois. On retrouve en effet, portée au paroxysme, la tendance perverse à encenser les fausses valeurs, et à débiter à la tonne en toute inconséquence, les lieux communs les plus ronflants, qu'on ne peut que regretter sitôt dits.
José Bové continue lui tranquillement en toute impunité, son petit bonhomme de chemin dévastateur, le long des champs d'OGM. Comme les anciens barbares il détruit tout ce qu'il ne connaît pas. Derrière lui l'herbe ne doit pas repousser. Simple principe de précaution... Curieusement les Pouvoirs Publics paraissent bien indulgents vis à vis de ses provocations infantiles. Faiblesse, lâcheté, ou bien conviction qu'il finira par lasser l'opinion publique ?
Last but not least, Dominique de Villepin qui après son Waterloo politique, trouve opportun de sortir un n-ième ouvrage à la gloire de Napoléon.
On pouvait l'entendre il y a quelques jours sur France-Inter, dans son style inimitable fait de clinquantes ampoules et d'onctueuses circonlocutions, comparer à mots couverts Nicolas Sarkozy au Bourgeois Gentilhomme. Il a du culot le bougre. Lui à qui le rôle irait si bien avec ses manières empanachées d'aristocrate d'opérette, attaché à la forme bien plus qu'au fond des choses !
Lui qui du temps qu'il se croyait un vrai destin national, bombait élégamment le torse sous l'oeil complice des photographes, sur la plage de la Baule. Lui qui n'aime rien tant que parler devant les caméras, il prétend aujourd'hui que la communication, « ça isole », et « qu'on s'appartient mieux quand on se promène seul » comme Jean-Jacques, « qu'on lit ou qu'on travaille »... Il oublie le contentement de soi évident qui s'exprimait sur son visage de muscadin lorsqu'il déclamait ses discours racoleurs à l'ONU.
Mais les revers de fortune obligent parfois à des révisions douloureuses et il se console en occultant les rêves du passé. A croire l'ancien premier ministre, en acceptant cette fonction il n'avait qu'un souci en tête : "servir le pays et non ses intérêts". Il n'y avait "aucune rivalité entre lui et Nicolas Sarkozy", et "pas de place pour une ambition présidentielle". Sans blague...
Plus grave encore, on entend de ci de là les commentateurs proclamer qu'il s'agit de la preuve de la vitalité d'Al Qaeda, et de l'échec retentissant de la stratégie de George Bush. Air connu mais plutôt lassant. A croire que ces gens souhaitent la pérennité du terrorisme...
Tout de même. Personne ne peut ignorer qu'aucun attentat de s'est reproduit en Amérique depuis 2001 en dépit des menaces incessantes. Chacun a pu constater en Europe même, les progrès enregistrés dans cette lutte depuis quelques années. Grâce à une bonne collaboration internationale et une vigilance de tous les instants, plusieurs tentatives ont été déjouées, dont une très récemment en Allemagne. La menace certes est toujours présente, mais elle semble mieux contenue.
S'agissant enfin de l'Irak, pour la première fois on parle d'amélioration de la situation. La bataille est loin d'être gagnée mais elle n'est sûrement pas perdue et il appartient plus que jamais aux nations libres d'aider ce pays à conquérir durablement la paix et à s'inscrire dans une vraie logique de progrès. On a trop tendance à occulter le fait que plusieurs milliers de jeunes gens ont donné leur vie dans ce but.
05 septembre 2007
Fine and Mellow
Septembre est là avec ses parfums nostalgiques. Soleil incliné, douceur des jours mais moroses perspectives... Le temps idéal pour le Blues.
Avec un DVD consacré à Billie Holiday je me laisse aller à ce tendre et doux désespoir. (Yet now despair is mild disait Shelley...) Sorti à tout petit prix chez Salt Peanuts, il permet de retrouver Lady Day au travers de quelques sessions envoûtantes. De 1950 à 1959, l'année même de sa disparition, le charme opère pleinement derrière ces images en noir et blanc, incertaines mais si évocatrices. Comment résister à cette voix fragile mais indicible qui dit de manière bouleversante la grandeur tragique de l'existence ? Cette manière poignante de transcender humblement le drame du quotidien : If you treat me right, baby I'll stay home everyday If you treat me right baby I'll stay home night and day...
Comment rester insensible à ces mélodies simples qui glissent comme des larmes chaudes, en apaisant pour le coeur et l'esprit, les peines et l'anxiété ? Et comment ne pas fondre devant ces regards empreints d'une grâce aérienne, qui vous interrogent au delà du temps qui s'écoule.
Pas un commentaire superflu, pas une coupure ne viennent interrompre ces instants ensorcelants. L'émotion est là, à l'état pur.
On retrouve notamment cette session magique, rassemblant autour de la chanteuse une pléiade d'artistes et d'amis particulièrement inspirés et attentionnés. Roy Eldridge, Vic Dickenson, Ben Webster, Gerry Mulligan, Coleman Hawkins et naturellement Lester Young. D'elle et de lui, tous deux si torturés par la vie, tous deux si proches et si loin en même temps, Alain Gerber a dit des mots que je ne peux m'empêcher de répéter ici tant ils sont magnifiques et justes : « trop émerveillés d’être ensemble pour ne pas rester des amants chastes, qui n’enlacent que leurs musiques. Qui se moquent des fêlures dans les ciels de faïence . Et qui font des miracles comme on fait des chansons. »
Pour ceux qui voudraient retrouver un peu de la substance de ce jazz intense et languide, je conseille l'écoute d'un disque de Madeleine Peyroux (Careless Love). Cette jeune Américaine a des inflexions qui ne sont pas sans rappeler celles de la Reine dont elle s'inspire manifestement. Très bien accompagnée, elle parvient à faire beaucoup mieux qu'une imitation. C'est donc vrai, le Blues ne meurt jamais.
30 août 2007
Riches heures en Saintonge
Au sud c'est l'estuaire de la Gironde. J'aime me rendre à Talmont, ce petit village juché sur la falaise crayeuse, tout entier symbolisé par son adorable église, Sainte-Radegonde.
Au dessus du flux boueux des eaux, au bout de fragiles échafaudages en bois, les carrelets nostalgiques étendent leurs grandes nasses arachnéennes. Talmont est devenue hélas un haut lieu touristique. Les petites ruelles bordées de roses trémières ont vu leurs maisons peu à peu rénovées. Elles sont rutilantes mais de plus en plus livrées au commerce des babioles et des souvenirs. Je crains que ce genre de réhabilitation, pourtant bien intentionnée, ne fasse tôt ou tard, fuir l'esprit des lieux. Mais comment préserver l'existence de tels sites sans en stériliser l'âme ?
24 août 2007
Expectative
14 août 2007
Nuages
Les nuages forment des îles
Posées sur des océans bleus,
Qui dansent au fond de mes yeux,
Au gré de cadences graciles.
Ils déchirent gaiement l’azur
De leurs contours fantomatiques,
Et sillonnent énigmatiques,
L’infini profond d’un pas sûr.
**
Trouée par des rais de lumière
Leur substance en se déchirant
Laisse se déployer en grand
De longs bras de jeune matière.
Et de ces doux enroulements,
Surgit la carte d’Italie,
Ou bien quand le sort les relie,
De bizarres animaux blancs
**
Je songe à des apothéoses
Au bout de ces trajets vainqueurs
Mais les perspectives grandioses
Ne sont rien pour ces voyageurs
Insoucieux du vent qui les mène
Ils glissent dans l’air, simplement
Comme une longue et douce haleine,
Défilant indéfiniment...
12 août 2007
L'été en pente douce
En descendant vers le Sud, à la recherche de la chaleur et de la lumière, j'ai découvert Lodève, au pied des Grands Causses. Cette petite ville d'à peine 7000 habitants, située à une cinquantaine de kilomètres de Montpellier est arrosée par deux rivières paisibles : Lergue et Soulondre qui se rejoignent pour grossir un peu plus bas les eaux de l'Hérault. Les berges caillouteuses hébergent une humble floraison. Je ne reconnais pas tout mais je distingue des mauves sylvestres, des épilobes aux longues tiges velues, des salicaires, du fenouil et des carottes sauvages (avec une petite fleur noire au centre de l'ombellifère blanche).
Ce village est comme on dit « dans son jus ». Les ruelles étroites sont humbles, les maisons un peu décaties. Mais il est aussi de beaux corps de bâtiments aux façades cossues témoignant d'un passé plus prospère. L'ancien palais épiscopal, parfaitement rénové sert d'Hôtel de Ville. Il jouxte l'ancienne et noble cathédrale Saint-Fulcran.
Lodève est riche enfin d'un intéressant musée des Beaux-Arts. Il offre durant tout l'été une exposition de peintres impressionnistes et apparentés : la collection Oscar Ghez. Nul doute que cette région, encore préservée du tourisme, se développe prochainement.
Un peu au nord, le viaduc de Millau sera probablement une voie d'accès facile pour de futures invasions...
Nous avons dormi à l'Hôtel de la Paix. Ancien relais de poste en cours de rénovation, il donne sur la rivière. Nous avons apprécié tout particulièrement son adorable patio qui permet aux convives de dîner autour de la piscine, dans une ambiance quasi mauresque : fraîcheur de l'élément aquatique, tomettes et tons colorés, mélange d'ocre et de fuchsia. Découverte d'un vin de pays très dense et parfumé à base de Marselan, un cépage original réalisé à partir de Grenache et de Cabernet.
Le soir, l'esprit rassasié de sensations heureuses, j'en ai profité pour me replonger avec délectation dans l'oeuvre maîtresse de Lawrence Durrell, le Quatuor d'Alexandrie. Elle m'accompagnera durant plusieurs semaines. La grâce aérienne de son style, son univers très méditerranéen, syncrétisme lumineux de l'Orient et de l'Occident, en font un écrivain idéal pour une lecture estivale... Lawrence Durrell a passé les dernières années de sa vie non loin d'ici dans le Gard. Sauf erreur de ma part, il repose à Sommières...
08 août 2007
Raisons d'Etat
Un obscur agent des services secrets américains, est partagé entre les exigences de son pays et celles de sa famille. Ambiance de complot permanent, scènes en clair-obscur, dialogues à mots couverts, sentiments en demi-teintes et secrets d'alcôve. Robert de Niro crée une atmosphère. Mais hélas celle-ci s'étire interminablement, épuisant le spectateur en incessants flashbacks, et en intrigues confuses. Matt Damon est plus inexpressif que jamais et autour de lui, pas un personnage ne se détache de la triste grisaille dans laquelle se noue un drame un peu dérisoire. La reconstitution des années de plomb de la guerre froide est très soignée, mais il y a au moins une heure de trop dans cette satire pesante des méthodes de la CIA. D'autant qu'elle n'apprend pas grand chose sur le fonctionnement de ce type d'administration et compte beaucoup de clichés et d'invraisemblances.
03 août 2007
Profession cinéaste
Avec la disparition de Michelangelo Antonioni (1912-2007), c'est à mon sens un des trois piliers du cinéma italien de l'après-guerre qui s'écroule. Les deux autres, hélas déjà tombés, étaient Fellini (1920-1993) et Visconti (1906-1976). Tous trois, quasi contemporains, ont exploré des voies très différentes, mais complémentaires.
Visconti, a mis en scène la sublime et douloureuse décomposition de la beauté et le naufrage grandiose des hautes aspirations. Comme on tire le Sauternes capiteux et magnifique de la pourriture noble du raisin, il magnifia en esthète la déchéance tragique de la vie.
Fellini obsédé par la laideur et les excès du monde transcenda ces masques grimaçants pour en extraire la quintessence de l'être humain. Ses spectacles sardoniques et truculents n'étaient en quelque sorte que la transmutation comique du désespoir.
Quant à Antonioni, ce furent l'absurdité de l'existence, l'infini de la solitude, et le mystère de la disparition qu'il entreprit de décortiquer au moyen de sa caméra inquiète. On cite souvent la scène finale de Profession Reporter. Elle constitue une tentative originale pour exprimer l'inexprimable. Un sentiment d'étrangeté tranquille. La vie est là tout autour qui bruisse dans l'encadrement de la fenêtre. Mais elle s'inscrit dans une indicible absence. Celle que nous portons tous au fond de nous et à laquelle nous préférons le plus souvent ne pas penser...
30 juillet 2007
Le dernier roi d'Ecosse
Forest Whitaker fait une composition époustouflante dans ce film de Kevin McDonald, qui retrace l'accession au pouvoir d'Idi Amin Dada en Ouganda. La présence et le charisme de l'acteur parviennent même à rendre parfois sympathique ce tyran à la cervelle d'enfant. Car ce géant est une brute infâme, mais il est capable d'une chaleur et d'une candeur touchantes. Il constitue l'archétype de ces chefs d'état immatures et sans scrupule qui promettent à leur peuple un rêve magnifique, et le leur font vivre sous forme d'un épouvantable cauchemar. L'originalité du récit consiste à prendre pour témoin de ce drame, un jeune coopérant écossais en quête d'aventures, devenu par un cocasse enchaînement de circonstances, le médecin personnel du Néron d'ébène. A travers lui c'est tout l'angélisme occidental qui s'exprime. D'abord séduit, impressionné par l'animal il devient vite dubitatif quoique indulgent, puis réprobateur, et pour finir mais un peu tard (300.000 morts sur une population d'à peine 10 millions d'habitants...), franchement écoeuré.
La réalisation est impeccable, trépidante, et hormis deux scènes, évite le voyeurisme trop gore, pour privilégier l'analyse en profondeur d'un phénomène dépassant l'entendement.
Au moment de terminer cette série d'annotations filmographiques, un mot pour les deux éminents représentants du monde du cinéma qui viennent de disparaître quasi simultanément :
Michel Serrault tout d'abord, qui virevoltait avec grâce sur ce microcosme depuis des décennies. Un inimitable sens de la dérision et un humour décapant mâtiné d'un brin de cabotinage, resteront la marque de cet acteur de génie. Le détachement avec lequel il semblait considérer son métier et d'une manière générale la vie, était probablement une façade derrière laquelle il cachait ses secrets, ses questionnements, sa foi. Mais, à force d'avoir joué de pirouettes, à force d'avoir voulu être là ou on ne l'attendait pas, il risque peut-être de laisser le souvenir d'un dilettante. Bah, après tout cela n'était qu'un jeu...
Ingmar Bergman, c'était tout le contraire. La stature austère d'un chirurgien de l'âme, torturé par le mystère de l'existence, par la solitude, par l'incommunicabilité des émotions. Probablement un artiste gigantesque. Mais qui regarde encore des films aussi obscurs et mutiques que le Septième sceau, Le Silence, La Source, L'Oeil du Diable, ou Cris et Chuchotements ? Qui s'intéresse encore à ses peintures existentialistes de la vie conjugale ? Le monde, emporté dans un quotidien de plus en plus matérialiste n'a plus grand chose en commun avec cette lenteur introspective. Avec la disparition d'Ingmar Bergman c'est une porte sur l'âme humaine qui se ferme...
Love the hard way
Une impossible histoire sentimentale dans les bas fonds de New York, sur fond de délinquance à la petite semaine. Le sujet n'est pas nouveau. Les décors sordides, les malfrats minables, plus déjantés que dépourvus de morale; les lofts crasseux et les bagnoles déglinguées. Tout ça a déjà été vu et revu. Bien que la réalisation de Peter Sehr soit très honorable, cette tragique odyssée amoureuse dans la fange vaut surtout par son casting. Adrien Brody fait une composition originale de voyou triste, dont le coeur oscille entre la poésie de Jack Kerouac et le vide nihiliste. Son visage émacié, ébouriffé, long comme un jour sans pain, fait contraste avec le gentil minois de Charlotte Ayanna illuminé par deux yeux bleu transparent. L'ensemble fait un bon film, assez éprouvant tout de même à force de masochisme et d'abjection.
Mauvaise foi
En dépit des invraisemblances d'un scénario un peu à l'eau de rose, on adhère sans peine à cette bluette optimiste qui cherche à marier des opposés a priori inconciliables. Roschdy Zem démontre une certaine maîtrise dans la mise en scène, et réussit bien notamment à donner un peu d'épaisseur psychologique aux personnages secondaires ce qui est suffisament rare pour être mentionné. Il se donne évidemment le beau rôle, qu'il interprète avec brio, mais c'est incontestablement Cécile de France qui, avec sa fraîcheur et sa candeur délicieuse, donne la petite touche qui fait sortir ce film de l'ordinaire.
Célibataires
Cette comédie « sociétale » a bien du mal à décoller. Les trois quarts du film se traînent péniblement. Le scénario est inutilement alambiqué, glauque, vulgaire, et décousu. Les personnages sont franchement antipathiques. Heureusement une embellie finit par surgir dans ce cloaque désespérant et la fin, classique mais bienvenue, laissera aux spectateurs qui auront le courage d'aller jusqu'au bout un souvenir pas trop mauvais.
Bobby
Malgré un casting impressionnant, le réalisateur Emilio Estevez ne parvient à faire de ce prétentieux long métrage, qu'un pâle et inodore navet. Censé mettre en scène le dernier jour de la vie du sénateur Robert Kennedy, il s'éparpille durant près de 2 heures, en vains conciliabules au sein des habitants de l'hôtel où le candidat à la primaire démocrate, doit tenir une réunion politique le soir même. Aucun personnage n'accroche l'attention, et leurs minuscules problèmes n'éveillent pas le moindre intérêt. Quant à Kennedy lui-même, on ne fait que l'entrevoir par instants, à partir de scènes de foules filmées à l'époque. On l'entend également, débiter quelques phrases plutôt creuses et démagogiques, notamment sur la guerre du Vietnam, que son frère avait entreprise quelques années auparavant... Bref, ce tragique jour de juin 1968 s'enlise dans les sermons bien pensants et la guimauve « progressiste ». Il n'y a aucune analyse de ces évènements, aucun recul sur leur signification. Et c'est dans cette ambiance molle et alanguie, que le meurtre surgit comme une gifle, ramenant brutalement ce microcosme nombriliste à la réalité du monde.
Le voile des illusions
Il faut une certaine patience pour suivre cet éprouvante et mélodramatique rédemption tant elle est bridée par une froide pudeur et tant elle charrie de préjugés masochistes. Mais le jeu très sobre et subtil des acteurs, l'impeccable reconstitution historique, en font un spectacle digne de cet effort.
Le parfum
Au spectacle de ce diabolique parfumeur qui s'échine à extraire l'essence des femmes pour en distiller le parfum absolu, on songe évidemment au docteur Frankenstein qui voulut bâtir l'Homme idéal à partir d'un chimérique assemblage de cadavres. Dans les deux cas le rêve fou se transforme en descente aux enfers et c'est la tristesse et la désolation qui s'imposent en lieu et place de l'amour et de la beauté.
Les aventures de Jean-Baptiste Grenouille, issues de l'imagination tordue du romancier Süsskind, paraissent toutefois sordides face au désespoir prométhéen de Frankenstein, et ses bricolages monstrueux tiennent davantage de la lubie d'un serial killer sans état d'âme que d'un grand dessein romantique.
Même si la réalisation léchée du film peut opérer une certaine séduction, il est impossible d'adhérer à cette sorte de macabre passion. En fait de divine fragrance, on perçoit surtout les pestilentiels remugles qui émanent de l'univers miasmatique dans lequel évoluent des personnages falots et antipathiques. L'histoire très statique, traîne en longueur. Et lorsqu'elle s'achève, dans une grotesque transe orgiaque, on ressent avant tout un immense écoeurement.
26 juillet 2007
Like a rolling stone
On vit au cours de gigantesques rassemblements estivaux toute une jeunesse hirsute et bigarrée s'abandonner avec insouciance à une extase collective, une sorte de féerique carpe diem semblant ne jamais vouloir finir. « Trois jours d'amour et de musique » promettaient les organisateurs du festival de Woodstock...
Mais si les papys ont encore du jus, peuvent-ils ranimer la flamme ?
L'Histoire passe rarement deux fois les mêmes plats. Après que l'esprit du temps se soit enfui, il ne reste que son empreinte un peu défraîchie. C'est sympathique mais désuet comme tout ce qui a vécu tout en se vidant de sa substance.
Mais la relève est là. Amy Winehouse, avec son allure déjantée et sa belle voix meurtrie s'empare de la musique soul. Paolo Nutini, âgé d'à peine 20 ans, James Morrison de 2 ans son aîné, réinventent la ballade dans le genre éraillé.
Sauront-ils créer de nouvelles formes d'expression pour s'élever au dessus du statut d'épigones ?
En 1967 à Monterey éclatait dans toute sa splendeur le génie impétueux de Jimi Hendrix. Malheureusement il fut météorique. Ses frasques, débordant de vitalité, d'exubérance et d'inventivité se consumèrent en quelques années comme un panache incandescent, brûlant jusqu'à son coeur cristallin de comète.
Il périt dans les flammes de la passion comme sa guitare, sacrifiée à la fin du concert. Ce jour là, il avait montré à la fois la vigueur et la richesse de son infaillible sens de l'improvisation, mais aussi révélé qu'une indicible grâce l'habitait. En réinterprétant Like a Rolling Stone de Bob Dylan, il le transcenda littéralement. Quarante ans après, ces instants capturés par la caméra de D.A. Pennebaker n'ont rien perdu de leur force suggestive. Cette seule prestation suffirait à la gloire de l'artiste tant elle est intense, brillante et légère à la fois. A la manière d'un djinn : « de ses doigts en vibrant s'échappe la guitare ». On pourrait ajouter, « et son âme... »
19 juillet 2007
Eloge de la promenade
La plupart des joggeurs semblent pressés. Ils courent sans but ni raison. Ils ne regardent généralement pas le paysage autour d'eux et souvent même isolent leurs oreilles des bruits du monde avec d'horribles casques à musique. Sur le sujet, je rejoins volontiers Alain Finkielkraut lorsqu'il évoque sans indulgence les très médiatisées trépidations sportives du président de la République et du premier ministre. Comme lui je serais presque tenté de préférer encore les promenades de François Mitterrand. Hélas, la nuée de journalistes de badauds et de courtisans entourant l'ascension de la Roche de Solutré en faisait quelque chose ressemblant davantage à une kermesse ou une étape du tour de France qu'à une tranquille déambulation spirituelle...
Les exemples illustrant les vertus de la marche sur l'intellect et la réflexion sont nombreux, d'Aristote à Kant, en passant par Rousseau. Les peintres également trouvent souvent l'inspiration au cours de leur pérégrinations sur le motif. On connaît le fameux tableau intitulé « Bonjour Mr Courbet » qui vaut mieux qu'un long discours.
Pour ma part, lorsque je me promène ainsi, le paysage se confond souvent parfois ma tête avec ceux du peintre anglais John Constable.
Ces panoramas tranquilles, sis dans une paisible quiétude, s'apprécient comme de beaux fruits pleins de saveur. « Rondeur des jours », disait Giono...
On peut y sentir l'odeur de la terre et de l'herbe après la pluie. On peut y percevoir les promesses de jours sereins derrière les nuages illuminés. Ou pourrait même tenter d'y déchiffrer quelques uns des mystères de la Nature tant elle semble s'ouvrir à l'entendement sous le pinceau de l'artiste.
Constable voulait faire de l'art une science capable de nous aider à mieux comprendre la nature. Comme Locke en Philosophie, il espérait dans le domaine de l'expression picturale, appliquer la méthode de Newton : « Pourquoi ne pas considérer la peinture des paysages comme une des branches de la physique, dont les expériences ne seraient autres que des tableaux ? »
Bel objectif, d'autant plus louable qu'il ne nuisit absolument pas à l'émotion. Dans l'histoire de l'Art, Constable reste comme un des pères de l'impressionnisme. Et son talent ne se limita pas à la transposition sur la toile de paysages. Il laissa également quelques portraits. Parmi ces derniers, figure celui de sa femme très aimée, Maria Bicknell. Peint de manière spontanée et libre, ce visage révèle tout à la fois une belle intensité et une grande tendresse. Constable le garda toujours près de lui car sa simple vue disait-il, guérissait tous les maux de son âme...
12 juillet 2007
Sommes nous des boucles étranges ?
La sortie récente de son nouvel ouvrage, I'm a strange loop, non traduit encore en français, et la lecture d'un blog très intéressant sur les problématiques qu'il soulève, m'a donné l'occasion de reprendre le GEB. Il m'avait passionné il y a une quinzaine d'années, au moment où je découvrais les applications de l'informatique au raisonnement médical, et où l'on imaginait pouvoir un jour remplacer les médecins par des systèmes-experts...
Dans ce livre épais (800 pages) mais assez aisé à lire grâce à l'insertion de saynètes humoristiques, Hofstadter étale une culture protéiforme, et tente de donner à son propos une portée universelle, en puisant habilement des concepts dans les oeuvres de personnalités éminentes des arts et des sciences. Des canons cancrizans de Jean-Sébastien Bach à la double hélice de l'ADN de Crick et Watson, du paradoxe d'Épiménide au fameux théorème d'incomplétude de Gödel, des savantes illusions optiques du graveur Escher aux vertiges symboliques de Magritte, il fait assaut de démonstrations séduisantes pour tresser les brins d'une guirlande magique. Celle-ci a toutefois une particularité troublante : à la manière d'un ruban de Möbius elle tourne indéfiniment sur elle même tout en n'offrant au regard qu'un seul bord et une seule surface...
C'est en initiant le lecteur à ce genre de boucle étrange, qu'il tente de l'amener à penser que le monde dans lequel il vit est inexorablement enfermé dans un déterminisme implacable. Comme beaucoup d'oeuvres de vulgarisation, c'est séduisant, car simple et complexe à la fois. Comme souvent les formes géométriques, les symétries et et les trompe-l'oeil, c'est même assez bluffant. Mais les raccourcis sont parfois un peu abrupts et surtout hasardeux. Certes Bach fut un maître inégalé dans l'art de la fugue et du contrepoint, mais il paraît vain de réduire la signification de sa musique à ce seul ordonnancement, quasi parfait. Comme il est illusoire de vouloir expliquer l'univers par la seule théorie, très lacunaire, de l'évolution selon Darwin. C'est en quelque sorte confondre la fin et les moyens.
Or ne donne-t-il pas une définition de ce que pourrait être Dieu en supposant qu'il existe un niveau supérieur à l'homme ? Et dans le même temps, en refusant à ce dernier le libre arbitre, n'enlève-t-il pas à la conscience humaine son existence même ? Et si nous n'avons pas de conscience, comment prétendre que nous sommes manipulés ? Comment même affirmer que nous pensons ?
Ni le personnage de roman, ni la marionnette, ni probablement l'ordinateur, ne s'interrogeront jamais au sujet de leur créateur. Ce serait un non sens puisqu'ils n'ont pas d'existence propre et que la question du libre arbitre les indiffèrent. La magie de l'existence humaine, son drame aussi, c'est justement la conscience qu'elle a d'exister.
09 juillet 2007
Paul Morand et la Grosse Pomme
02 juillet 2007
Un cinéaste bien excentrique
Pour Mulholland Drive, le cinéaste puise au même tonneau de chimères. La mise en scène est somptueuse, les images superbes, les actrices et acteurs excellents, la musique envoûtante. Pourtant on reste sur sa faim. Car le film qu'on imagine narratif au début, dans le style noir, évoquant l'excellent " LA confidentials ", bascule un bref moment dans la violence décalée genre Tarantino, puis dérape brutalement et définitivement dans le délire le plus total, rappelant " une nuit en enfer " de Rodriguez.
Qu'un film vous déstabilise, voilà qui n'a rien de dérangeant, bien au contraire, lorsque le propos reste captivant. Mais lorsqu'on s'aperçoit que les retournements de situations ne sont que des incohérences accumulées, on finit par se lasser. Le chaos stérile qui règne dans toute la seconde partie de ce long métrage, en limite considérablement l'intérêt. L'impression la plus forte qui s'impose, c'est que D. Lynch avait dans la tête le début de son film, mais hélas pas la fin. Il en fait des tonnes pour tenter de faire croire à la complexité, à l'originalité, multipliant les chausse-trappes, les faux semblants et les pseudo indices, mais tout ceci n'aboutit à rien d'autre qu'à l'exaspération avec laquelle on ressort, après plus de deux heures d'efforts pour comprendre… qu'il n'y a rien à comprendre !
A partir d'un sujet scabreux pour le premier, dans une ambiance lourde et austère, filmée en noir et blanc, Lynch tire une fable bouleversante sur la souffrance humaine, sur la misère d'être né différent. Aucun artifice ne vient polluer ce récit dramatique, transcendé par le sublime adagio de Barber qui lui sert de bouleversante toile de fond musicale.
Pour Elephant Man comme pour une Histoire Vraie, le cinéaste, dont on connaît la propension à divaguer, voire parfois à délirer, apparaît ici comme fasciné, captivé par les faits qu'il raconte. Il resserre en conséquence son discours et contraint sa caméra pour capturer sans artifice l'émotion à fleur de peau. Et cela donne de purs et inoubliables chefs d'oeuvres.
Et comme John Hurt, bien méconnaissable, fait une composition extraordinaire dans Elephant Man, Richard Farnsworth incarne le personnage principal d'une Histoire Vraie avec une densité fabuleuse.
Sitôt acclimaté à l'univers décalé de cette épopée singulière, on tombe en effet irrésistiblement sous le charme de ce vieillard entêté qui au soir de sa vie, entame envers et contre tout une stoïque remontée de son passé pour tenter d'en effacer les actes manqués et en apaiser les meurtrissures. Et pour renouer in extremis avec un frère moribond, les liens magiques de l'enfance, brisés par des années de disputes largement arrosées d'alcool.
Ce pèlerinage expiatoire que d'autres feraient sur les genoux jusqu'à la Vierge Noire de Rocamadour, il choisit de l'accomplir, lui, en dépit d'affreux rhumatismes, de manière cocasse et pathétique, sur plusieurs centaines de kilomètres, à cheval sur le seul et unique véhicule à sa portée, une dérisoire tondeuse à gazon.
Cela confère à ce film une simplicité évangélique. On songe parfois, le long de cette longue route, au bord des immensités sauvages, à la solitude sublime qui sous-tend les films de Terence Malick.
Indiscutablement un grand classique, solide et beau comme une tragédie antique.
Rien que pour ces deux joyaux, et en dépit de ses excentricités, David Lynch mérite donc une place à part au Panthéon du cinéma.
30 juin 2007
Apocalypto : voyage au bout de la peur
On peut également y distinguer un périple initiatique, éprouvant mais illuminé vers les valeurs essentielles. Le héros qui fuit une société cruelle, brutale, ignorante et vaine, tente en courant à perdre haleine dans la jungle, de retrouver une vie simple, associant joies familiales et amour de la forêt. Derrière la théâtralisation de la violence, il s'agit en fait d'une fable écologique, à mi-chemin entre le Candide de Voltaire et le Walden d'Henry-David Thoreau.
L'apocalypse consiste pour l'homme, à savoir surmonter ses peurs et ses aveuglements afin de retrouver le paradis perdu...
25 juin 2007
L'Europe à nouveau sur les rails
C'est un peu l'image que renvoyait l'Europe ces derniers temps : celle d'un train de marchandises, arrêté en rase campagne. Ses wagons étaient toujours attachés entre eux, mais il n'avaient plus ni dessein, ni destination.
Il faut rendre hommage à Nicolas Sarkozy. Moins d'un mois et demi après son élection, il est parvenu à redonner un élan à cette machinerie toujours fumante, mais immobile. Il n'a pas ménagé sa peine. Selon sa méthode, il s'est rendu à tous les endroits où il y avait des frictions. Et surtout il n'a pas éludé la responsabilité que portait la France dans cet échec : « Je comprends les réticences, je suis le représentant d'un pays qui a dit non à la constitution ».
Pour une fois la France a fait profil bas. Pour une fois elle a semblé vraiment tenir compte de l'opinion de ses partenaires et les a respectés. Et pour une fois elle a exprimé une vraie conviction, celle de construire avec ses voisins un avenir commun. Cela fut payant. La partie est encore loin d'être gagnée mais elle est bien engagée. Le climat a paru bon, même détendu. Les échanges ont été directs et pragmatiques.
On n'avait pas vu ça depuis longtemps. Et tant pis pour la constitution. De toutes manières à 27, il était devenu illusoire d'espérer mener à bien un projet aussi complexe.
Avec un peu de chance le mini-traité sera suffisamment simple pour être efficace et suffisamment approfondi pour constituer le socle solide d'une vraie nation européenne...
24 juin 2007
L'homme révolté
L'homme révolté, qui date de 1951 illustre cette attitude courageuse. Il s'agit d'une douloureuse mise au point sur les révolutions, les révoltes et autres folies humaines engendrées par la soif d'absolu. Camus y montre le caractère inhumain de cette exigence, qui oscille entre idéalisme et nihilisme, « tel un pendule déréglé qui court aux amplitudes les plus folles», et finit par mener aux enfers, en s'abîmant dans le terrorisme, la dictature et d'une manière générale dans l'horreur.
Il met en garde d'emblée contre la confusion des sens qui caractérise le nihilisme: « si l'on ne croit à rien, si rien n'a de sens, et si nous ne pouvons affirmer aucune valeur, tout est possible et rien n'a d'importance. »
Par une phrase, devenue célèbre, il montre d'ailleurs que ces dérives naissent autant de l'inversion des valeurs que de leur disparition : « Le jour où le crime se pare des dépouilles de l'innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c'est l'innocence qui est sommée de fournir ses justifications. »
Précisant ensuite sa pensée, il souligne le danger qu'il y a de vouloir donner corps, sans contrôle, aux constructions théoriques de la Philosophie : « Il y a des crimes de passion et des crimes de logique. Le Code Pénal les distingue assez commodément, par la préméditation. Nous sommes au temps de la préméditation et du crime parfait. Nos criminels ne sont plus ces enfants désarmés qui invoquaient l'excuse de l'amour. Ils sont adultes au contraire, et leur alibi est irréfutable : c'est la philosophie qui peut servir à tout, même à changer les meurtriers en juges. »
Et puisque le nihilisme et l'idéalisme se conjuguent en règle avec l'athéisme, c'est aussi l'absence de Dieu qui est pour lui en cause : « l'actualité du problème de la révolte tient seulement au fait que des sociétés entières ont voulu prendre aujourd'hui leur distance par rapport au sacré. »
Camus, qui s'attaque avant tout aux idéologies modernes, semble ici occulter les fanatismes religieux. Au spectacle de leur résurgence actuelle, on aurait envie de compléter son propos en suggérant que le mal vient tantôt de ce qu'il n'y a pas assez de dieu et tantôt de qu'il y en a trop.
Avec ou sans Dieu, la révolte exerce cependant un indéniable pouvoir d'attraction, car c'est bien souvent l'injustice qui est brandie comme prétexte : « le révolté « métaphysique » se dresse sur un monde brisé pour en réclamer l'unité. Il oppose le principe de justice qui est en lui au principe d'injustice qu'il voit à l'oeuvre dans le monde. » Et c'est à ce moment que s'enclenche une mécanique infernale, car commence alors « un effort désespéré pour fonder, au prix du crime s'il le faut, l'empire des hommes. »
Au long de son enquête, Camus s'attache à extraire de l'Histoire les figures les plus emblématiques de la révolte. Il voit par exemple en Sade, débuter « vraiment l'histoire et la tragédie contemporaines. » Dans l'oeuvre de ce dernier il décèle en effet les ingrédients des totalitarismes à venir : « la revendication de la liberté totale et la déshumanisation opérée à froid par l'intelligence. »
En somme le délire sadique, par sa diabolique organisation, apparaît plus pervers que les constructions éthérées des poètes révoltés qui suivront : Baudelaire, Lautréamont, Rimbaud...
Et il faudra attendre Dostoïevski et surtout André Breton pour formuler à nouveau une vraie esthétique « littéraire » de la révolte. « l'acte surréaliste le plus simple, dit Breton, consiste à descendre dans la rue, revolver au poing, et à tirer au hasard dans la foule. » Mais ce genre d'affirmations imbéciles ne vise qu'à inspirer quelques têtes brûlées, non un système cohérent.
Évidemment les révolutionnaires français figurent en bonne place dans le catalogue monstrueux dressé par Camus. Avec 1789 on entre en effet dans l'application froide et méthodique de la révolte, fondée sur des principes intellectuels. « le Roi doit mourir au nom du contrat social » et les religions et classes établies doivent disparaître, car sources d'injustice. Pour cela, les révolutionnaires, qui s'opposent au début à la violence et à la peine de mort, en viendront à barbouiller leurs nouvelles lois avec le sang du peuple : « les échafauds apparaissent comme les autels de la religion et de l'injustice. La nouvelle foi ne peut les tolérer. Mais un moment arrive où la foi, si elle devient dogmatique, érige ses propres autels et exige l'adoration inconditionnelle. Alors les échafauds reparaissent et malgré les autels, la liberté, les serments et les fêtes de la Raison, les messes de la nouvelle foi devront se célébrer dans le sang. »
Dans l'inventaire sinistre, la palme revient toutefois aux idéalistes athées ou matérialistes, car ce sont eux les pères des grands génocides modernes.
Nietzsche bien sûr, « la conscience la plus aiguë du nihilisme ». Camus lui trouve toutefois des circonstances atténuantes car « il n'a pas formé le projet de tuer Dieu. Il l'a trouvé mort dans l'esprit de son temps.»
Si l'on suit le raisonnement, Nietzsche n'est pas un révolté à proprement parler puisqu'il ne fait que remplacer le culte de Dieu par celui de Dionysos, c'est à dire la foi ascétique en un paradis céleste par la fête perpétuelle sur terre. Hélas l'avènement des Nazis s'inscrivait dans cette perspective orgiaque...
En 1950 cette parenthèse démoniaque semble close. Nietzsche; Hitler, Mussolini comme Dieu sont morts et en définitive, c'est à Hegel et Marx qu'il faut remonter pour voir surgir vraiment le spectre monstrueux de la « Lutte Finale ».
Hegel qui « a rationalisé jusqu'à l'irrationnel », a ouvert la boite de Pandore de toutes les révoltes, en galvaudant sans vergogne la notion même de vérité : « Ceci est la vérité qui nous paraît pourtant l'erreur, mais qui est vraie, justement parce qu'il lui arrive d'être l'erreur. Quant à la preuve, ce n'est pas moi mais l'histoire, à son achèvement, qui l'administrera. » En somme, d'une seule affirmation, terrifiante, Hegel enlève toute limite au processus révolutionnaire et lui confère un dessein inhumain : « Si la réalité est inconcevable, il nous faut forger des concepts inconcevables ».
Dès lors tout devient envisageable. Marx peut énoncer les plus extravagantes prophéties, pourvu qu'elles aient une vague assise scientifique. Dans l'euphorie scientiste, il approprie à la cause toute espèce de preuve, écrivant par exemple à Engels « que la théorie de Darwin constitue la base même de leur théorie. »
Grâce à ces stratagèmes il peut alors affirmer tranquillement que le communisme « est la véritable fin de la querelle entre l'homme et la nature, et entre l'homme et l'homme, entre l'essence et l'existence, entre l'objectivation et l'affirmation de soi, entre la liberté et la nécessité, entre l'individu et l'espèce. Il résout le mystère de l'histoire et il sait qu'il le résout. »
Et puisque tout est permis, la Cause, définitive et universelle, justifie la soumission totale des individus. Bakounine exige dans les statuts de la Fraternité internationale, « la subordination absolue de l'individu au comité central, pendant le temps de l'action ». Netchaiev va encore plus loin : il décide « qu'on peut faire chanter ou terroriser les hésitants et qu'on peut tromper les confiants. » Tkatchev va jusqu'à proposer « de supprimer tous les Russes de moins de vingt-cinq ans, comme incapables d'accepter les idées nouvelles. » Et Feuerbach consacre le règne du Centralisme Bureaucratique : « le vrai dieu humain sera l'état. »
Mais la prophétie est un échec. Au plan scientifique, les faits s'accumulent peu à peu contre la doctrine. Il faut d'abord « nier les découvertes biologiques depuis Darwin », puis, sous l'égide de Lyssenko, « discipliner les chromosomes », et à la fin, « n'être scientifique qu'à condition de l'être contre Heisenberg, Bohr, Einstein... »
Tout cela devient difficile à tenir, d'autant qu'au plan économique et social, les credo s'affaissent pareillement : « La faillite de la seconde internationale a prouvé que le prolétariat était déterminé par autre chose encore, que sa condition économique et qu'il avait une patrie, contrairement à la fameuse formule. » On connaît la suite...
Certes Camus ne fut pas le premier à écrire tout cela mais en 1950, ils étaient nombreux en France, les intellectuels abusés et pour longtemps encore, par les chimères du marxisme. A l 'heure où certains continuaient de les propager, « pour ne pas désespérer Billancourt », il savait pour sa part à quoi s'en tenir : « la révolution sans autres limites que l'efficacité historique signifie la servitude sans limites. »
Bien qu'il ne se réclame pas du libéralisme, Camus au terme de son éprouvante et longue enquête, parvient à un point d'équilibre, fait d'humilité et de pragmatisme. Au vertige mortel des grandes idées il oppose, en citant Lazare Bickel, les grandeurs relatives : « l'intelligence est notre faculté de ne pas pousser jusqu'au bout ce que nous pensons afin que nous puissions croire à la réalité. »
Et il tire une magnifique conclusion des vraies données de la science moderne : « les quanta, la relativité jusqu'à présent, les relations d'incertitude, définissent un monde qui n'a de réalité définissable qu'à l'échelle des grandeurs moyennes qui sont les nôtres. »
Camus vient du nihilisme et de l'agnosticisme. Il est épris de justice et de progrès, mais après mûre réflexion, il refuse de les assujettir au Moloch sanguinaire de la révolte. "Entre ma mère et la justice, dit-il, je préfèrerai toujours ma mère". En un mot, il est humain...